Devoir de Philosophie

Jules VALLÈS, Le Bachelier.

Publié le 12/02/2011

Extrait du document


(Le héros du livre, qui de terminer ses études secondaires, se rend à Paris.) Je suis libre! libre! libre!... Il me semble que ma poitrine s'élargit et qu'une moutarde d'orgueil me monte au nez... J'ai des fourmis dans les jambes et du soleil plein le cerveau. Je me suis pelotonné sur moi-même. Oh! ma mère trouverait que j'ai l'air noué ou bossu, que mon œil est hagard, que mon pantalon est relevé, mon gilet défait, mes boutons partis! — C'est vrai, ma main a fait sauter tout, pour aller fourrager ma chair sur ma poitrine; je sens mon cœur battre là-dedans à grands coups, et j'ai souvent comparé ces battements d'alors au saut que fait, dans un ventre de femme, l'enfant qui va naître... Peu à peu cependant l'exaltation s'affaisse, mes nerfs se détendent, et il me reste comme la fatigue d'un lendemain d'ivresse. La mélancolie passe sur mon front, comme là-haut dans le ciel, ce nuage qui roule et met son masque de coton gris sur la face du soleil. L'horizon qui, à travers la vitre me menace de son immensité, la campagne qui s'étend muette et vide, cet espace et cette solitude m'emplissent peu à peu d'une poignante émotion... Je ne sais à quel moment on a transporté la diligence sur le chemin de fer (1); mais je me sens pris d'une espèce de peur religieuse devant ce chemin que crève le front de cuivre de la locomotive, et où court ma vie... Et moi, le fier, moi, le brave, je me sens pâlir et je crois que je vais pleurer. Justement le gendarme (2) me regarde — du courage. Je fais l'enrhumé pour expliquer l'humidité de mes yeux et j'éternue pour cacher que j'allais sangloter. Cela m'arrivera plus d'une fois. Je couvrirai éternellement mes émotions intimes du masque de l'insouciance et de la perruque de l'ironie... Jules VALLÈS, Le Bachelier. (1) En 1851, cela se faisait ainsi (note de J. Vallès). (2) Un des occupants de la diligence. 
Vous ferez de ce texte un commentaire composé, que vous organiserez de façon à mettre en lumière l'intérêt qu 'il vous inspire. Vous pourriez, par exemple, étudier comment l'agencement du récit et le lyrisme de l'expression suggèrent les émotions du personnage. Mais ces indications ne sont pas contraignantes : vous avez toute latitude pour orienter votre lecture à votre gré.
• Le Bachelier est dédié  «A ceux qui nourris de grec et de latin sont morts de faim«.  • Tel est l'exergue du second volume de la trilogie de Jacques Vingtras : L'enfant, Le Bachelier, L'Insurgé, de Jules Vallès, romancier naturaliste, disciple de Zola.  • Autobiographie, en grande partie, mais aussi — compte tenu surtout de la vie et de la pensée de Vallès —, roman social et politique, écrit pendant l'exil à Londres, après la Commune.  • Ici extrait des premières pages de Vingtras II, quand le jeune bachelier ayant, de son diplôme, conquis le droit d'être lui-même, voyage vers Paris, — à la conquête de la vie?  • Donc témoignage authentique, «la rencontre exceptionnelle d'un cri et d'une forme« (Pillu).  • Cette forme, c'est un style qui «saute aux yeux« (Alba-lat), exprime ce qu'il sent comme il le sent en une succession d'instantanés, piqués de gouaille tendre et retenue...  • ... plus un certain lyrisme fruste pour peindre les émotions éprouvées.  

« • Présentation des thèmes. I.

Joie et émotion lyriquement exprimées par le nouveau bachelier. • «Je suis libre, libre, libre...» véritable cri en écho : de joie, d'être enfin responsable de soi, d'enthousiasme, desoulagement aussi. • Chaque exclamation est mouvement de tout l'être : cœur, corps («ma poitrine s'élargit»), esprit et sensations,mêlés («Je sens» : prise de conscience, en un tout qui le pénètre et dont il est «plein»). Noter tous les verbes de mouvement. • Moment exceptionnel où il a l'impression d'être quelqu'un.

D'où surexcitation.

Joie vitale.

Éveil à la vie : «Je sensmon cœur battre...

va naître».

La ponctuation et le rythme traduisent sa légèreté. • Mais il est vite aussi comme en transe, il entre en «ébullition», car le but convoité va être atteint. • Donc notion de délivrance.

Sorti de la vie de province, des contraintes du collège et de la famille (voir la tristessede sa vie d'enfant dans Vingtras I et la froideur et dureté du père et de la mère), de la monotonie quotidienne. • Découverte de l'inconnu, du nouveau; les phrases éclatent comme son «cœur».

Presque étonné devant cebonheur qui l'enivre. • Joie goûtée dans toute sa saveur.

État de liesse où la liberté lui tourne la tête. • Griserie et orgueil...

: ceux de la réussite.

Sentiment positif, car il vient d'accomplir de brillantes étudescouronnées de résultats non moins brillants.• D'où traduction par des expressions pleines d'humour et de familiarité : — «une moutarde d'orgueil me monte au nez» (double sens ? si les pleurs de joie le lui chatouillent, ce nez!); — «j'ai des fourmis dans les jambes»..., ...«du soleil plein le cerveau». • Mouvement d'élan («s'élargit - monte», verbes de mouvement, donc physique), puis éblouissement moral, d'oùimage du «soleil», symbole de chaleur, de bonheur.

Joie goûtée par petites touches.

Brièveté des phrases, dans lecontentement. • Double réaction, apparemment contradictoire : — Semi-amnésie due à la joie.

Il garde sa joie pour lui, la savoure, pour mieux conserver ce bonheur — parconcentration ou pudeur...; ou pour bien la laisser jaillir? D'où attitude repliée : «bossu - noué». — Mais aussi cette délivrance et cette joie intérieure vont s'extérioriser.

La confusion des sentiments qui lesubmergent éclate en une forme de désordre, tel l'épisode des «boutons partis», «gilet défait», «pantalon relevé». — C'est que le voilà enfin « libre », face au terrible « ordre » de sa mère.

Le «Oh! ma mère...» traduit même uncertain plaisir.

Cette mère était si répressive au niveau quotidien et particulièrement vestimentaire (explication dansune vie difficile, son sens paysan de l'économie).

Voir la fin de VEnfant et ce mot terrible, quand Jacques a étéblessé pour défendre l'honneur de son père, mais son habit a été déchiré lors du duel : «Une autre fois, Jacques,mets au moins ton vieux pantalon!...

» — Aussi quelle explosion dans : «ma main a fait sauter tout»! Symbole du passé rejeté, éclaté. • Ainsi moment merveilleux, intense mais éphémère, car il ne peut se débarrasser vite des interdits longtempssupportés. • De plus cœur et pensée s'accoutument à la joie, aux raisons du bonheur donc à l'état de bonheur; d'où détente,après de telles démonstrations. • C'est même une sorte de lassitude, presque de mélancolie, qui apparaît dans l'image «nuage qui roule...

face du soleil».

L'expression «poignante d'émotion» contient d'ailleurs les deux états d'âme et l'adjectif annonce la retombée. II.

Chute de l'exaltation : appréhension face au monde. • «L'exaltation s'affaisse», «mes nerfs se détendent...

lendemain d'ivresse».

Analyse de l'état physique à travers lesverbes, soulignée par les rythmes.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles