La Clémence vaut mieux que la Justice. Expliquez et appréciez cette pensée de Vauvenargues
Publié le 10/02/2012
                             
                        
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Cette pensée nous apparaît d'abord comme un jugement moral simple, clair, absolu. Après en avoir défini les termes, nous l'envisagerons donc premièrement sous le rapport moral et nous l'apprécierons à la lumière des principes. Mais cette affirmation est signée. Elle est de Vauvenargues, moraliste systématique, tout comme La Rochefoucauld, dont il bat en brèche les théories pessimistes. Nous l'examinerons donc ensuite en fonction de son auteur. Et celui-ci subissant l'influence du siècle, nous la replacerons à sa date et dans le milieu qui la vit éclore....
 
                                «
                                                                                                                            aux 	délinquants, 	sans 	faiblesse comme 	sans 	passion, 	les 	peines 	qu'ils 	ont 	encourues 	et 	méritées; 	qui 	ne 	fait 	point 	acception 	des 	personnes, 	et, 	n'écou	tant 	que 	la 	voix 	de 	la 	conscience, 	ne 	se laisse 	influencer 	par 	aucun 	agent 	extérieur, 	brave 	la 	menace 	et 	s'expose 	aux 	représailles 	en 	prononçant 	des 	sen	tences 	sévères 	...
                                                            
                                                                                
                                                                    	cette 	justice-là, 	clairvoyante, 	intransigeante 	et 	courageuse, 	possède 	une 	indéniable 	valeur 	morale,  dépassant,  à 	nos 	yeux, celle 	d'une 	mdulgence 	aveugle 	ou 	molle.
                                                            
                                                                                
                                                                    
Reste  à 	savoir 	si 	la 	clémence 	bien 	comprise 	l'emporte 	sur 	la 	justice 	telle 	que 	nous 	venons 	de 	la 	dépeindre.
                                                            
                                                                                
                                                                    	Vaine  question,  à laquelle 	nous 	ne 	cherche	rons 	pas 	de 	réponse.
                                                            
                                                                                
                                                                    	Au 	lieu 	d'assigner 	à chacune 	de 	ces 	vertus 	un 	rang 	arbi	traire, 	nous 	remarquerons 	qu'elles  se 	doivent 	compléter 	et 	tempérer 	mutuel
lement.
                                                            
                                                                                
                                                                    	La 	sagesse 	antique 	l'a 	proclamé 	: Summum 	jus, 	summa 	injuria.
                                                            
                                                                                
                                                                    	Et 	le 	christianisme, 	inclinant 	le  législateur 	et 	le  juge  à 	plus 	de 	miséricorde, 	a répu	dié 	la 	loi 	du 	talion 	: Œil 	pour 	œil, 	dent 	pour 	dent.
                                                            
                                                                                
                                                                    	D'autre 	part, 	la 	clémence 	ne 	doit 	s'exercer 	qu'à 	bon 	escient 	et 	s'inspirer 	de 	la 	justice.
                                                            
                                                                                
                                                                    	Ce 	second 	prin	cipe 	est 	parfois 	oublié 	par 	nos 	modernes 	tribunaux, 	trop 	enclins 	à excuser 	et 	à pardonner 	de 	vrais 	crimes 	contre 	la 	liberté 	individuelle, 	la 	famille, 	la 	société, 	la 	religion.
                                                            
                                                                                
                                                                     Le 	« bon 	juge 	:.
                                                            
                                                                                
                                                                    n'est 	pas 	nécessairement 	celui 	qui 	acquitte 	le 	plus 	volontiers.
                                                            
                                                                                
                                                                    	Constatons 	enfin que les 	détenteurs 	de 	l'aùtorité 	se 	.trouvent 	presque 	to.u	]ours 	en 	présence 	de 	questions, 	de cas 	et 	d'espèces, 	qui 	doivent 	commander 	leur 	attitude.
                                                            
                                                                                
                                                                    	Pratiquement, 	il 	est 	donc 	aùssi  faux, 	au 	point 	de 	vue 	moral, 	d'attribuer 	la 	précellence 	universelle  à 	la 	clémence que 	d'accorder 	toujours 	le 	pas 	à la 	justice.
                                                            
                                                                                
                                                                    	
* ** 	
Du 	domaine 	de 	la 	morale, 	passons 	à celui 	de 	la 	politique.
                                                            
                                                                                
                                                                    	Vaut-il  mieux, 	pour 	un 	chef 	d'état 	ou 	pour 	ses 	tenant~lieu, 	pardonner 	que 	punir? 	C'est 	selon.
                                                            
                                                                                
                                                                    	Exercer 	la 	démence 	par 	dessein, 	en 	toute 	rencontre 	et 	indifféremment 	à 	l'égard 	de 	tous, 	serait 	impolitique.
                                                            
                                                                                
                                                                    	C'est 	ce que 	Racine 	a 	exprimé 	dans 	Esther: 	...
                                                            
                                                                                
                                                                    	Une 	aveugle  clémence 	Loin 	d'arrêter  le crime  en nourrit  la licence 	(III, 	4).
                                                            
                                                                        
                                                                    	
Une 	indulgence 	continue, 	universelle  aurait.
                                                            
                                                                                
                                                                    	pour 	effet, 	dans 	un 	Etat, 	un 	laisser-aller 	général, le 	débordement 	de 	toutes les 	passions, 	de 	tous 	les 	appétit&.
                                                            
                                                                                
                                                                    Que, 	dans 	certains 	cas, 	la 	clémence,  sous 	forme 	de 	grâce 	ou 	d'amnistie, 	produise 	d'heureux 	résultats, 	c'est 	là 	un 	fait 	incontestable.
                                                            
                                                                                
                                                                    	Des 	hommes 	bien 	nés 	.restent 	toujours 	accessibles  à 	la 	grandeur 	d'âme 	qui 	dicte 	les 	par	dons 	généreux.
                                                            
                                                                                
                                                                    	Encore 	faut-il que 	la 	clémence 	soit 	sincère, 	et 	Iion 	une 	simple 	habileté.
                                                            
                                                                                
                                                                    	Si 	elle 	ne 	correspond 	pas 	à une 	bonté 	réelle, 	tôt 	ou 	tard 	le1> 	.a:ctes 	du 	dissimulateur 	démentiraient 	sa 	noble attitude,  ses 	vraies 	pensées 	seraient 	découvertes 	et 	les effets  de son 	beau 	geste 	compromis.
                                                            
                                                                                
                                                                    	.
                                                            
                                                                                
                                                                    Ici 	encore 	il faut 	savoir 	se 	tenir 	dans 	un 	juste 	milieu 	: ni 	rigueur 	inflexible 	érigée 	eli 	principe, 	sous 	prétexte 	de 	justice; 	ni 	faiblesse 	coupable, 	ni 	feinte 	intéressée, 	sous 	couleur 	de 	clémence  : 	une 	exacte 	connaissance 	des 	hommes 	et 	des 	circonstances, 	afin de 	fair.:l 	jouer 	tantôt 	la 	justièe, 	et 	tantôt 	la 	clémence; 	telle 	semble 	devoir 	être 	la 	conduite 	du 	politique 	digne 	de 	ce 	nom.
                                                            
                                                                                
                                                                    	De 	ces 	définitions 	et 	considérations 	nous 	pouvons 	déjà 	conclure 	que  Vau	venargues 	a été 	trop 	absolu, 	trop 	peu 	nuancé 	dans 	son 	affirmation.
                                                            
                                                                                
                                                                    	U.manque 	à celle-ci 	un 	correctif; 	l'adverbe 	parfois 	ou,  si 	l'on 	préfère, 	souvent 	.
                                                            
                                                                                
                                                                    	
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                                                                    ** 	
Et 	comment 	nous 	expliquer 	cette  exagération  notoire, 	sinon 	par 	l'auteur 	même 	de 	la 	pensée, 	par 	l'ensemble 	de 	so"n 	œuvre 	et 	par 	l'esprit 	de 	son 	siècle? 	Constatons 	d'abord 	que les études  de Vauvenargues 	furent 	très 	négU.gées 	et 	que, 	·chez·l'enfant 	et l'adolescent, 	l'éducation 	du 	cœur 	fut 	beaucoup 	plus 	soignée 	que 	la 	culture 	de  l'esErit, 	la 	formation 	du 	jugement.
                                                            
                                                                                
                                                                    	Comme 	l'auto	didacte· 	Rousseau, 	il 	optera, 	d instinct, 	pour 	les  solutions 	simplistes; 	il 	pren	dra 	un: 	mouvement 	généreux 	de son 	cœur 	pour 	une 	pensée 	susceptible 	d'être 	érigée 	en 	principe.
                                                            
                                                                                
                                                                    	Spéculatif, 	il 	se 	croira 	une 	vocation 	politique, 	aspirera 	aux 	charges 	publiques, 	aux 	missions  diplomatiques.
                                                            
                                                                                
                                                                     A 	aucun 	moment, 	poùr	tant, 	ne 	se· 	manifesteront 	les 	aptitudes 	.spéciales 	qu'il 	croyait 	posséder.
                                                            
                                                                                
                                                                    Mêlé,.
                                                                                                                    »
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