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La doctrine de racine sur la tragédie

Publié le 30/04/2011

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racine

Racine a réfléchi méthodiquement aux règles qui doivent guider Fauteur dramatique dans la peinture des caractères et des passions comme il a médité sur celles du sujet et de l'action. L'une des règles essentielles est que les caractères doivent être d'accord avec eux-mêmes. On ne peut pas nous présenter un personnage timide et irrésolu qui devient, en vingt-quatre heures, sûr de lui-même et décisionnaire ; ni un orgueilleux qui devient modeste. A moins que l'on n'explique ce changement par de fortes raisons et qu'il soit même le sujet de la pièce. La règle va de soi. Racine ne l'a pas discutée et l'a naturellement suivie. Par contre, une autre règle, qui vient, comme les autres d'Aristote, a été l'objet d'infatigables commentaires. Il faut qu'un personnage principal ne soit ni tout bon, ni tout méchant. Est-ce bien certain, pour- rions-nous dire ? Il faudrait tout d'abord définir la bonté. 

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« l'amant à l'égard de l'objet aimé, le style volontairement alambiqué et tortueux, etc.

Racine se libère en grandepartie de ces défauts.

Mais s'il s'en était tenu là son génie n'aurait été qu'un talent de contrôle et de mesure.Il y a autre chose dans Andromaque ; et s'il n'est pas facile d'en analyser le secret, il est aisé d'en apercevoir leprincipe.Racine a la faculté de dédoublement, le don génial de vivre la vie de ses personnages comme s'il était eux.

UnThomas Corneille, un Quinault ne sont que des artisans adroits.

Ils se proposent d'écrire une tragédie qui sera ouune tragédie héroïque ou une tragédie langoureuse ou un mélange habile d'héroïsme et de langueur.

Ils savent qu'il yfaut manier de grands intérêts et y faire preuve de talents d'homme d'état ou de diplomates, qu'il faut y mettre,comme dit Corneille de son Othon, avec des énergies farouches, « de la justesse dans la conduite » et du « bonsens dans le raisonnement » ; ou bien qu'il y faut faire preuve de « délicatesse », montrer que l'on connaît les tourset détours des cœurs possédés et égarés par la passion d'amour.

Les romans, les questions d'amour, les tragédiesdéjà écrites leur fournissent tout un répertoire de ces cas où se trouvent engagés les âmes et qui susciteront, avecla terreur et la pitié, cette curiosité dont les théoriciens et commentateurs d'Aristote ne parlent pas mais qui joueun rôle tout aussi considérable dans le théâtre du XVIIe siècle.

Ils réfléchissent donc, choisissent, ajustent.

Mais ilest facile de comprendre qu'on ne peut construire ainsi que des marionnettes.

C'est ainsi que procède Racine lui-même dans la Thébaïde ou dans Alexandre.

Il réfléchit, décide d'écrire une tragédie de grands intérêts, decaractères féroces et obstinés et de pitoyables victimes de leur férocité.

Et il tire les ficelles des marionnettes quiont toujours le poing dressé ou les bras levés en lamentations.

Ou bien il décide d'essayer la tragédie qui seragalante en gardant le haut goût de l'héroïsme.

Alexandre sera donc tout galant et ne voudra plus conquérir l'universque pour le mettre aux pieds de sa maîtresse.

Porus et Axiane seront des âmes impavides qui préféreront la mort àla défaite et à la vassalité.

De ces marionnettes de Racine il ne resterait rien.

Elles ne nous intéressent plus que parleur contraste avec les êtres qui vivent dans Andromaque.Ils ne vivent que parce que Racine a vécu avec eux, comme s'il était eux.

C'est le propre des grands créateursd'êtres de fiction de pouvoir mener ainsi la vie de personnages les plus divers, les plus contraires et qui sont aubesoin le contraire d'eux- mêmes.

Molière n'est ni un Harpagon, ni un Alceste ni un Tartufe, ni même, quoi qu'on enait dit, un Arnolphe.

Il écrit l'histoire d'Harpagon, d'Alceste, de Tartufe et d'Arnolphe comme si c'était sa proprehistoire.

Balzac est tout le contraire d'un Grandet ou d'un père Goriot.

Mais quand il les met en scène il devient pourun temps un avare ou un père martyr et stupide.

Il est facile de comprendre comment, par ce dédoublement, lesmarionnettes deviennent des êtres vivants.

La vie, c'est la continuité et la liaison ; c'est cette mystérieuse unitéqui, quelque absurdement contradictoires qu'elles paraissent, lie entre eux les gestes et les pensées d'un mêmeêtre.

Chez un Thomas Corneille (ou chez le mauvais Corneille), chez Quinault, chez le Racine de la Thébaïde etd'Alexandre cette unité n'existe presque jamais.

Nous montrerons par quelques exemples comment on voit lesarticulations, les chevilles, les ficelles.

Montrons maintenant comment dans les personnages d'Andromaque toutapparaît, s'enchaîne, se change avec la vérité c'est-à- dire avec la continuité et la souplesse de la vie.. »

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