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La figure de Satan dans Sous le soleil de Satan

Publié le 19/07/2012

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Le milieu du XIXe siècle apparaît comme une période de transition, une longue hésitation entre le temps du diable d'enfer et celui du double monstrueux qui sommeille en tout homme. Les écrivains, héritiers de la notion romantique du poète éclaireur des peuples, se considèrent comme les révélateurs du Mal dont ils ont acquis, par leur génie particulier ou leur volonté de comprendre une perception aigue. L'homme s'interroge davantage sur les profondeurs de son être que sur un diable extérieur que la culture dominante rejette. En effet « penseurs, artistes et gens à la mode s'écartent massivement de ces notions passéistes contredites par les progrès de la pensée et de la technique «[11]. L'œuvre de Charles Baudelaire révèle toute l'ambiguïté de cette période de transition. Pour lui, le diable est à la fois très intime et tout à fait autre. Septique face à l'explication par la science, rejetant l'athéisme, de culture catholique, il considère conjointement l'aliénation et le Mal comme la plus profonde réalité de l'existence humaine.

« fascination, dans les cercles cultivés, pour le personnage diabolique et ses mystères.

Les romantiques vont ainsi contribuer à la rédemption de Satan.

En effet, il estconsidéré comme un Prométhée, le libérateur de l'homme, le promoteur de la science et du progrès.

Ainsi, « sa cause se confond avec celle de l'humanité humiliée »écrit Max Milner.

Dans Consuelo de Georges Sand, Satan déclare « Je ne suis pas le démon, je suis l'archange de la révolte légitime et le patron des grandes luttes.Comme le Christ je suis le dieu du pauvre, du faible, de l'opprimé ».

Les écrivains du XIXe siècle sont séduits par la suprême liberté du prince des ténèbres, sagrandeur, sa fierté.

Ils font de lui un être compatissant, porte-parole de la libération de l'homme qui aurait été mal jugé.

En rejetant sa condition angélique, il a assuméle poids des malheurs humains.La première tendance se trouve représentée par Lord Byron.

Dans Caïn, Byron fait du diable un être beau et désirable, complice du meurtrier Caïn qui voit dans lemeurtre de son frère un acte de rébellion.

Pour les auteurs de l'époque, Satan n'a d'autre moyen de s'affirmer que de s'opposer à Dieu.

Alfred de Vigny, lui, met envaleur la douleur d'un sort immérité.

En 1822, il fait de Satan le héros d'un poème où il justifie la révolte du protecteur de l'homme.

Avec Eloa ou la Sœur des anges,en 1824, il ira plus loin et met la souffrance de l'ange déchu au cœur du poème.

Protectrice des anges, Eloa se laisse conter l'histoire du malheureux Lucifer et en esttouchée.

Elle décide d'aller à la rencontre du damné et lui confie avoir été rejeté parce qu'il a aimé et tenté de sauver les hommes.

Devant sa souffrance, et malgrél'amour qu'elle lui parte, Eloa est effrayée par Lucifer qui l'entraîne malgré tout dans sa chute.

Avec Eloa ou la Sœur des anges, Vigny initie un mouvement qui prônela rédemption de Satan, ange malheureux, triste et charmant dont les attraits se retrouveront presque à l'identique dans Une larme du diable de Théophile Gautier, LaChute d'un ange de Lamartine, Tristesse du diable de Leconte de Lisle et La fille du Diable de Béranger.Suivant un concept dont Origène fut autrefois le propagateur, certains écrivains et poètes romantiques assurent qu'au bout d'un temps, le Créateur pardonnerait sonorgueilleuse révolte à Satan.

Vigny a d'ailleurs amorcé le projet d'un Satan pardonné que Victor Hugo réalisera avec La fin de Satan, épopée qui aboutit à la négationdu mal, qui n'est que non-être.

Solitaire et orgueilleux, Satan est descendu au royaume des ténèbres.

La fin du mal, Balzac en rêve aussi et la retrace à sa façon dansMelmoth réconcilié publié en 1835.

Il en donne une nouvelle version du pacte : le diable confère a Melmoth la connaissance et le pouvoir en échange de son âme.Mais ces dons se révèlent bientôt insupportable et il les revend au caissier Castanier qui les revendra à son tour.

Les dons, à chaque fois revendus au rabais, finissentpar perdre toute valeur, pour s'user complètement et disparaître.

Ainsi, le milieu du XIXe siècle met en valeur le mal intérieur, celui de l'insatisfaction permanente del'homme.

C'est le drame de la connaissance : le héros, assoiffé de pouvoir, se pervertit pour découvrir une vérité cachée.

C'était déjà toute l'intrigue du Faust deGoethe qui met en opposition deux personnages : d'une part Faust qui aspire à un idéal, et d'autre part Méphistophélès, l'esprit de négation.

Dans la Tentation de saintAntoine de Flaubert, publiée en 1848, le drame de l'ermite est aussi son insatiable curiosité.Le milieu du XIXe siècle apparaît comme une période de transition, une longue hésitation entre le temps du diable d'enfer et celui du double monstrueux quisommeille en tout homme.

Les écrivains, héritiers de la notion romantique du poète éclaireur des peuples, se considèrent comme les révélateurs du Mal dont ils ontacquis, par leur génie particulier ou leur volonté de comprendre une perception aigue.

L'homme s'interroge davantage sur les profondeurs de son être que sur undiable extérieur que la culture dominante rejette.

En effet « penseurs, artistes et gens à la mode s'écartent massivement de ces notions passéistes contredites par lesprogrès de la pensée et de la technique »[11].

L'œuvre de Charles Baudelaire révèle toute l'ambiguïté de cette période de transition.

Pour lui, le diable est à la fois trèsintime et tout à fait autre.

Septique face à l'explication par la science, rejetant l'athéisme, de culture catholique, il considère conjointement l'aliénation et le Malcomme la plus profonde réalité de l'existence humaine.

Il représente un force extérieure réelle : « la plus belle ruse du diable est de vous persuader qu'il n'existe pas »[12] explique Baudelaire aux septiques ou à ceux qui vantent le progrès.

Il agit cependant aussi dans l'esprit de l'homme par des images et des désirs destructeurs.Ambivalent, Satan se révèle dans le désir, la tentation, la volupté, l'amertume et le remords.

La poésie de Baudelaire est fondée sur des paradoxes : le poète se sent àla fois habité par une force mauvaise mais qui est pourtant extérieure.

Ainsi, comme l'explique Robert Muchembled : « D'un coté, ce penseur imprégné d'une visionpessimiste de l'homme rappelle ainsi l'importance de la religion terrorisante qui a régné sur L'occident du début de la modernité.

D'un autre, il découvre en lui-mêmedes abîmes, des contradictions, des fleurs maléfiques dont il n'identifie pas exactement les racines »[13].

Exprimant le sens d'infini que la présence obsédante du Maldans le monde suggère en nous, Baudelaire a ouvert une voie dans laquelle beaucoup d'écrivains ont pénétré à sa suite, celle de la localisation des puissancessupérieures dans le monde invisible des fors intérieurs de l'homme. II.

Satan, une entité propreBernanos présente Satan dans son œuvre à la fois de manière traditionnelle –telle qu'il apparaît dans la Bible et les Ecritures- et de manière originale, renouvelantainsi la vision de Satan. Une représentation traditionnelle de Satan : le « prince de ce monde »(p 228) Le personnage de Satan, tel qu'il apparaît dans le premier roman de Bernanos, est conforme aux caractéristiques que lui donnent les Écritures saintes de la traditionchrétienne.

Tout d'abord, le royaume de Satan est bien celui des ténèbres.

La plupart des scènes où Satan intervient sont nocturnes.

Ainsi, c'est la nuit que Mouchettetue Cadigan, le soir qu'elle rend visite à Gallet et enfin, c'est au crépuscule que l'abbé Donissan se rend à Etaples, trajet au cours duquel il rencontrera le diaboliquemaquignon.

Satan est aussi nommé Lucifer à plusieurs reprises dans le roman.

Lucifer est le nom biblique de Satan, qui était à l'origine une lumineux archange, cedont se vante le maquignon : « Vous me portez dans votre chair obscure, moi dont la lumière fut l'essence, dans le triple recès de vos tripes, moi, Lucifer… »(p 130).Le plus souvent, il est toujours nommé » Satan comme dans le Livre de Job car il vient éprouver avec la permission de Dieu, qui a lui-même tenté le Christ.

Satan estdonc bien, dans notre roman, cet adversaire surnaturel de Dieu et des Hommes qu'il est dans la Bible.

L'étymologie hébraïque du mot « Satan » nous renseigne déjà :« Satan », ou plutôt, « le satan » – puisque ce mot n'est encore que simple nom commun, avant de devenir nom propre –, c'est « l'adversaire ».

Dans le premier romande Bernanos, Satan est bien « l'adversaire »(p 101) ou encore « l'ennemi » (p 101, p 197), celui qui se dresse entre Dieu et l'homme, celui auquel est conféré unpouvoir immense de destruction puisque, à Satan, Dieu s'est livré pour un temps.

Satan est l'Adversaire premier, originel et surnaturel ; cette qualité nous est sanscesse rappelée par Bernanos, pour lequel le démon est cet Ange splendide qui osa braver l'autorité de Dieu, qui osa en refuser l'amour : Satan est ainsi « ce vieuxrebelle », « avili, foulé, répandu à terre comme une lie, écrasé d'un poids immense, brûlé de tous les feux invisibles, repris à la pointe du glaive, encore percé,tronçonné, son dernier grincement couvert par le cri terrible des anges » (p 210).

Il est l' « Ange rebelle »(p 226), comme il est l'Adversaire, l'Ennemi ou le « bourreau» (p 222, p 236).Satan est le maître des Enfers car il est le maître de la Mort.

On peut le voir dans la scène où Satan se joue grotesquement de Donissan, au moment où ce dernier lèveau ciel le petit mort qu'il tient à bout de bras.

Nous le voyons encore par les termes qu'utilise Bernanos pour décrire l'action de Satan en ce monde : ainsi il met «depuis des siècles [...] le peuple humain » « sous le pressoir » afin que son « sang » soit « exprimé à flots », afin que « la plus petite parcelle de la chair divine soit del'affreux bourreau l'assouvissement » (p 222).

Satan est aussi un meurtrier, dont l'action s'exprime, une fois de plus, par l'image de la dévoration: « pour quelquesmisérables qu'il dévore vifs », nous dit Bernanos, « que d'autres sont déjà froids », que d'autres « ne sont même plus des morts » (p 228).

Pour Bernanos comme pourla Bible, Satan est également le père du Mensonge, auquel Dieu « n'a laissé pour défense qu'un unique et monotone mensonge...

» (p 210).

C'est dans le langage, dansla parole que Bernanos perçoit le plus évidemment ce mensonge satanique : Satan est ainsi le Maître du langage, mais seulement d'un langage mensonger et trompeur.En faisant de Satan le Père du Mensonge, en le faisant donc parler, Bernanos s'inscrit dans une longue tradition littéraire qui nous présente le diable comme un êtreavec lequel parler.

Cela rappelle d‘ailleurs les paroles de L'Évangile selon Jean, lesquelles nous offrent le visage d'un Adversaire dont le mensonge est consubstantielà l'« être » : « Il [...] n'était pas établi dans la vérité, parce qu'il n'y a pas de vérité en lui : quand il profère le mensonge, il parle de son propre fonds, parce qu'il estmenteur et père du mensonge »[14].Satan est aussi protéiforme, il peut prendre différentes formes, comme on le voit dès la Genèse avec l'intervention du serpent/Satan.

Comme le serpent du jardind'Eden, le Satan bernanosien fait preuve de ruse : entre ses mains, Donissan est l'objet de la « ruse » de « l'ennemi » qui le « roule dans lassitude désespérée »(p 197).Doué pour la contrefaçon, le Diable a l'art de se faire passer pour ce qu'il n'est ni ne pourra jamais être.

Ainsi le maquignon se fait passer pour un « rude Samaritain »(p 126).

De même, Satan n'est qu'une « fausse Aurore », un ange de lumière perverti et trompeur (p 130).

Il fait croire qu'il est aussi puissant que Dieu, tandis que sajoie elle-même suscite aussi la méfiance, puisqu'elle aussi est fausse, et mauvaise, et destructrice.

Bernanos évoque ainsi « l'incompréhensible joie de Satan » (p 220).De la même façon, la souffrance de Satan est fausse et elle ne peut être comparée en rien à la souffrance juste du saint ou du pécheur, laquelle constitue, nous ditBernanos, « notre part commune avec [le Christ], le signe de notre élection » (p 233).

Ainsi Satan n'est que « néant »(p 196) : « connaître pour détruire; et renouvelerdans la destruction sa connaissance et son désir- o soleil de Satan !-désir du néant recherché pour lui-même, abominable effusion du coeur ! »(p 197).

Véritable« prince de ce monde »(p 228), il a accès à ce qu'il nomme le monde « réel » et suggère à Donissan de le rejoindre car ainsi « il saura » 2.

L'originalité de Bernanos : le maquignon. »

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