Devoir de Philosophie

La figure de Satan dans Sous le soleil de Satan

Publié le 06/08/2012

Extrait du document

  Il ressent alors une « tentation nouvelle «, définie comme « dangereuse «. Elle prend place dans l’âme de ce jeune curé qui désespère de ne pas être à la hauteur de son destin.  Il se retrouve alors « enfermer « dans lui-même : il est incapable de prier, de parler, de regarder le Christ sur la croix. C’est dans ce « silence « qu’il entend tout à coup « une voix étrangère mais avec son propre accent «, celle de Satan qui n’est pas encore nommé. Bientôt l’autre, « l’ennemi « prend l’avantage.  C’est alors que Donissan se livre à une effrayante scène de flagellation dont l‘inspiration est démoniaque : « L’idée du sacrifice à consommer ici même –dans un instant- pointe en lui cette autre flamme du désespoir intrépide, force et faiblesse de cet homme unique, et son arme que tant de fois Satan lui retournera dans le cœur’ «( p 102). Cette autre flamme, comme l’explique Bernard Vernières, est l’antithèse de « la petite flamme claire dans le vent « qui symbolise l’espérance dont le présent « désespoir « et l’inversion radicale. ; « la première issue de Dieu, celui-ci inspiré par Satan «[29].  Il a sombré dans le désespoir car il pense que « toute joie vient de Satan «(p 109). L’abbé Donissan refuse son destin : « Qu'ai-je à donner ? Que me reste-t-il ? Cette espérance seule. Retire-la moi«(p 109). L’erreur de Donissan est qu’il a toujours recherché non pas Dieu dans l’amour mais le diable, dans la haine et le désir de le détruire. Déçu dans sa dernière espérance, il croira ainsi avoir été trompé par Dieu. C’est la haine de Donissan contre le mal et sa curiosité à son égard qui le livre au démon, qui lui enlève ses propres défenses alors qu’ils ne donnent lus que de forces à l’ennemi. Il a  « haï le péché…plus que la vie même « au point de ne plus désirer que l’oubli, la paix absolue de la mort, de l’anéantissement-il est là où Satan a voulu le mener : au bord du désespoir, du néant.  

« « guerre intérieure».

Ces pensées, au nombre de huit, sont insufflées par des passions incontrôlées : la gourmandise, la luxure,l'avarice, la tristesse, la colère, l'acédie, la vaine gloire et l'orgueil.

Saint Augustin parle du libre arbitre, c'est-à-dire de laresponsabilité des actes humains devant Dieu.

Trouvant dans la société des pécheurs le « corps mystique du diable », il associele démon à la sexualité, le soupçonnant d'inciter l'homme à détourner le sexe de sa fonction originelle.

Pour lui, le péché neréside pas dans l'acte sexuel mais dans le désir charnel et la concupiscence.

Ces huit déviances vont prendre une importancetelle dans la morale qu'elles sont qualifiées de « péchés mortels ».

Le pape Grégoire le Grand réduit l'acédie à une forme detristesse et reclasse les sept passions en pointant l'orgueil comme mère de tout vice.

Reprises et discutées, ces passionstriomphent dans les communautés chrétiennes jusqu'au XIIIe siècle où Thomas d'Aquin parle des « sept péchés capitaux »dans sa Somme théologique . 2.

La littérature du XIXe siècle Evoquer le démoniaque dans le roman français de l'entre-deux-guerres suppose que sa représentation ait descaractéristiques spécifiques.

On peut constater que la représentation du démoniaque, et de manière plus générale de Satan,varie au gré des mouvances culturelles.

Le dix-neuvième siècle a convoqué la figure de Satan pour circonscrire le mal, le fuir,l'exorciser ou l'encenser.

On s'attendait à ce que le mythe s'évanouisse après le XVIIIe siècle qui se voulait scientifique etraisonnable.

Mais, « c'était sans compter sans la passion des foules pour le merveilleux et l'insolite, que traduisit le rapidesuccès remporté par les « romans noirs » et le retour aux sources médiévales, notamment promu par Goethe, E.TA.

Hoffmannet Charles Nodier qui s'efforcèrent de rendre son auréole maléfique à un personnage dont ils admettaient la réalité.

Parailleurs, l'anglomanie, de règle au début du siècle dernier, entrainait la lecture sous un jour nouveau du Paradis perdu de JohnMilton » [9].

Satan devient ainsi un « motif, un symbole, mais de moins en moins un grand mythe chrétien »[10] .

Le Diable est présent partout et reste un sujet inépuisable d'inspiration, ce qui contribue à le rendre plus familier.

Il s'agit d'une époquepassionnée par l'irrationnel, le surnaturel, l'occultisme avec une fascination, dans les cercles cultivés, pour le personnagediabolique et ses mystères.

Les romantiques vont ainsi contribuer à la rédemption de Satan.

En effet, il est considéré commeun Prométhée, le libérateur de l'homme, le promoteur de la science et du progrès.

Ainsi, « sa cause se confond avec celle del'humanité humiliée » écrit Max Milner.

Dans Consuelo de Georges Sand, Satan déclare « Je ne suis pas le démon, je suis l'archange de la révolte légitime et le patron des grandes luttes.

Comme le Christ je suis le dieu du pauvre, du faible, del'opprimé ».

Les écrivains du XIXe siècle sont séduits par la suprême liberté du prince des ténèbres, sa grandeur, sa fierté.

Ils font de lui un être compatissant, porte-parole de la libération de l'homme qui aurait été mal jugé.

En rejetant sa conditionangélique, il a assumé le poids des malheurs humains.La première tendance se trouve représentée par Lord Byron.

Dans Caïn, Byron fait du diable un être beau et désirable, complice du meurtrier Caïn qui voit dans le meurtre de son frère un acte de rébellion.

Pour les auteurs de l'époque, Satan n'ad'autre moyen de s'affirmer que de s'opposer à Dieu.

Alfred de Vigny, lui, met en valeur la douleur d'un sort immérité.

En1822, il fait de Satan le héros d'un poème où il justifie la révolte du protecteur de l'homme.

Avec Eloa ou la Sœur des anges , en 1824, il ira plus loin et met la souffrance de l'ange déchu au cœur du poème.

Protectrice des anges, Eloa se laisse conterl'histoire du malheureux Lucifer et en est touchée.

Elle décide d'aller à la rencontre du damné et lui confie avoir été rejetéparce qu'il a aimé et tenté de sauver les hommes.

Devant sa souffrance, et malgré l'amour qu'elle lui parte, Eloa est effrayéepar Lucifer qui l'entraîne malgré tout dans sa chute.

Avec Eloa ou la Sœur des anges, Vigny initie un mouvement qui prône la rédemption de Satan, ange malheureux, triste et charmant dont les attraits se retrouveront presque à l'identique dans Une larme du diable de Théophile Gautier, La Chute d'un ange de Lamartine, Tristesse du diable de Leconte de Lisle et La fille du Diable de Béranger. Suivant un concept dont Origène fut autrefois le propagateur, certains écrivains et poètes romantiques assurent qu'aubout d'un temps, le Créateur pardonnerait son orgueilleuse révolte à Satan.

Vigny a d'ailleurs amorcé le projet d'un Satan pardonné que Victor Hugo réalisera avec La fin de Satan, épopée qui aboutit à la négation du mal, qui n'est que non-être. Solitaire et orgueilleux, Satan est descendu au royaume des ténèbres.

La fin du mal, Balzac en rêve aussi et la retrace à safaçon dans Melmoth réconcilié publié en 1835.

Il en donne une nouvelle version du pacte : le diable confère a Melmoth la connaissance et le pouvoir en échange de son âme.

Mais ces dons se révèlent bientôt insupportable et il les revend au caissierCastanier qui les revendra à son tour.

Les dons, à chaque fois revendus au rabais, finissent par perdre toute valeur, pours'user complètement et disparaître.

Ainsi, le milieu du XIXe siècle met en valeur le mal intérieur, celui de l'insatisfactionpermanente de l'homme.

C'est le drame de la connaissance : le héros, assoiffé de pouvoir, se pervertit pour découvrir unevérité cachée.

C'était déjà toute l'intrigue du Faust de Goethe qui met en opposition deux personnages : d'une part Faust qui aspire à un idéal, et d'autre part Méphistophélès, l'esprit de négation.

Dans la Tentation de saint Antoine de Flaubert, publiée en 1848, le drame de l'ermite est aussi son insatiable curiosité.

Le milieu du XIXe siècle apparaît comme une période de transition, une longue hésitation entre le temps du diabled'enfer et celui du double monstrueux qui sommeille en tout homme.

Les écrivains, héritiers de la notion romantique du poèteéclaireur des peuples, se considèrent comme les révélateurs du Mal dont ils ont acquis, par leur génie particulier ou leurvolonté de comprendre une perception aigue.

L'homme s'interroge davantage sur les profondeurs de son être que sur undiable extérieur que la culture dominante rejette.

En effet « penseurs, artistes et gens à la mode s'écartent massivement deces notions passéistes contredites par les progrès de la pensée et de la technique » [11] .

L'œuvre de Charles Baudelaire révèle toute l'ambiguïté de cette période de transition.

Pour lui, le diable est à la fois très intime et tout à fait autre.

Septique face àl'explication par la science, rejetant l'athéisme, de culture catholique, il considère conjointement l'aliénation et le Mal comme laplus profonde réalité de l'existence humaine.

Il représente un force extérieure réelle : « la plus belle ruse du diable est devous persuader qu'il n'existe pas » [12] explique Baudelaire aux septiques ou à ceux qui vantent le progrès.

Il agit cependant aussi dans l'esprit de l'homme par des images et des désirs destructeurs.

Ambivalent, Satan se révèle dans le désir, latentation, la volupté, l'amertume et le remords.

La poésie de Baudelaire est fondée sur des paradoxes : le poète se sent à lafois habité par une force mauvaise mais qui est pourtant extérieure.

Ainsi, comme l'explique Robert Muchembled : « D'uncoté, ce penseur imprégné d'une vision pessimiste de l'homme rappelle ainsi l'importance de la religion terrorisante qui arégné sur L'occident du début de la modernité.

D'un autre, il découvre en lui-même des abîmes, des contradictions, des fleursmaléfiques dont il n'identifie pas exactement les racines » [13] .

Exprimant le sens d'infini que la présence obsédante du Mal dans le monde suggère en nous, Baudelaire a ouvert une voie dans laquelle beaucoup d'écrivains ont pénétré à sa suite, cellede la localisation des puissances supérieures dans le monde invisible des fors intérieurs de l'homme.

II.

Satan, une entité propreBernanos présente Satan dans son œuvre à la fois de manière traditionnelle –telle qu'il apparaît dans la Bible et les Ecritures-et de manière originale, renouvelant ainsi la vision de Satan.

1.

Une représentation traditionnelle de Satan : le « prince de ce monde »(p 228) Le personnage de Satan, tel qu'il apparaît dans le premier roman de Bernanos, est conforme aux caractéristiques que luidonnent les Écritures saintes de la tradition chrétienne.

Tout d'abord, le royaume de Satan est bien celui des ténèbres.

La. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles