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LA LITTÉRATURE FANTASTIQUE

Publié le 09/02/2019

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Cela finit presque toujours tragiquement: les monstres se révèlent imparfaits, déviants, les automates se détraquent et, pleins d’ingratitude et de pulsions sanguinaires, se retournent contre leur inventeur.

 

Les manipulations scientifiques sur soi-même aboutissent aux mêmes désastres. Le docteur Jekyll, héros de l’écrivain écossais Robert Louis Stevenson (1850-1894), brise sa personnalité en usant d’une drogue: sa mue est si complète qu’il se métamorphose en un bestial Mr Hyde, violent et cruel, qui bientôt prend l’ascendant sur l’honnête et brillant savant (Docteur Jekyll et Mister Hyde, 1886). Griffin, homme du peuple et génie méconnu, qui est parvenu à se rendre invisible, subit son invention comme une mutilation: tel est le sujet de l’Homme invisible, du romancier britannique Herbert George Wells (1866-1946). Les hommes de science, apprentis sorcier, sont

punis dans leur chair. Leur orgueil scientifique démesuré, qui les rend manipulateurs de la nature et des mystères de la vie, finit par les détruire.

 

Souvent, dans les récits fantastiques, les pouvoirs de l’esprit se retournent contre l’homme: l’imagination génère des hallucinations. Le héros du Horla (1887) de Maupassant est obsédé par la présence d’une «chose» indéfinissable, invisible, qui rend sa vie insupportable et détruit son unité psychique. Les personnalités se fragmentent, se croient persécutées par des doubles maléfiques: le William Wilson d’Edgar Poe, en tuant l’homme qui le poursuit, découvre dans le reflet sanglant d’un miroir qu’il s’est assassiné lui-même.

 

En proie aux folies et aux chimères de leurs esprits, les individus perdent irrémédiablement leur identité et tout espoir de repos. Les beaux textes fantastiques nous font toucher au tragique de la condition humaine, à sa fragilité, sa solitude et sa grandeur.

Photo extraite du film de Werner Herzog, Nosferatu (1978), avec Isabelle Adjani et Klaus Kinski. Assoiffé de sang et de désir, l'homme-vampire profite de la nuit pour mordre ses jeunes et belles victimes.

Voyage extraordinaire et science-fiction

 

En marge du fantastique, Jules Verne développe dans la seconde moitié du xixe siècle une littérature d’anticipation : c’est la série des Voyages extraordinaires, où l’imagination du romancier, épris de savoirs encyclopédiques, extrapole à partir des découvertes scientifiques de son temps. Les progrès techniques ont rattrapé la fiction romanesque: les sous-marins du capitaine Nemo ou de Mathias Sandorff, les fusées, appartiennent désormais à notre environnement quotidien. Le Voyage au centre de la Terre est la seule fantaisie de Verne que l’homme n’a pas encore réalisée.

 

Prolongeant les inventions littéraires de Verne, un nouveau genre se développe au xx' siècle, la science-fiction. A sa façon, elle retrouve la tradition des contes de fées: elle nous transporte

 

dans un ailleurs dépaysant, mais le merveilleux est fondé sur l’invention technologique et biologique. On n’y rencontre plus de sorts, de fées, de baguettes magiques mais des robots, des androïdes, des créatures mutantes, des machines sophistiquées pour explorer et conquérir l’espace interstellaire, pour des voyages dans le passé ou des sauts vers le futur.

 

Ce «merveilleux» scientifique est souvent sombre, pessimiste. L’Américain Howard Phillips Lovecraft (1890-1937), soucieux d’éveiller terreur et répulsion chez son lecteur, a inventé dans ses nouvelles une mythologie barbare. Alerté par des phénomènes inquiétants, l’homme, généralement un savant, se lance dans des recherches qui lui font découvrir le mystère des origines: des hordes de monstres ancestraux sont venus coloniser la Terre... Parmi ses œuvres les plus significatives, il faut compter La couleur tombée du ciel (1927) et Dans l’abîme du temps (1936).

 

Les auteurs de science-fiction, sans doute traumatisés par l’ampleur des conflits mondiaux et par l’existence de la bombe atomique, peignent des mondes catastrophiques, violents, ruinés par des désastres. Ou bien ils imaginent des mondes trop parfaitement organisés, des sociétés totalitaires étouffant toute liberté, comme dans Le meilleur des mondes d’Aldous Huxley (1894-1963) ou 1984 de George Orwell (1903-1950). On a alors de véritables fables politiques et philosophiques dans la tradition des voyages du Pantagruel de Rabelais (vers 1490-1553), de ceux de Gulliver racontés par l’Irlandais Jonathan Swift (1667-1745), ou de ceux du'Micromégas de Voltaire (1694-1778): changer de dimension ou de planète permet de jeter sur les sociétés humaines un regard critique, ironique et de se créer un univers décalé.

Extraits du film Dr Jekyll et Mr Hyde (1932) de Rouben Mamoulian, adaptation du roman de Robert Louis Stevenson (1885). Ces photos montrent très concrètement comment le savant et respectable Dr Jekyll, victime de ses inventions et manipulations, se transforme en Mr Hyde, brute bestiale obéissant à des pulsions incontrôlables.

CHEFS-D'ŒUVRE DE LA LITTÉRATURE FANTASTIQUE

Jacques Cazotte Le diable amoureux (1772)

 

Jan Potocki

 

Manuscrit trouvé à Saragosse (1804)

 

Goethe Faust (1808)

 

Ernst Theodor Amadeus Hoffmann

 

Les élixirs du diable (1816)

 

Mary Godwin Shelley Frankenstein

 

ou le Prométhée moderne (1818)

 

Charles Robert Maturin

 

Melmoth ou l’Errant (1820)

 

Honoré de Balzac La peau de chagrin (1831)

 

Charles Nodier La fée aux miettes (1832)

Théophile Gautier La morte amoureuse (1836)

 

Prosper Mérimée La Vénus d’Ille (1837)

 

Edgar Allan Poe

 

Histoires extraordinaires (1856)

 

Robert Louis Stevenson L’étrange cas du

 

Dr Jekyll et Mr Hyde (1885)

 

Auguste Villiers de l’Isle-Adam

 

L’Eue future (1886)

 

Guy de Maupassant Le Horla (1887)

 

Rudyard Kipling À la fin de la traversée (1890)

 

Oscar Wilde Le portrait de Dorian Gray (1891)

 

Jules Verne Le château des Carpathes (1892)

Bram Stoker Dracula (1897)

 

Henry James Le tour d'écrou (1898)

 

Conan Doyle Le monde perdu (1912)

 

Franz Kafka La métamorphose (1915)

 

Aldous Huxley Le meilleur des mondes (1932)

 

Isaac Bashevis Singer

 

La corne du bélier (1935)

 

Howard Phillips Lovecraft Dans l’abîme

 

du temps (1936)

 

Marcel Aymé Le passe-muraille (1943)

 

Jean Ray Malpertuis (1943)

 

Jorge Luis Borges L’Aleph (1949)

« La littérature fantastique tient au monde réel, diurne: la femme qui sort du tableau ou de la tapisserie et vient s'allonger près du dormeur éveillé, est-. »

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