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La MÉTONYMIE en littérature

Publié le 26/11/2018

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MÉTONYMIE. S’il est possible d’hésiter quant à la classification exacte de telle ou telle figure (« le fer » pour l’épée est une métonymie pour Marouzeau ou Bénac, une synecdoque pour Fontanier; d’autres distinguent encore la métalepse, la métathèse temporelle, etc.), force est de reconnaître que la métonymie, la métaphore et la synecdoque sont, au moins depuis Beauzée, les figures de base de la rhétorique, correspondant à trois attitudes mentales essentielles. La métonymie serait même, pour Fontanier, le trope par excellence.

 

Si l’engouement pour l’image, l’irrationnel, l’universelle analogie ont provoqué, du romantisme au surréalisme, un renouveau de la métaphore, proscrite depuis Port-Royal au nom de la rigueur janséniste et cartésienne, l’intérêt pour la métonymie, mettant en jeu des processus linguistiques spécifiques, a été réactivé par Jakobson (« Deux Aspects du langage et deux types d’aphasie », 1965, dans Essais de linguistique générale), puis par l’ensemble du courant néorhétorique contemporain. Beauzée, dans l’article « Trope » de l’Encyclopédie (1765), réduit à trois catégories la douzaine de figures habituellement recensées par les manuels classiques de rhétorique : « Je crois que voilà les principaux caractères généraux auxquels on peut rapporter les tropes : les uns sont fondés sur une sorte de similitude : c’est la métaphore, quand la figure ne tombe que sur un mot ou deux; et l’allégorie, quand elle règne sur toute l'étendue du discours. Les autres sont fondés sur un rapport de correspondance : c’est la métonymie, à laquelle il faut encore rapporter ce que l’on désigne par la dénomination superflue de métalepse. Les autres enfin sont fondés sur un rapport de connexion : c’est la synecdoque et ses dépendances; et l’antonomase n’en est qu’une espèce, désignée en pure perte par une dénomination différente ». De même Fontanier considère qu'il ne peut y avoir que trois genres principaux de tropes proprement dits (id est en un seul mot) : « les tropes par correspondance, les tropes par connexion et les tropes par ressemblance » (= métonymie, synecdoque et métaphore), auxquels il convient d’ajouter les « tropes mixtes » (syllepse) [les Figures du discours, première édition, 1821]. Dans un souci de taxinomie propre à la méthode du xixe siècle, Fontanier distingue de façon plus ou moins heureuse neuf métonymies :

 

« De la cause pour l’effet : Bacchus pour le vin. Mars pour la guerre (cause “suprême et divine”); Mérope, Zaïre pour les tragédies dont elles sont les héroïnes;

 

« De l’instrument pour la cause active ou morale : une excellente plume pour un auteur habile dans l’art d’écrire;

 

« De l’effet pour la cause : “Je l’ai vu cette nuit, ce malheureux Sévère, /La vengeance à la main, l’œil ardent de colère”;

 

« Du contenant pour le contenu : le vase, la coupe, le calice pour la liqueur qu’ils contiennent; le Ciel pour Dieu ou les dieux;

 

« Du lieu de la chose pour la chose même : un madras, un cachemire; le Lycée, le Portique pour les doctrines enseignées dans ces écoles;

 

« Du signe pour la chose signifiée : la pourpre pour les grandeurs, la bure pour la pauvreté, le froc pour l’état religieux, le cothurne pour la tragédie, le laurier pour la gloire, l'olivier pour la paix, etc.;

 

« Du physique pour le moral : “ventre affamé n’a point d’oreille s” (= pitié, compassion);

 

« Du maître ou patron pour la chose même : lares pour foyer, Saint-Roch pour l’église, voire la corporation consacrées sous l’invocation de ce saint;

 

« De la chose pour le maître ou le patron : perruque pour homme à perruque, etc. »

 

Inventaire fastidieux auquel il ne manque que l’humour de Prévert! Cette liste, très hétérogène quant à ses

« critères, ambiguë quant à son classement (n'est-on pas souvent à la limite de la métaphore, de la catachrèse ou du mythologisme, comme le reconnaît souvent Fontanier lui-même?), a du moins un mérite : elle est l'aboutisse­ ment de la «grammaire philosophique >> qui sous-tend la rhétorique depuis Dumarsais dont le Traité des tropes servait de bible (première édition : 1730).

Les exemples choisis et leur commentaire montrent clairement quels sont les pré:mpposés de cette tendance logico­ sémantique : emprunts au style littéraire, voire à 1' Anti­ quité classique, de préférence au langage oral de la Halle; principe ornementaliste : la figure est un embellis­ sement par rapport à la banalité de l'expression propre; méthode substitutive : le trope porte sur un seul mot, celui-ci peut toujours se traduire.

Il y a donc un réper­ toire culturel, un lexique des figures qui caractériserait le langage littérai�e que la rhétorique a précisément pour but d'enseigner.

Enigmatiques pour ceux qui ne possè­ dent pas les clefs d'une culture donnée, les« signes pour la chose signifi�e »perdent leur ésotérisme et deviennent tout à fait tran"iparents pour ceux qui en apprennent ou en reproduisent le code.

Comprendre une métonymie, c'est d'abord être capable de traduire d'une langue (savante) dans une autre (populaire) et pouvoir effectuer la transcription en sens inverse.

Ainsi une fo!mme portant une couronne de lauriers, ayant à la main une trompette et un livre n'est-elle une femme qu'en apparence: il s'agit, en fait, de Clio (la muse de l'Histoire) avec ses attributs traditionnels (cf.

Vermeer, l'Atclier).

De nos jours, Barthes a montré (Communications, n° 8, Le Seuil, 1966) que la rhétorique de l'image utilise abondamment le processus métonymi­ que, soit dans les pictogrammes internationaux (dessin stylisé d'un lit = hôtellerie, etc.), soit dans la création publicitaire (Montmartre = Paris; un bouchon et un jet de mousse = champagne; longueur des cils et hauteur des talons = signe de la féminité).

La codification cultu­ relle des indic�:s métonymiques est en définitive si forte que l'image la plus originale, l'invention artistique deviennent vite un fait de langue, un cliché éculé : cf.

les stéré9types tels que le sabre (= l'armée) et le goupillon (= 1 'Eglise) ou la fausse élégance des périphrases journa­ listiques: le Palais-Brongniart («métonymie du lieu pour la chose même » : la Bourse de Paris), le « métal jaune» pour l'or.

[Voir aussi FIGURE, RHÉTORIQUE ET LIT­ TÉRATURE].. »

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