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La nouvelle historique et galante - Histoire de la littérature

Publié le 25/01/2018

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histoire

mis en préface se présente comme une femme désireuse de rester dans l'anonymat parce qu'<< elle se défie toujours d'elle-mesme )), Si l'attribution est exacte, il faut conclure sans s'en étonner que chez un même écrivain la théorie peut être ingénieuse, judicieuse, logique, cohérente, et l'œuvre décevante et artificielle. Les Sentimens [ .. . ] de Du Plaisir reflétaient bien l'évolution du goût mais n'étaient pas d'un vrai créateur. A. Pizzorusso en cite un passage qui s'applique à La Duchesse d'Estramène 1: <= le ramancier) devroit toûjours affecter des actions de cette nature, parce que plus elles semblent hors de la raison et de la vray-semblance ordinaires, plus pour les persuader il feroit voir son esprit et son adresse)), Mme de Lafayette en racontant l'aveu fait par la princesse de Clèves à son mari, scène surprenante et osée pour son époque, ne songeait pas à montrer << son esprit et son adresse )>, elle ne mettait pas le succès de son art dans la difficulté vaincue. Mais La Duchesse d' Estramène semble avoir pour but de traiter le romanesque baroque dans le style du classicisme; le baroque n'est pas retourné et démasqué comme dans les romans de Mme de Lafayette, ni atténué par un réalisme ironique comme dans ceux de Mme de Villedieu, son éthique intransigeante est maintenue avec fer­meté et sans compromission, mais traduite selon le goût nouveau. L'auteur imite la pénétration de Mme de Lafayette non pour démêler la vérité d'une âme dans ses faiblesses et ses peurs, mais pour rendre plausible une vertu posée comme extra­ordinaire et presque morbide; il veut peindre une conversion morale, contraire à tout ce qu'il faisait lui-même attendre, comme l'aboutissement d'une évolution logique et naturelle. Tout le roman tient en deux paradoxes : l'héroïne, parce qu'elle est << esclave ou idolâtre de sa réputation )) et que des scrupules maladifs lui interdisent d'accepter l'amour de celui qu'elle aime, de consentir elle-même à l'amour qu'elle ressent, ruine son bonheur auquel ne s'opposait aucun autre obstacle que sa conception étroite et farouche de la bienséance, et se laisse conduire à un mariage malheureux avec un homme qu'elle n'aime pas et qui ne l'aime pas non plus : << ils commencerent à connoître tout le poids d'être engagé pour toute la vie avec ce que l'on ne peut aimer. Leur mutuel engagement se fit sentir comme de la haine et de l'horreur )), C'est là le premier paradoxe; le second consiste à faire passer le couple, de cette haine et de cette horreur, à une tendresse et une estime réciproques que troublent seulement, ou renforcent, les remords de chacun à la pensée de n'avoir pas éprouvé assez vite des sentiments aussi recommandables, et ces remords permettent à l'auteur de mettre dans le dénouement la grisaille et la langueur qui étaient à la mode. Mais tant de déli­catesse, une inhumanité si excessive envers soi-même rappellent les conflits du roman baroque et, de fait, dans une forme beaucoup plus sèche, on retrouve les subtilités et les apories de Cassandre et du Grand Cyrus, exprimées par les mêmes pointes et les mêmes expressions symétrisées. Devenue amoureuse du duc d'Olsin­gam sur le vu de son portrait (qu'on se rappelle Polexandre t), l'héroïne aperçoit de loin un jeune homme qui lui paraît encore plus beau : << Elle eut honte d'avoir tant de dispositions pour le Duc d'Olsingam, puisqu'il étoit surpassé par un

La nouvelle historique et galante

La plus grande partie des nombreux romans écrits dans les trente ou quarante dernières années du xv[e siècle appartiennent à la même catégorie que La Prin­cesse de Clèves : ils sont courts; même quand leur intrigue est complexe, les divers éléments en sont toujours solidaires les uns des autres; leur action reste dans le domaine du possible, sinon du vraisemblable; le désir d'écrire l' <> s'y manifeste de plus en plus; enfin ils ont pour principal objet de peindre les pas­sions de l'amour. Mais l'accord du fond et de la forme est rarement aussi étroit que dans La Princesse de Clèves; sous un classicisme superficiel la tradition baroque continue ou reparaît; tant que le roman n'aura pas découvert une forme nouvelle, les œuvres seront médiocres et bâtardes. La variété, parfois l'audace du contenu doit être dégagée d'une expression généralement gauche et le genre romanesque connaît une apparente décadence entre Mme de Lafayette et Lesage.

On peut répartir tous ces romans en deux groupes selon que leur << classi­cisme >> est plus ou moins marqué; les auteurs ont certainement été sensibles aux différences qui séparaient ces deux groupes et qui résidaient dans la composition, dans le dénouement, dans la caractérisation des personnages, dans le style : mais le roman, genre non classé et même méprisé depuis l'échec de la tentative faite pour l'égaler au poème épique, offrait moins de prise que la tragédie ou que les genres poétiques aux débats qui opposaient classiques et modernes; Mme de Ville­dieu en écrivant Carmante (1668) et Les Désordres de l'amour (1675) faisait toujours du roman, bien qu'elle n'écrivît pas le même roman. Aussi la classification, évidente si on la fonde sur l'impression d'ensemble qui se dégage d'une œuvre, sur<< l'esprit>> qu'elle traduit, se brouille si l'on veut la justifier dans le détail.

 

Les romans du premier groupe sont plus dépouillés, plus pessimistes, leurs auteurs s'attachent à élucider tout ce qui se passe dans l'âme des personnages et à marquer les limites de leur lucidité, les pièges que la passion tend à leur conscience. Le Prince de Condé, roman historique (1675) par Boursault, Made­moiselle de Tournon ( 1 678), nouvelle qu'on a attribuée à tort à Mme de Villedieu 1, peuvent représenter cet aspect de la nouvelle historique et galante à l'époque de La Princesse de Clèves. Boursault n'a écrit que quelques romans 2, mais a voulu les varier selon les goûts de ses contemporains : Le Prince de Condé raconte la dégra­dation d'une passion généreuse, d'abord respectueuse de la gloire et de la vertu; les données de l'intrigue sont assez compliquées, la galanterie, la politique et les

méprisait : << votre vue m'est plus utile que votre absence >>. Si cette situation annonce en effet celle du prince et de la princesse de Clèves; la portée de l'aveu est beaucoup moindre : Mme de Villedieu ne peint pas un effort sublime de géné­rosité à la hauteur duquel deux âmes ne peuvent pas se maintenir, mais un mou­vement de bonne volonté entre deux ê\"tres que le sort n'avait pas faits l'un pour l'autre; Termes s'est marié sans amour, tort initial que n'efface pas la tendresse venue ensuite; la marquise aimait Bellegarde avant d'être promise à Termes et a fait tout ce qu'elle a pu pour oublier cet amour : elle n'est donc pas à blâmer, mais à plaindre et à admirer. Entre ces deux belles âmes, simples et confiantes l'une envers l'autre, l'accord devrait être plus facile qu'entre le prince de Clèves et la princesse et, si le divorce était impossible, l'amitié et l'estime réciproques devraient leur faire supporter la vie conjugale. Ces données excluaient l'invention géniale de Mme de Lafayette qui fera sortir le malheur de la tentative héroïque et placera la faute dans la générosité. Le mari meurt presque aussitôt à la bataille de Jarnac, mort bien plus arbitraire que celle du prince de Clèves et bien plus faite pour la commodité de l'auteur. Mais c'est ici que Mme de Villedieu devient grande romancière : l'amour entre Bellegarde et Mme de Termes va s'altérer et pourrir, et ces deux héros d'abord sympathiques et dont on souhaite le bon­heur finissent par être abjects; malgré l'opposition de leurs familles et l'incertitude qui pèse sur la légitimité religieuse de leur union, ils consomment leur mariage. Catherine de Médicis, hostile à Bellegarde, obtient de Charles IX qu'il soit dis­gracié et exilé; / se réfugie à Turin auprès du duc de Savoie; sa femme pendant cette disgrâce lui fait tellement de reproches qu'il en vient à la haïr; rappelé en France et nommé maréchal grâce à de puissants appuis, mais sans retrouver la faveur du roi, il lie des négociations secrètes avec le duc de Savoie contre Catherine de Médicis; sa femme fait échouer le complot en le dénonçant à la reine-mère; la reine-mère menace de disgracier Bellegarde une seconde fois s'il ne se réconcilie pas avec sa femme; Bellegarde soudoie une vieille entremetteuse pour que sa femme s'engage dans une liaison galante avec Bussy d'Amboise et quand il apprend qu'elle résiste et qu'elle préférerait mourir plutôt que de ne pas se raccommoder avec lui, il pousse ce cri qu'eût envié Balzac : <>>. Un piège qu'il lui tend pour la prendre en flagrant délit d'adultère tourne à sa confu­sion; il doit s'enfuir au Piémont et s'empare du marquisat de Lusaces pour le compte du duc de Savoie. Voilà comment l'amour a coûté au royaume une pro­vince, un amour qui aboutit à la haine parce qu'il est en lui-même une passion mauvaise : << C'est pour en avoir fait une parfaite expérience que je me trouve autorisée à le peindre avec de si noires couleurs >>, déclare l'auteur, et il paraît qu'elle est sincère .• Le lecteur ne sait que penser des personnages : Mme de Termes est admirable au commencement de vertu et de passion, Bellegarde est jeune et amoureux; il semble ensuite valoir mieux que sa femme qui, aussitôt qu'elle lui a cédé, devient une épouse abusive, se répand en récriminations, viole sa correspondance et trahit ses secrets; mais à la fin c'est lui qui est vil et ridicule dans ses efforts pour procurer un amant à sa femme; il est vrai que celle-ci n'est guère plus intéressante depuis qu'elle n'agit plus que par dépit. Les qualités de cœur aperçues au début dans les personnages étaient donc sans consistance;

histoire

« querelles religieuses s'entremêlent; la paix entre catholiques et huguenots dépend du sentiment qui lie la maréchale de Saint-André au prince de Condé, mais la maréchale ne veut pas que le prince préfère l'amour à son ressentiment contre ses ennemis politiques et à son honneur :. »

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