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NOUVELLE REVUE FRANÇAISE (la) [N.R.F.] (Histoire de la littérature)

Publié le 24/11/2018

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histoire

NOUVELLE REVUE FRANÇAISE (la) [N.R.F.], Parler de la Nouvelle Revue française, c’est évoquer l’une des grandes aventures littéraires de notre époque. Cette revue mensuelle créée en 1909 a eu pendant quelques années une diffusion qui n’était pas à la mesure de son ambition ni de sa véritable originalité. Mais rapidement, dans l’entre-deux-guerres, elle a connu un développement constant, jusqu’à devenir ce que François Mauriac appelait la « rose des vents » de notre littérature. Égarée sous l’Occupation, elle reprit son rôle en 1953; et, si on l’entend moins de nos jours, ce n’est pas qu’elle parle moins haut, c’est simplement que le monde moderne multiplie les bruits, et que d’autres revues naissent et se succèdent à côté d’elle.

 

Le 15 novembre 1908 était publié le numéro 1 d’une revue intitulée déjà la Nouvelle Revue française. Cette première tentative venait après de longues négociations : c’était un compromis, résultat de la collaboration entre le groupe d’Eugène Montfort, qui publiait à ce moment-là les Marges, et le cercle qui s’était formé autour d’André Gide à partir de 1905, et qui rassemblait six hommes soucieux de se faire une place et de faire entendre leur voix dans le concert alors dominé par le Mercure de France et les postsymbolistes. Mais ce numéro de 1908 fut un faux départ; deux articles qu’il contenait — « En regardant chevaucher D’Annunzio », de Marcel Boulen-ger, et « Contre Mallarmé », de Léon Bocquet — déchaînaient chez Gide une mauvaise humeur qui couvait déjà depuis longtemps contre Eugène Montfort. Ce fut la rupture : Montfort revint à ses Marges, et Gide décida de reprendre l’affaire avec ses seuls amis. Le vrai départ fut donné par un nouveau numéro 1, qui parut le 1er février 1909.

 

Le groupe des fondateurs

 

Qui étaient ces fondateurs de la Nouvelle Revue française, et que voulaient-ils? André Gide fut à la fois l’initiateur du mouvement et son membre le plus connu. Mais il faudrait se garder d’une vision anachronique de son rôle. A l’époque, s’il songe à fonder une revue, c’est parce qu’il n’a pas un public très large et qu’il éprouve le besoin de rassembler dans un organe de soutien les gens qui partagent sa vision de la littérature. Il veut reprendre le flambeau de celles qu’on appelait, naguère, les « jeunes revues » : la défunte Revue blanche et le Mercure de France.

 

Dès 1890, Gide avait rencontré celui qui en 1895 devint son beau-frère : Michel Arnauld, de son vrai nom Marcel Drouin. Arnauld, ami de Pierre Louys et de Léon Blum, et qui avait été professeur de philosophie, se permettait de conseiller Gide, mais était lui-même en pleine évolution : parti du socialisme, il commençait à se fatiguer des doctrines de l'art populaire. Sa formation philosophique et son ouverture sur les domaines allemand et anglais étaient assez représentatives de la tendance qui allait être celle des animateurs de la revue.

 

Le Belge André Ruyters avait fait la connaissance de Gide en lui envoyant des vers. Perpétuellement désargenté, il avait toutefois le mérite de l’expérience, puisqu’il était depuis le mois de janvier 1908 le directeur de la revue Antée. Il était entré dans le cercle de Gabriel Frizeau, et, par ce dernier, de Francis Jammes, à l’occasion d'une croisière en Méditerranée.

 

Le docteur Henri Vangeon, connu en littérature sous le nom d’Henri Ghéon, était un singulier médecin, surtout préoccupé de théâtre et de peinture, à la différence de Jean Schlumberger, qui lui aussi était passionné de théâtre, mais qui, à cette époque, était surtout tourmenté

 

par les questions religieuses. Disposant d’une grande fortune, comme Gide, Schlumberger allait être avec celui-ci le bailleur de fonds de l’opération, ce que n’aurait pu être le dernier des fondateurs, Jacques Copeau, qui, s’étant détourné de la petite fabrique parisienne de ses parents, cherchait désespérément à vivre du théâtre.

 

C’est Jean Schlumberger qui se chargea d’exprimer le programme du groupe dans des « Considérations » publiées en tête du premier numéro. Il reprenait la vieille formule de Du Bellay de « Défense et illustration de la langue française ». Mais il précisait dans quel esprit nouveau : par « défense », il n’entendait pas une attitude de repli, mais il prenait le terme dans son sens médical, comme on dit d’un organisme vivant qu'il se défend; par « langue française », il voulait dire tous les aspects de la culture. Il fallait, certes, les valeurs classiques, mais pas au prix d’un retour au passé ou d’un protectionnisme culturel. Il s’agissait d’accepter le présent, en fondant les bases d’un classicisme moderne. Ce programme, c’est un comité de direction composé de Copeau, Ruyters et Schlumberger lui-même qui fut chargé de l’exécuter : il s’acquitta de sa tâche jusqu’en 1912.

 

Les changements de 1912

 

Dès 191l s’était produit un événement essentiel pour l’avenir de la N.R.F. : pour donner plus d’ampleur à leur action, les membres du groupe avaient décidé l’ouverture d’un comptoir d’édition, dont la gérance avait été confiée à un homme qui alliait à une grande compétence un goût très sûr, et qui, en outre, disposait d’importants moyens financiers : Gaston Gallimard. Mais 1912 allait voir au sein même de la revue des changements qui précisèrent son orientation. D’abord, le comité de direction fut remplacé par un directeur unique, Jacques Copeau, aidé d’un secrétaire, Jacques Rivière. Parallèlement, Gide prenait de la distance par rapport à une publication qu’il avait pourtant désirée si fort. Enfin on recruta l’homme qui, jusqu’à sa mort — en 1936 —, incarna un peu l’esprit de la maison, Albert Thibaudet, qui, dès le 1er mars 1912, commença sa chronique régulière : « la littérature ». Cette nouvelle organisation donnait plus de cohérence à la revue. La personnalité de Jacques Rivière s’imposait progressivement, d'autant qu’en 1913 la fondation du théâtre du Vieux-Colombier accaparait Copeau. Par son étude sur « le roman d’aventures » (mai, juin, juillet 1913), influencé sans doute par son beau-frère Alain-Fournier, Jacques Rivière sut en particulier ouvrir la revue à une nouvelle esthétique romanesque. Dans une large mesure, c’est aussi grâce à lui que la N.R.F. entreprit de réparer l’erreur qu’on avait commise en refusant d’éditer Du côté de chez Swann, et dans les numéros de juin et de juillet 1914, parurent des fragments de l’œuvre de Proust.

 

Les choix de 1919

 

La N.R.F. avait cessé de paraître pendant les années de guerre. L’équipe s’était dispersée : Copeau avait été envoyé à New York, Rivière était prisonnier... Après sa libération, c’est Rivière qui fut finalement désigné pour faire renaître la revue et la diriger. Ce choix, dans lequel Gaston Gallimard joua un rôle déterminant, posa des problèmes, et Schlumberger, par exemple, se montra difficile à convaincre. C’est qu’il en allait de toute la politique de la revue, comme on le vit dès le premier numéro paru sous la direction de Rivière, en juin 1919. Dans un article au ton vigoureux, Rivière se réclamait du programme des six fondateurs, pour affirmer son intention de défendre l’indépendance et la liberté de la revue. La question était d’actualité : profitant de l’élan de la victoire, des hommes proches de l’Action française avaient

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