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LA POÉSIE AMÉRICAINE AU XXème SIÈCLE

Publié le 22/04/2012

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Dès maintenant, du moins, certaines oeuvres émergent qui expriment à elles seules, avec une belle intensité, tout l'état d'âme de cette génération troublée, coupée trop brusquement sans doute des valeurs traditionnelles de la culture anglo-saxonne et des structures éthiques de l'époque antérieure. Comment ne pas citer les Mexico city Blues de Kerouac en 1959, Howl and other Poems de Allen Ginsberg en 1956, A Co ney island of the mi nd de Lawrence Ferlinghetti en 1958 (succédant à Pictures of the gone world), The Maximus Poems de Ch. Olson à partir de 1953, Gasoline et Bomb de Gregory Corso en 1958. Des textes comme ceux de Ferlinghetti, conçus d'abord comme autant de « messages oraux « et exécutés au célèbre « Cellar « de San Francisco avec le Cellar Jazz Q,uartet, sont de ceux qui caractérisent une époque, et peut-être un Art ( 2).

« ce domaine- Olson, Ferlinghetti, Kerouac, Ginsberg ...

-se plaisent à reconnaître tout ce qu'ils doivent à leurs illustres prédécesseurs.

Les thèmes majeurs et les audaces formelles de T.S.

Eliot, d'Ezra Pound, de T'Vallace Stevens, de vVilliams Carlos vVilliams, de Sandburg, se prolongent ici, menant à d'autres outrances, servant de tremplin à des exaspérations plus vives, légitimant toutes les violences.

Ceux-mêmes qui proclament aujourd'hui avec Charles Olson et les tenants du «projective verse » que les objets « doivent être traités exactement de la manière dont ils se présentent et non en fonction d'idées ou de conceptions préalables extérieures au poème», poursuivent, en fonction d'un anti-intellectualisme exacerbé, une entreprise déjà sérieusement amorcée voici un demi-siècle avec « l' Imagisme » et l'école de Chicago.

Inversement, la rhétorique contre laquelle s'élevaient avant les « Beatniks » d'aujourd'hui les Imagistes et les Modernistes, survit encore sporadiquement, tout comme certain traditionnalisme de bon aloi cultivé par d'éminents universitaires (Robert Penn Hlarren, Th.

Roethke, Yvor Winters ...

).

Il serait d'autant plus inexact de relever une coupure entre générations que la plupart des « maîtres » anciens ont continué à produire bien au-delà de r 945, révélant ainsi à un vaste public leur véritable grandeur.

Firent ainsi figure d'événements la publication du long poème Paterson, par Hl.C.

Williams de r 946 à r 95 r, celle des œuvres complètes de Sandburg en r 950, de Cum­ mùzgs en r 948, de Conrad Aiken en r 953, du difficile et très intellectuel Wallace Stevens en r 955· Ezra Pound poursuivait, quant à lui, ses imposantes réalisations et faisait souvent figure de suprême initiateur.

Plusieurs, enfin, qui accédaient à la gloire entre r 930 et r 940, s'épanouirent davantage ( Eliza­ beth Bishop, Kenneth Rexroth, R.

Lowell), tandis que la guerre révélait de multiples jeunes talents, depuis lors consacrés (Peter Viereck, en particulier).

Plus encore que l'influence exercée par André Breton (qui résida aux É'tats- Unis durant la guerre) et par le Surréalisme européen -surtout adopté par le cercle de la revue « View » et par un certain snobisme - il faut mentionner celle de W.H.

Auden, établi dijinitivement aux U.S.A.

et naturalisé : par la publication en r 948 de The Age of Anxiety, il fit très tôt figure de porte­ parole de l'inquiétude occidentale; et il est important de souligner le rôle de Dylan Thomas et de ses tournées triomphales; la magie verbale du poète, de même que son inspiration complexe (plus ou moins liée à des interprétations psychanalytiques) séduisirent vivement ses auditoires.

Cette continuité, ce chevauchement des tendances et des générations étant admis (ainsi que l'internationalisation d'une poésie largement ouverte depuis la guerre aux inquiétudes universelles), il reste, comme le note un récent commentateur ( r), qu'une époque essentielle s'achève avec les der­ nières œuvres d'Eliot, de Pound et de Stevens.

Un certain équilibre de culture touche en fait à son terme.

Toute une conception de la Poésie-Harmonie, liée à certaines interprétations mythiques, symboliques, de l'homme-dans-l' Histoire, disparaît en même temps que cet Humanisme aux puis­ santes assises dont Eliot fut encore un admirable représentant.

Images, symboles, structures vigoureuses, cela impliquait transposition savante, élaboration intellectuelle, stylisation : il s'agit, par contre, pour l'avant-garde actuelle (celle qui notamment suit les traces de Cummings), d'appréhender le monde dans son immédiat, dans sa violence hur­ lante, dans ses discordances et ses dissonances.

C'est alors, au niveau du langage parlé, du « common speech », et non à celui de l'écriture et de l'édition, qu'une poésie de communication semble réalisable (mais, ici même, on se peut réclamer de rVhitman, de T'achel Lindsay ou de Sandburg).

C'est, aussi, en étroite collaboration avec les rythmes du jazz ou de la machine à écrire, avec les pouvoirs de transmission directe du magnétophone. »

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