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La prose poétique dans Une saison en enfer

Publié le 20/09/2018

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Une raison spirituelle explique que le grand écrivain catholique Paul Claudel, converti à la Noël 1886, peu de temps après sa lecture de Rimbaud, ait eu une prédilection pour cette phrase: \"Et à l'aurore, armés d’une ardente patience, nous entrerons aux splendides villes.\"

 

Cette aurore marque la fin de la Nuit de l’enfer. Le mot même a un son clair, comme la naissance du soleil qu’il exprime. Une note aiguë, répétée et victorieuse, domine dans les « splendides villes », elles-mêmes rutilantes de lumière. Cette victoire est le fruit d'une « ardente patience » : le son vocalique, plus sourd, plus grave, est aussi redoublé dans cette expression. La musique recherchée aboutit à une prose harmonieuse qui, en cela, est bien une prose poétique.

 

Musique et parodie

 

L’esprit, celui que Rimbaud montre si vigilant dans \"L’Impossible\", doit pourtant être sur ses gardes. Les effets de parodie sont nombreux dans le texte d'Une saison en enfer. Le lyrisme rimbaldien ne l’exclut pas. Même, il passe par elle. Quand elle est trop belle, la mélodie de la phrase peut paraître suspecte. Même dans la phrase admirée par Claudel, et citée précédemment, l'intention n’est pas nécessairement pure. C’est comme une parodie de l’entrée de Jésus-Christ dans la ville de Jérusalem, le jour des Rameaux, ou plutôt des « Palmes » (il en ira de même dans l'une des Illuminations, « Royauté »). Rimbaud fait bien figure de nouveau Christ, ou de contre-Christ, dans une sorte d'Imitation de Jésus-Christ qu’on ne peut prendre au pied de la lettre (Génie, dans les Illuminations, constituera un autre exemple, dans un autre registre). L’exemple le plus net se trouve dans « Nuit de l’enfer », avec l'évocation de « Jésus marchant sur les eaux irritées ».

De Baudelaire à Rimbaud

 

Le nom de Baudelaire n’apparaît qu’une fois chez Rimbaud, dans la lettre à Demeny du 15 mai 1871, où il n’est pas crédité de l’invention de formes nouvelles Mais la définition baudelairienne de la prose poétique ouvre la voie d'une écriture plus largement représentée dans Une saison en enfer que dans les Petits Poèmes en prose: l'écriture du heurt, des soubresauts de la conscience.

 

La fin du Confiteor de l’artiste, dans le recueil de Baudelaire, correspond à un moment de brisure, de rejet soudain de ce qui était vénéré l’instant plus tôt. Mais Baudelaire dit d’abord cette modification dans une prose qui reste harmonieuse, et qui ne s’interdit ni l'élégance d'un chiasme ni la séduction de l’homophonie: « Ah! faut-il éternellement souffrir, ou fuir éternellement le beau ? »

 

Rimbaud, lui, ne cherche à éviter ni la cacophonie (« L’Impossible » : \"N’est-ce pas parce que nous cultivons la brume!\"), ni l’hiatus (« Par l’esprit on va à Dieu! »). La répétition cliquette dans des raccourcis d’expression : \"Aller mes vingt ans, si les autres vont vingt ans\" (« L’IÈclair »).

 

Une prose brisée et saccadée

 

Le damné a une conscience. Il n’a peut-être que cela. Et c’est moins une conscience morale où il remâcherait ses péchés (il lui arrive de les trouver magnifiques) qu’une conscience aiguë attentive aux moindres variations de son être. La prose de Rimbaud, dans Une saison en enfer, veut être d'abord un instrument d’analyse pour ces sauts brutaux. La simple séparation, le trait suffit pour créer une rupture: par exemple entre les sections 3 et 4 de \"Mauvais sang\"

« SEGME NTATION ET COMP TE DES SYLLA BES La prose de Rimbaud, en 1873, est une prose poétique.

Elle reprend certains des procédés, ou des sortilèges.

du vers.

À la thèse de la ruptur e se substituerait alors celle d'une certaine continuité.

D'app arentes traces du vers Par exemple, il arrive que l'alinéa, dans Une saison en enfer, se réduise aux dimensions d'un vers, et d'un vers régulier : Je me suis armé contre 1 la justice (Prologue) 5 5 ou irrégulier : De profundis Domine3, 1 suis- je bête ! ( « Mauvais sang ») 7 3 C'est le feu qui se relève 1 avec son damné (. »

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