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LA QUATORZIÈME (14e) SATIRE DE JUVENAL: LA VERTU DE L'EXEMPLE

Publié le 03/05/2011

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La Satire XIV aurait largement gagné à être amputée d'une centaine de vers. Le sujet dévie à un moment donné, et le poète s'abandonne à des considérations trop faciles sans trouver la force de le ramener à son inspiration première, qui n'était pas sans noblesse. Il y développe d'abord cette idée que, bien plus efficacement que toutes les leçons des pédagogues, ce sont les exemples des parents qui forment et modèlent l'âme des enfants. Comment les parents ne se doutent-ils pas de l'influence toute-puissante que par leurs manières d'agir ils exercent sur les imaginations puériles, si promptes à imiter ce qu'elles voient faire dans la maison ?

« Le philosophe Locke n'a pas manqué de les reprendre dans son opuscule sur l'éducation.

« Ne faites point devant l'enfant, écrit-il, ce que vous ne voudriez pas qu'il fit par imitation.

S'il vous échappe defaire quelque chose que chez lui vous considéreriez comme une faute, vous pouvez être certains que.

pours'excuser, il se couvrira de votre exemple ; il s'en couvrira si bien qu'il ne vous sera pas facile de l'atteindre et de lecorriger sur ce point par des moyens efficaces.

Si vous le punissez pour une action qu'il vous a vu accomplir vous-même, n'espérez pas qu'il prenne votre sincérité pour une preuve de votre tendresse, et du souci que vous avez decorriger ses défauts.

Non, il n'y verra qu'un effet de l'humeur chagrine et impérieuse d'un père qui, sans raison, veutpriver son fils des libertés et des plaisirs qu'il s'accorde à lui-même.

» Nul doute que la tâche éducatrice, malaisée et décevante en tout temps, ne fût particulièrement délicate dans lesfamilles romaines, où la présence d'un personnel souvent considérable d'esclaves la compliquait encore, en ajoutantaux faiblesses des maîtres les vices propres à la condition servile.Au livre Ter de son Institution Oratoire, rédigée sous Domitien, vers 90-95, et où il résumait l'expérience d'un longenseignement, Quintilien avait posé la question de savoir si l'éducation privée est préférable à l'éducation publique.Cette question, il la traitait avec sa mesure, sa conscience habituelles, sans dissimuler les inconvénients de l'écolepublique, pour laquelle il avouait cependant sa préférence.

Il lui semblait qu'un enfant ou qu'un jeune homme qui sedestinait à la pratique de l'éloquence (tel était le but que la pédagogie romaine assignait à son effort) avait toutintérêt à vivre côte à côte avec d'autres camarades, à connaître la variété des tempéraments et des caractères, àbénéficier des stimulants de l'émulation, et aussi de la chaleureuse parole du maître que son auditoire mêmesoutient, tandis qu'il n'oserait jamais, devant un unique élève, s'abandonner à certains élans.

Mais ce que Quintilienredoutait surtout dans l'éducation privée, c'étaient les spectacles démoralisants dont l'enfant ne pouvait manquerd'être témoin dans la maison de ses parents, et la mollesse énervante de l'indiscipline familiale : « Plût aux dieux, s'écriait-il, que nous ne nous chargions point de perdre nous-mêmes les moeurs de nos propresenfants ! Nés d'hier, déjà nous les amollissons par nos raffinements.

Cette éducation sans énergie, que nousdécorons du nom d'indulgence, brise tous les ressorts de l'âme et du corps.

Que ne désirera-t-il pas, une fois grand,celui qui se traîne sur la pourpre ?...

Nous formons leur palais avant même d'instruire leur bouche.

Ils grandissentsuspendus dans des litières ; essayent-ils de mettre pied à, terre, de toutes parts des mains se tendent pour lessoutenir.

Nous sommes enchantés si quelque inconvenance leur échappe.

Certaines expressions qu'on ne devraitmême pas permettre à, de jeunes esclaves favoris venus d'Alexandrie, nous les accueillons avec des rires et desbaisers.

Doivent-elles nous surprendre ? C'est nous qui les instruisons ; c'est de nous qu'ils tiennent ces mots-là.

Ilsvoient nos maîtresses, nos mignons ; nos festins retentissent de chansons libertines ; des spectacles s'y étalentqu'on n'oserait nommer.

Tout cela se mue en habitude, et l'habitude devient une seconde nature.

Ces pauvresenfants apprennent les vices avant de savoir que le vice existe.

Ce n'est pas des écoles qu'ils rapportent leurdérèglement, leurs déliquescences ; non : ils les introduisent dans les écoles ! » IVLes critiques de Juvénal s'inspirent, on le voit, du même esprit que l'admonestation de Quintilien, et ce sont surtoutles parents dont ils incriminent l'un et l'autre l'insouciance coupable et les détestables méthodes.Le châtiment viendra pour ceux-ci de leurs enfants mêmes, qu'ils auront dévoyés sans s'en douter.

Quand le jeunehomme se sera pénétré de ce principe que l'argent est tout ici-bas, il ne reculera devant aucun moyen pour s'enprocurer.

Faux témoignages, parjures ne lui feront pas peur.

Il accueillera la pensée même du crime : « Le feu dont tu as fourni toi-même l'étincelle, tu le verras embrasant tout, dévorant tout au loin.

Et il net'épargnera point, malheureux.

Un jour, dans sa cage, le lion que tu as dressé fera disparaître, avec un affreuxrugissement, son maître épouvanté...

Lente est la quenouille de la Parque, et l'attente est pénible : tu mourrasavant que ton fil soit tranché.

Dès aujourd'hui tu es un obstacle, tu gênes le jeune homme dans ses désirs...

».Une heure vient où le père fait bien de se munir d'un antidote efficace, s'il ne veut pas éprouver les effets del'impatience de son héritier... VLa fin de la pièce est manquée.

Sous prétexte de décrire les tracas auxquels donnent lieu une poursuite tropacharnée des jouissances du luxe, Juvénal raille pesamment le commerçant qui affronte les hasards de la mer, aurisque de périr' dans la tempête ou d'être ruiné par un naufrage.

Il ressuscite les clichés vieillis sur la sécurité du «cynique » comparée aux inquiétudes du riche.

Il n'est guère de pièce où, d'une partie à l'autre, la dépression soitplus sensible.

Mais cette XIVe satire se rachète par la qualité de la pensée morale qui la domine, et par quelquesformules qui sont de toute beauté.. »

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