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LA SEIZIÈME (16e) SATIRE DE JUVENAL: LES PRIVILÈGES DU SOLDAT

Publié le 02/05/2011

Extrait du document

I

La seizième Satire comprend en tout soixante vers. Mais le raisonnement est brusquement coupé au soixantième vers, où une phrase commencée ne s'achève pas. Nous sommes donc en présence d'une pièce qu'un accident a tronquée de bonne heure — puisqu'aucun manuscrit n'a gardé le moindre vestige de la partie manquante — ou que son auteur n'a jamais achevée. Cet auteur est-il Juvénal ? Une très ancienne « scolie « met déjà la chose en doute : « Ista (satira) a plerisque exploditur et dicitur non esse Juvenalis « : « La plupart condamnent cette satire ; et l'on dit qu'elle n'est pas de Juvénal «. Ces doutes ont été partagés par quelques critiques modernes. Je ne crois pas qu'il y ait lieu de s'y arrêter. Le ton général de la pièce, l'humour sarcastique qui y domine, la qualité point très fine de certaines plaisanteries, tout cela est bien de la manière de Juvénal. Rien n'empêche de supposer qu'il ne put mettre la dernière main à cette pièce, et que, trouvée dans ses papiers après sa mort, elle fut publiée telle quelle par un ami qui se fit scrupule d'y rien changer.

« IIICette satire n'est pas insignifiante.

On chercherait vainement ailleurs des indications analogues à celles qu'ellefournit sur la situation qu'occupait l'armée de métier dans la société du temps.

Cependant elle a médiocrementintéressé la postérité ; c'est peut-être la seule pièce de Juvénal qui n'ait jamais été citée au Moyen Age, où notrepoète a été si favorablement jugé et si assidûment pratiqué par les curieux des lettres antiques.C'est ici le lieu de dire un mot de l'histoire de la réputation de Juvénal, avant l'ardente réviviscence des études àl'époque de la Renaissance.Nous ne savons guère quel fut l'accueil fait aux Satires durant le second et le troisième siècle de notre ère.

On arepéré récemment une imitation, jusqu'ici inaperçue, dans un des traités de Tertullien, l'Adversus Marcioisem, qui estdu début du Ille siècle.

Mais il n'est pas douteux qu'à partir du Ive siècle Juvénal ne soit devenu un auteur envogue.

Il était fort lu, paraît-il (c'est Ammien Marcellin, le compagnon d'armes de l'empereur Julien, qui nousl'apprend) même par des gens qui n'avaient aucun goût pour la littérature.

Les grammairiens en renom, commeServius, le citaient fréquemment.

Un certain Niceus, qui se donnait pour un élève de Servius, en publia une éditionrévisée.

Des scoliastes annotaient les Satires, en s'aidant de commentaires plus anciens.

Les écrivains chrétiens,Lactance, saint Augustin alléguaient certains passages avec honneur.

—Depuis lors, une longue série d'attestationsnous prouvent que Juvénal fut définitivement incorporé au petit groupe des poètes latins que l'on considérait commedes classiques : Virgile, Horace, Térence, Ovide, Stace, Lucain et Perse.

Innombrables sont les traces laissées parles Satires dans les oeuvres latines du Moyen Age.

Le trésor de pensées et d'observations morales amassé par lepoète était exploité largement.

Naturellement ces réminiscences n'impliquent pas toujours une lecture directe del'oeuvre elle-même.

Beaucoup étaient tirées des florilèges scolaires ou des citations fournies par des grammairienstels que Servius, Priscien, Isidore de Séville, etc.

Mais les lettrés prenaient certainement contact avec le texte.Presque toutes les bibliothèques des couvents de quelque importance possédaient au moins un manuscrit deJuvénal.

Cluny en avait quatre.Le fameux Heiric d'Auxerre composa sur les Satires tout un commentaire, qui fut grossi, croit-on, par son élèveRemigius d'Auxerre, et qui formait un traité à part.

Il suffit de lire les considérations en vers de Marbode de Rennessur la vieillesse pour s'apercevoir qu'elles se rattachent à la dixième satire, avec cette seule différence qu'aprèsavoir énuméré les tares de la vieillesse Marbode observe qu'elle offre aussi ses avantages et que celui-là n'ensouffre guère qui a su se conserver pur dans sa jeunesse, Juvénal était tenu pour une des plus hautes incarnationsde la culture latine.

L'historien Raoul Glaber ne raconte-t-il pas que le démon apparut un jour au grammairien Vilgardde Ravenne sous les traits d'Horace, de Virgile et de Juvénal, et qu'il le remercia par leur bouche de si bien travaillerà faire admirer ces poètes.

Ces louanges faillirent perdre l'âme du pédagogue, qui eut la candeur de s'y laisserprendre et, glissant à de détestables maximes, s'attira les censures de son évêque.Le Juvénal que le Moyen Age goûtait, c'était le Juvenalis ethicus, le moraliste amer, agressif, mais si riche ensubstantielles réflexions sur les diverses formes de la condition humaine, et témoin autorisé de la corruption païenne.La seizième satire traitait un cas trop spécial pour qu'à ce point de vue il y eût grand chose à en tirer.

De là l'oublioù elle paraît avoir sombré très vite.. »

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