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La sincérité dans la Vie de Marianne et Manon Lescaut

Publié le 23/07/2012

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lescaut

Nos auteurs affichent une volonté marquée de mettre en place une confession sincère. Nos œuvres se présentent comme étant des confessions à un autre personnage. Le marquis de Renoncour, après avoir reconnu qu’il tient de Des Grieux lui-même l’histoire de ses amours, reprend ensuite la parole pour raconter cette histoire lui-même. C’est ce que Gérard Genette nomme narration métadiégétique dans Figures III (P .249). Des Grieux insiste sur la véracité de son propos page 56 : « Je dois avertir mon lecteur que j’écrivis son histoire presque aussitôt après l’avoir entendue, et qu’on peut assurer, par conséquent , que rien n’est plus exact et plus fidèle que cette narration. Je dis fidèle jusque dans la relation des réflexions et des sentiments, que le jeune aventurier exprimait de la meilleure grâce du monde. « Il y a une véritable mise en place d’une confession sincère. Des Grieux se livre tout entier à Renoncourt comme Marianne se confie elle aussi à une femme imaginaire

lescaut

« La sincérité se manifeste alors dans le caractère des personnages.Marivaux et Prévost ont doté leurs personnages du génie de l'introspection.

Ils sont à la fois acteurs (personnages) et spectateurs d'eux même (narrateur) puisqu'ilraconte une histoire qui s'est déjà produite.

Leurs « sentiments » ne sont pas feints mais véritables.

Des Grieux s'interroge sur la nature de son amour pour Manon etsur sa situation, ces réflexions prouvent qu'il ne ment pas, comme nous pouvons le voir page 103 : « Par quelle fatalité suis-je devenu si criminel ? L'amour est unepassion innocente ; comment s'est il changé pour moi, en une source de misère et de désordres ? ».

Si dans cet exemple Des Grieux se pose de questions, c'est pourtenter de comprendre ses propres sentiments.

Il possède donc la capacité de relater ses états d'âme.

Il en est de même p 152 « Cette charmante créature était siabsolument maîtresse de mon âme, que je n'avais pas un seul petit sentiment qui ne fut de l'estime et de l'amour.

».

Des Grieux raconte sans ambages, et sanshypocrisie sa passion pour Manon, en ce sens, on peut dire qu'il y a dans cette œuvre une sincérité dans l'analyse des sentiments.

Cela rend l'œuvre plus « vraie »encore puisque plus que de simples personnages de roman, le narrateur devient une personne capable d'éprouver des passions.

Les analyses des émotions sont sansdoute plus prononcées encore dans la Vie de Marianne, nous en avons un bon exemple : « Et quand ce discours qu'il me tenait aurait duré tout le temps de la mienne,il me semble qu'il ne m'aurait pas ennuyé non plus, tant la joie dont il me pénétrait était douce, flatteuse, et pourtant embarrassante, car je sentais qu'elle me gagnait.

»(p.129).

Nous avons ici un bref aperçu du mécanisme de l'amour naissant.

La sincérité n'est donc pas dans le rapport qu'il y a avec l'auteur et les personnages mais setrouve dans l'œuvre même.

Le mensonge tiendrait d'une volonté raisonnée de détourner ou masquer la vérité.

L'analyse des sentiments est une preuve de vérité.

Cependant, nous pouvons opposer à la sincérité de l'analyse des sentiments le fait que les narrateurs sont les propres personnages de leur histoire qu'il raconte à lapremière personne.

Le caractère objectif du récit serait donc un gage de sincérité.

La focalisation interne implique parfois une contamination du discours par lesémotions des personnages.

Leur parole n'est pas toujours objective comme l'illustre le passage de Manon Lescaut (p.66) l'ait trompé Des Grieux raconte : « je vistomber des larmes : perfides larmes ! » La colère du narrateur se manifeste dans cette description, il n'est donc point objectif en qualifiant de l'adjectifaxiologiquement marqué « perfides » les larmes de Manon qui peuvent tout aussi bien être sincères.

La subjectivité est d'autant plus présente chez Des Grieuxpuisqu'il est amoureux de Manon, ses sentiments contaminent sa vision du monde comme nous le précise l'auteur lui-même dans l'« avis de l'auteur» : « J'ai à peindreun jeune aveugle, qui refuse d'être heureux, pour se précipiter volontairement dans les dernières infortune.

» (p.47) .

Si l'analyse des sentiments est garante desincérité puisque le narrateur prend une distance avec ses sentiments et devient lucide, il n'en est pas de même de la subjectivité du discours tendancieux et nonréfléchi.

La Vie de Marianne est aussi parcouru de discours contaminés par l'émotion de la narratrice.

Un exemple flagrant de ce phénomène est celui du portrait queMarianne fait de Mme Dorsin qui est plus un éloge qu'une simple description objective : « Mme Dorsin était belle, encore n'est ce pas là dire ce qu'elle était.

[…] Ellene songeait à avoir aucun sorte d'esprit mais elle avait l'esprit avec lequel on en a de toutes les sortes».

La description intégrale de Mme Dorsin utilise la technique del'éloge.

Il ne peut donc y avoir de véritable sincérité de la part de Marianne puisque son discours est dicté par ses sentiments, ce qui le rend subjectif.

Ainsi dans nosdeux ouvrages, la focalisation interne annihile quelque peu la sincérité objective du discours des narrateurs.

Si la sincérité se trouve dans l'analyse que font les narrateurs Des Grieux et Marianne de leurs sentiments, en revanche, le discours à la première personne, perd deson caractère objectif et donc véridique quand les narrateurs ne sont pas objectifs.

Il n'y a pas de véritable mensonge mais une altération de la sincérité du discourspar la subjectivité des narrateurs.

La sincérité est aussi à rechercher dans la structure même du roman.

* Nos auteurs affichent une volonté marquée de mettre en place une confession sincère.Nos œuvres se présentent comme étant des confessions à un autre personnage.

Le marquis de Renoncour, après avoir reconnu qu'il tient de Des Grieux lui-mêmel'histoire de ses amours, reprend ensuite la parole pour raconter cette histoire lui-même.

C'est ce que Gérard Genette nomme narration métadiégétique dans Figures III(P .249).

Des Grieux insiste sur la véracité de son propos page 56 : « Je dois avertir mon lecteur que j'écrivis son histoire presque aussitôt après l'avoir entendue, etqu'on peut assurer, par conséquent , que rien n'est plus exact et plus fidèle que cette narration.

Je dis fidèle jusque dans la relation des réflexions et des sentiments,que le jeune aventurier exprimait de la meilleure grâce du monde.

» Il y a une véritable mise en place d'une confession sincère.

Des Grieux se livre tout entier àRenoncourt comme Marianne se confie elle aussi à une femme imaginaire.

Dans la Vie de Marianne, Marivaux insiste beaucoup sur la sincérité de son livre.

Dansson avertissement, il informe le lecteur de l'origine de son livre : « je crois devoir avertir que je la tiens moi-même d'un ami qui l'a réellement trouvée […] Ce qui estde vrai, c'est que si c'était une histoire simplement imaginée, il y a toute apparence qu'elle n'aurait pas la forme qu'elle a.

Marianne n'y ferait pas de si longues et sifréquentes descriptions…».

Dans la vie de Marianne, Marivaux use de nombreux stratagème pour faire croire à la véracité de son histoire.

La Vie de Marianne estsous forme épistolaire.

Cette structure ajoute de la sincérité à l'histoire qu'il raconte.

Il a constamment le souci de faire passer Marianne comme une personne qui aréellement existé.

Parlant du récit de Marianne page 60 : « C'est une femme qui raconte sa vie ; nous ne savons qui elle était.

C'est la Vie de Marianne ; c'est ainsiqu'elle se nomme au commencement de son histoire.

» Marianne insiste dans le préambule de la Huitième lettre qu'elle envoie à sa confidente sur la véracité de sonpropos comme n'étant pas une œuvre fictive mais une véritable autobiographie d'elle-même à la page 448 : « C'est qu'au lieu d'une histoire véritable, vous avez crulire un roman.

Vous avez oubliez que c'était ma vie que je sous racontais.

» Dans la même optique, Marivaux peuple son roman de personnages qui ont les mêmetravers et les mêmes caractéristiques que des personnes réelles, parlant de Valville, elle dit : « Je vous peins non pas un cœur fait à plaisir, mais le cœur d'un homme,d'un français qui a réellement existé de nos jours.

» Dans La vie de Marianne, plusieurs déterminations physiologiques, sociologiques, se combinent pour définir lespersonnages de l'œuvre.

Ainsi Marivaux et Prévost mettent en place une confession sincère en prêtant à des personnages les caractéristiques de véritables personnesqui se confient à un tiers.

Cette volonté de créer des personnages qui se rapprochent le plus de la vérité, semble être motivée par le souci de provoquer chez le lecteur de l'empathie.

Le langagedu corps est très présent chez Des Grieux et chez Marianne.

Leurs émotions agissent directement sur leur physique.

A la page 71 Des Grieux s'évanouit : « Je n'avaispas la force de soutenir un discours dont chaque mot m'avait percé le cœur.

Je me levais de table, et je n'avais pas fait quatre pas pour sortir de la salle, que je tombaissur le plancher, sans sentiment et sans connaissance.

».

L'action que l'émotion fait sur le physique des personnages est la preuve d'une sincérité des sentiments quirend les personnages attachants pour le lecteur.

Il est touché et compatit à la détresse du personnage.

Pour Marianne il en est de même à la page 203 : « Là, jem'abandonnai à mon affliction, et je ne gênai ni mes gémissements ni mes sanglots ».

Toucher le lecteur est donc bien l'effet que recherche Prévost et Marivaux.La sincérité des protagonistes est d'autant plus flagrante qu'ils sont entourés de personnages hypocrites et manipulateurs.

Des Grieux est naïf et se laissecomplètement manipuler par Manon qui multiplie les amants tout au long du livre.

Son père tente de le raisonner en vain page 70 : « Tu es une jolie dupe, et j'aime àte voir dans ces sentiments là.

» Marianne quant à elle, résiste à la manipulation de Mme Dutour au début de l'œuvre qui lui conseille page 103 de faire espérer M deClimal de son amour afin qu'il lui offre des présents.

M de Climal est quant à lui un faux dévot qui cherche à abuser des charmes de Marianne.

Valville et MlleVarthon la trompe aux aussi sur les sentiments qu'ils lui portent.

Mais c'est avec plus de pathétique que le mensonge apparaît dans les trois dernières parties de LaVie de Marianne ; la jeune religieuse explique comment elle a pris le voile : « les autres décidèrent de mon sort, et je ne fus moi-même qu'une spectatrice stupide del'engagement éternelle que je pris ».

Marivaux dénonce ici la dévotion ostentatoire, et les manœuvres hypocrites des religieuses pour faire entrer une jeune fille aucouvent.

Comme Diderot le fera après lui dans La Religieuse, il dénonce l'aspect non naturel des couvents.L'empathie résulte aussi du déterminisme des personnages qui sont voués dès le début à l'impossibilité de réussir.

Des Grieux et Manon sont condamnés dès le débutà vivre une existence morose comme il est dit page 59 : « Elle me dit après un moment de silence, qu'elle ne prévoyait que trop qu'elle allait être malheureuse, maisque c'était apparemment la volonté du Ciel, puisqu'il ne lui laissait nul moyen de l'éviter.

» De même, à la page 72, la tutrice de Marianne lui confie : « Il est vrai, monenfant, que cela n'empêche que vous soyez pauvre du côté de la fortune,et que vous n'ayez encore de la peine à vivre ; peut-être aussi Dieu récompensera-t-il votresagesse dans ce monde.

» Il y a une certaine fatalité dans nos ouvrages.

Celle-ci rappelle étrangement la pensée janséniste qui influence les auteurs du XVIIIe Siècle.La sincérité et les valeurs de la vertu sont plus élevées que les mensonges et les rangs sociaux.

C'est une morale à connotation janséniste que nous offrent nos auteurs.Des Grieux est beaucoup trop amoureux de Manon, et sa passion dévorante causera sa perte.

Comme ne le dit clairement Prévost au dans l' « avis au lecteur » page. »

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