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La tragédie sophocléenne.

Publié le 12/03/2011

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   vers 440    I    à la fois traditionnel et original, l'art de Sophocle procède de celui d'Eschyle et en diffère pourtant sensiblement. Il est donc nécessaire de rappeler sommairement ce que l'auteur de l'Orestie avait fait de la tragédie, ébauchée par Thespis et les poètes du vie siècle, si l'on veut apprécier en connaissance de cause ce que Sophocle a dû à son grand prédécesseur et comment il a modifié le genre qu'il héritait de lui.    Au temps où il aborda le théâtre, en 468, on peut dire que la tragédie grecque était constituée. Tout ce qu'il y a en elle de caractéristique et d'essentiel, pour le fond et pour la forme, se trouvait déjà déterminé. Malgré le succès récent des Perses, il était désormais admis qu'elle devait emprunter ses sujets aux légendes épiques. L'épopée, il est vrai, était éteinte, mais elle avait produit une riche floraison de récits, que l'art des rhapsodes et le génie des poètes lyriques ne cessaient d'entretenir et de populariser. La tâche du poète tragique était de choisir dans ces récits les épisodes les plus émouvants et de les adapter aux exigences du théâtre.

« Pour de si grandes idées, une simple tragédie avait paru trop étroite au génie d'Eschyle.

La trilogie, qui assemblaittrois pièces consécutives en un tout, fut pour lui la forme naturelle et nécessaire de sa philosophie religieuse.

Seule,elle lui permettait de montrer sur la scène la solidarité des générations ; seule, elle se prêtait au développement deces desseins à longue échéance qu'il prêtait à ses dieux ; seule, elle lui donna le moyen de faire assister son publicaux diverses phases de la lutte d'un Titan contre Zeus, de suivre dans l'histoire des Labdacides les effetshéréditaires d'un oracle méprisé, de faire voir dans l'Orestie le crime attirant sur lui la vengeance, et celle-ci, à sontour, aboutissant, après de terribles péripéties, à Y apaisement final.

Grâce à cette puissante organisation, latragédie redevenait presque semblable à l'épopée, d'où elle procédait, mais c'était une épopée toute en action etsubordonnée à une pensée théologique. Tel était, brièvement caractérisé, le modèle que Sophocle débutant eut devant les yeux.

Nous pouvons maintenantessayer de déterminer dans quelle mesure il crut bon ou possible de l'imiter et dans quelles vues il le modifia. II Mentionnons tout d'abord quelques innovations qui ne touchent pas au fond des choses, mais qui ont eu pourtantleur importance.

Elles font voir d'ailleurs le souci très vif qu'a eu Sophocle de ne rien négliger de ce qui pouvaitcontribuer à la perfection de son art ; et elles témoignent aussi de l'autorité qu'il sut acquérir de bonne heure sur lepublic, puisque rien en ce genre n'était possible sans l'appui de l'opinion. Une première réforme fut le renoncement à la trilogie liée.

Eschyle en avait fait un usage presque constant ;Sophocle n'y eut recours que très rarement En général, chacune de ses tragédies se présenta comme une piècecomplète par elle-même, indépendante de celles qui pouvaient être représentées simultanément.

Par là, il se donnaitle moyen de mettre sur la scène beaucoup de sujets qui se seraient difficilement prêtés à l'ancien arrangement. Une autre innovation fut l'emploi d'un troisième acteur, déjà signalé plus haut.

Aristote l'attribue expressément àSophocle.

Nous devons donc admettre qu'il en eut l'initiative, bien qu'Eschyle en ait profité dans ses dernièrespièces.

Il est remarquable qu'un jeune poète, dès ses débuts, ait eu assez d'influence pour obtenir du peuple cetteimportante amélioration.

Les ressources nouvelles qu'elle offrait à l'art dramatique sont évidentes par elles-mêmes.On verra plus loin quel parti Sophocle en a tiré. En troisième lieu, il fit augmenter le nombre des choreutes.

Jusque-là, ce nombre était de douze.

Il fit décider qu'àl'avenir les chorèges auraient à fournir pour chaque tragédie un chœur de quinze choreutes.

Cette augmentationpermit d'adjoindre au chef du chœur (ou coryphée) deux assistants (ou par asiates), de telle sorte que, dans laformation en trois files, chacune des files eût désormais son chef.

Le chœur, ainsi renforcé et mieux commandé,forma une troupe plus dense, et cependant plus apte à se diviser en sections, à se mouvoir avec ordre, à exécuterharmonieusement des figures plus compliquées.

Dans une représentation où les évolutions orchestiques et la danseaccompagnée de chants tenaient une grande place, rien de ce qui contribuait au plaisir des yeux n'était sansimportance. C'est un souci de même ordre qui amena Sophocle à se préoccuper aussi de perfectionner le décor.

Mais l'indicationque nous donne Aristote sur ce point est tellement brève qu'il faut s'en tenir à un simple énoncé du fait. Ce que nous pouvons conclure de ces quelques renseignements, c'est que rien de ce qui pouvait ajouter à l'œuvredramatique un élément de beauté ne paraissait insignifiant à Sophocle.

Son attention se portait sur toutes lesparties de son art avec une égale sollicitude.

Pour lui, la tragédie n'était pas une œuvre destinée à des lecteurs.

Illa voyait en scène, au moment même où il la méditait.

Il voulait qu'elle rivalisât, par le charme du spectacle, avecles grandes œuvres plastiques que le génie de quelques artistes illustres multipliaient alors autour de lui : et, danscette émulation généreuse, il déployait toutes les ressources de son esprit. Bien entendu, c'était pourtant à ce qui fait proprement la substance de la tragédie qu'il s'attachait avant tout ; jeveux dire, à la composition de ses pièces, à la création de ses personnages, aux idées et aux sentiments quifermentaient dans son âme de poète et qu'il s'agissait pour lui de traduire dans des formes vivantes.

Et c'est làaussi le sujet que nous avons maintenant à étudier.

Pour le faire, quelle méthode doit être préférée ? Faut-il d'aborddégager les principes de son art, les considérer chacun séparément et en montrer l'application dans les scènes deses tragédies où elle est le plus frappante ? Cette manière de procéder aurait, je crois, de sérieux inconvénients.Elle ne ferait passer sous les yeux du lecteur que des parties détachées, elle morcellerait des œuvres dont la beauténe se fait bien sentir que dans l'harmonie de l'ensemble, elle résoudrait la vie en abstractions.

Mieux vaut donc userde la méthode inverse.

Nous avons rattaché l'Œdipe-Roi dans le précédent chapitre à un groupe, représenté pournous par trois tragédies, Ajax, Antigone, Electre.

Etudions successivement chacune d'elles, en essayant de mettreen lumière les traits caractéristiques de l'art qui s'y manifeste.

Nous aurons ensuite à rassembler ces traits et nouspourrons ainsi nous former une idée juste de ce qu'était la tragédie dans la conception de Sophocle, au temps oùl'Œdipe-Roi fut composé. III Le sujet d'Ajax est emprunté à deux épopées du cycle troyen, l'Ethiopide et la Petite Iliade, que nous connaissonsuniquement par des résumés K Il y était raconté comment, après la mort d'Achille, ses armes avaient été disputéespar Ulysse et Ajax.

Ulysse l'emporta.

La fureur s'empara d'Ajax au point de lui faire perdre la raison.

Dans un accès. »

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