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LA TRAHISON (vers 1 - 847): LE CHANSON DE ROLAND

Publié le 23/03/2011

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L'ambassade sarrasine (vers 1-162). — Dans un verger de Saragosse, étendu, à la molle manière des Orientaux, sur un perron de marbre bleu, Marsille, le roi sarrasin, l'idolâtre, l'ennemi de Dieu, préside à l'assemblée de ses ducs et de ses comtes. Depuis sept années pleines, Charles, le grand empereur des Francs, guerroie contre lui en Espagne : plus de château pour lui résister, plus de rempart, plus de cité. La défaite a épuisé les forces de l'Infidèle. Marsille n'a plus armée qui vaille pour tenir tête à son ennemi ; il se sent menacé par la mort et l'humiliation ; et c'est pourquoi il a convoqué les siens et leur demande conseil. En cette situation désespérée quel conseil donneraient-ils ? Tous se taisent, à l'exception d'un seul : c'est Blancandrin, l'astucieux, le fourbe Blancandrin. Qu'on feigne, propose ce félon, de céder à Charlemagne ; qu'on lui demande la paix et qu'on lui promette toutes les satisfactions qu'il voudra. Il s'en retournera en France ; et quant aux promesses qu'on lui aura faites, elles resteront éternellement des promesses, vaines et sans effet.

« trouve aussi le comte Ganelon, celui qui devait, annonce le poète, «faire la trahison». Charlemagne leur expose le message qu'il a reçu du roi Marsille : le païen se soumet et, pourvu que les Françaisrentrent en France, il s'engage à livrer d'innombrables richesses, à recevoir la loi chrétienne et à reconnaître lasuzeraineté de l'empereur.

Mais il s'agit de savoir quelle est sa véritable intention et s'il faut lui accorder confiance.Se paiera-t-on de ses promesses ? Ou bien continuera-t-on la guerre ? Aussitôt deux avis s'affrontent : celui de Roland et celui de Ganelon. Roland, le premier, se lève et, selon l'usage, va se placer devant l'empereur.

Il parle.

La proposition du païen ne luiagrée point : il faut, dit-il, la repousser et mener la guerre jusqu'au bout.

Marsille ne mérite aucune confiance.

Satraîtrise s'est déjà révélée quand, précédemment, il a adressé à l'empereur quinze de ses chevaliers, tous porteurs,eux aussi, de rameaux d'olivier, et qui tenaient les mêmes discours que ses nouveaux messagers : à Basan et àBasille, les deux comtes envoyés par l'empereur pour répondre à cette ambassade, il a fait trancher la tête.

Que laguerre continue donc comme elle a commencé ! Qu'on aille à Saragosse ! Qu'on y mette le siège, dût-on y restertoute sa vie ! L'empereur garde le silence.

Le visage incliné vers le sol, il lisse sa longue barbe.

Il a consulté : il attend, il écoute. Or voici que Ganelon se lève à son tour, vient devant l'empereur et oppose brutalement son conseil à celui deRoland : Marsille propose la paix ? Qu'on l'accepte donc ! C'est la sagesse, et silence aux fous ! Il dit à Charles : XV « N'allez pas vous fier au conseil du premier venu, ni au mien, ni à celui de personne ! N'écoutez que votre intérêt.Le roi Marsille vous mande que, joignant les mains selon le rite, il se fera votre homme-lige, qu'il tiendra l'Espagne devotre autorité et qu'il recevra la loi de notre religion.

Celui qui veut vous faire repousser cet accord, peu lui importe,seigneur, de quelle mort nous mourrons ! Conseil d'orgueil ne doit pas l'emporter : laissons les fous, suivons lessages.

» Ganelon a parlé avec irritation, peut-être comme un homme contrarié dans ses intérêts et qui, pour lui-même, désireavant tout la paix.

Cependant son avis, de quelque intention qu'il procède, peut aussi paraître bon ; et quand, aprèslui, le sage duc Naimes le reprend en termes plus modérés, il n'a pas de peine à le faire approuver des Francs : le roiMarsille est vaincu ; Charles lui a enlevé ses châteaux, incendié ses cités, anéanti ses armées ; si le vaincu imploresa merci, quelle raison de chercher plus d'avantages ? Pourvu qu'il fournisse garantie d'otages, la guerre, qui a silongtemps duré, devra prendre fin.

On tâchera donc de traiter avec Marsille et une ambassade répondra à sonambassade. * * * Il ne s'agit plus que de choisir un ambassadeur : petite affaire, semble-t-il, en regard de la grave question dont onvient de délibérer.

Et cependant, comment ne pas éprouver une pointe d'inquiétude ? Le ton agressif de Ganelon,dont on sait qu'il « fera la trahison », n'a pas été sans surprendre.

Il a tranché aussi bien sur le discours ferme, maismesuré, de Roland que sur les paroles prudentes de Naimes.

Son conseil, qu'on sait funeste, puisque, même sans levouloir, il sert l'intérêt sarrasin, l'a déjà fait apparaître, sinon comme un mauvais conseiller, du moins comme unconseiller de malheur.

Que veut donc cet homme? A quels mobiles obéit-il? On ne le saura que plus tard.

En attendant, ce qu'on apprend à connaître, ce sont les belles figures des barons del'empereur, ses fidèles vassaux, toujours prêts pour son service, et qu'inspire un sentiment passionné de l'honneur.La plus noble émulation les anime.

Et quand Charlemagne interroge son conseil pour la désignation d'unambassadeur, les voici qui, avertis du péril, se proposent à l'envi : c'est Naimes, qui, ayant parlé en faveur d'unaccord, s'estime tenu d'en revendiquer tous les risques; c'est Roland qui, ayant parlé pour la continuation de laguerre, prétend, du moment qu'il y a danger, porter le message de paix ; c'est Olivier qui, par amitié et craignant lavivacité de Roland, réclame la mission pour lui-même ; c'est Turpin qui, pour tout arranger et laisser un peu de reposà tant de vaillants guerriers, demande à être désigné pour « aller trouver, dit-il plaisamment, le Sarrasin d'Espagneet voir un peu comme il est fait ». Mais Charlemagne ne veut ni des uns ni des autres.

Tous, successivement, avec une rudesse affectueuse, il lesrenvoie s'asseoir à mesure qu'ils se présentent : il ne veut se séparer ni du sage Naimes, ni d'aucun des douze pairs,ni de l'archevêque Turpin.

Tous s'étant offerts et tous ayant été refusés, qui donc ira porter le message ? Il faut, pour l'ambassade, un baron de France.

Or n'en est-il pas un, haut seigneur, beau-frère de l'empereur, auquelil soit naturel de penser ? Si Naimes, qui a fait prévaloir finalement au conseil l'avis de traiter avec Marsille, s'est cruengagé d'honneur, pour cette seule raison, à s'offrir comme messager, n'en est-il pas un autre, le promoteur mêmede l'idée, que son initiative semble désigner, avant tous les autres, au choix de l'assemblée ? Comment ne passonger à Ganelon, malgré son silence ? Aussi, quand Charlemagne, n'ayant voulu ni de Naimes, ni de Roland, nid'Olivier, ni de Turpin, ni d'aucun des pairs, commande : « Élisez-moi un baron de ma marche ! », Roland n'a qu'à dire: « Ce sera Ganelon, mon parâtre ! » pour qu'aussitôt les Francs approuvent cette réponse d'une approbationunanime.. »

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