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L'ange gardien

Publié le 31/08/2012

Extrait du document

Dans la grisaille endormie d’une fin d’après-midi, un très vieil homme pousse la grille bleue du jardinet à l’entrée de son immeuble. Il gravit les marches du perron, lentement, s’arrête souvent en s’appuyant à la main-courante pour souffler un peu, une main serrée sur son cœur. Il pousse la porte d’entrée. Les murs du couloir sont couverts de tableaux, de miroirs, d’étagères encombrées de statuettes, de fleurs séchées, de livres. Il pousse la porte du salon. La pièce est un capharnaüm indescriptible de dessins épars, de tableaux en désordre, de poèmes et de textes qui s’amoncèlent par terre comme les poussières du temps et qui chantent dans le silence d’une solitude amère, les douleurs inexpiables d’une vierge en larmes de sang.

Après avoir rangé quelques papiers épars sur son bureau et classé des livres en souffrance dans les étagères d’une bibliothèque, le vieux bonhomme s’installe à sa table. Il sort une liasse de feuilles blanches d’un tiroir et réfléchit longuement en décapuchonnant son stylo plume. Puis, il se met à écrire.

Pendant des heures, il couvre ses pages d’une écriture consciencieuse et régulière, numérotant soigneusement chaque nouvelle page, en haut à droite, avant de commencer à écrire dessus. Il écrit lentement, sans rature et sans lever le nez de ses pages. Il garde l’air grave des hommes qui énoncent d’implacables vérités et mesurent l’importance de leurs actes dans l’accomplissement de leur destin.

Ce vieil homme sage, imperturbable et résolu, abîmé dans cet exercice interminable d’écriture, rédige sa confession. Grave décision que cet accouchement de soi dans la révélation de ses fautes, de regarder en face l’effrayante vérité de son âme : le bonhomme libère sa conscience d’une ombre qu’il n’a que trop longtemps voulu ignorer. Elle coule entre ses doigts, fluide et calme, parfaitement impassible comme un long fleuve tranquille.

Cette épouvantable vérité qui le ronge depuis l’enfance du fond de sa conscience jusqu’à l’insupportable, cette vérité muette qu’il porte comme une croix sur le calvaire de sa pauvre vie, il la dépose sur ces pages qui s’empilent, pour s’en libérer. Et il respire ! Il retrouve le souffle profond de la vie alors même qu’elle s’écoule de ses veines et se répand à travers les feuilles. Il raconte enfin, malgré toute la nausée qu’elle lui inspire de lui-même, l’unique et véritable histoire de Nécrofoly telle qu’elle révèle désormais, dans sa nudité parfaite, le mensonge criminel des valeurs fondamentales qu’il a professées toute sa vie durant au collège… malgré tout ce qu’il savait !

Sa déposition achevée, il la signe de son nom bien lisiblement écrit, sans même relire une seule ligne de sa longue prose. Il trouve une enveloppe à grand format et glisse le feuillet sans pli à l’intérieur. Il scelle l’enveloppe et trace en grosses lettres le nom de son destinataire :

Monsieur le Procureur de la République.

Il laisse l’enveloppe bien en vue sur le bureau, pousse un long soupir et se lève d’un coup. Poussant du pied les livres qui encombrent le plancher, il contourne le bureau et se laisse tomber dans un fauteuil de cuir devant la cheminée où mouronne encore une grosse bûche rouge. Il ouvre sa main gauche. Dans le creux de sa paume, une amulette chiffonnée de vrai parchemin fait une tache blanchâtre, comme un stigmate soudain matérialisé.

Pendant quelques instants il regarde le dessin cabalistique tiré d’un trait précis et couvert de couleurs crues. Il ne fait aucun doute pour lui que la magie de cet objet procède de la plus pure authenticité qui soit car il connaît l’homme qui l’a fabriqué et il sait de quelles souffrances celui-ci en tient le secret. Et d’un geste brusque, il le jette dans le feu. Ses yeux restent immobiles devant la flamme qui dévore son âme morte. Tout doucement, le vieil homme s’endort, il s’affaisse entre les bras du fauteuil de cuir et sa respiration s’arrête.

 

Quelques jours plus tard, on a découvert le cadavre de l’auteur à l’endroit où ce récit l’a laissé. Suivant son habitude, la femme de ménage était entrée avec sa clé pour faire ses heures. Elle lui faisait quelques courses, un brin de vaisselle et du repassage mais le bonhomme ne voulait surtout pas qu’elle mette le nez dans son bureau : « Ça n’en vaut pas la peine, si c’est pour y mettre le bazar ! «  comme il disait. Ce jour-là, elle a été surprise par une odeur bizarre. Elle est entrée dans le bureau et elle a trouvé le bonhomme mort dans son fauteuil.

Saisi de l’affaire puisque la lettre lui était adressée, le procureur de la République a décacheté l’enveloppe et découvert cette lamentable mais véridique histoire :

« L’Ange Gardien \ 2 retrouve le souffle profond de la vie a lors même qu’elle s’écoule de ses veines et se répand à travers les feuilles.

Il raconte enfin, malgré toute la nausée qu’elle lui inspire de lui -même, l’unique et véritable histoire de Nécrofoly telle qu’elle révèle désormais, dans sa nudité parfaite, le mensonge criminel des valeurs fondamentales qu’il a professées toute sa vie durant au collège… malgré tout ce qu’il savait ! Sa déposition achevée, il la signe de son nom bien lisiblement écrit, sans même relire une seule ligne de sa longue prose.

Il trou ve une enveloppe à grand format et glisse le feuillet sans pli à l’intérieur.

Il scelle l’enveloppe et trace en grosses lettres le nom de son destinataire : Monsieur le Procureur de la République .

Il laisse l’enveloppe bien en vue sur le bureau, pousse un long soupir et s e lève d’un coup.

Poussant du pied les livres qui encombrent le plancher, il contourne le bureau et se laisse tomber dans un fauteuil de cuir devant la cheminée où mouronne encore une grosse bûche rouge.

Il ouvre sa main gauche.

Dans le cre ux de sa paume, une amulette chiffonnée de vrai parchemin fait une tache blanchâtre, comme un stigmate soudain matérialisé.

Pendant quelques instants il regarde le dessin cabalistique tiré d’un trait précis et couvert de couleurs crues.

Il ne fait aucun d oute pour lui que la magie de cet objet procède de la plus pure authenticité qui soit car il connaît l’homme qui l’a fabriqué et il sait de quelles souffrances celui -ci en tient le secret.

Et d’un geste brusque, il le jette dans le feu.

Ses yeux restent im mobiles devant la flamme qui dévore son âme morte.

Tout doucement, le vieil homme s’endort, il s’affaisse entre les bras du fauteuil de cuir et sa respiration s’arrête.

Quelques jours plus tard, on a découvert le cadavre de l’auteur à l’endroit où ce réc it l’a laissé.

Suivant son habitude, la femme de ménage était entrée avec sa clé pour faire ses heures.

Elle lui faisait quelques courses, un brin de vaisselle et du repassage mais le bonhomme ne voulait surtout pas qu’elle mette le nez dans son bureau : « Ça n’en vaut pas la peine, si c’est pour y mettre le bazar ! » c omme il disait.

Ce jour -là, elle a été surprise par une odeur bizarre.

Elle est entrée dans le bureau et elle a trouvé le bonhomme mort dans son fauteuil.

Saisi de l’affaire puisque la lettr e lui était adressée, le procureur de la République a décacheté l’enveloppe et découvert cette lamentable mais véridique histoire :. »

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