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L'auberge de l'ange gardien Le general descendit le perron, entrainant Mme Blidot, suivi d'Elfy qui donnait le bras a Moutier, et du reste de la societe.

Publié le 11/04/2014

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societe
L'auberge de l'ange gardien Le general descendit le perron, entrainant Mme Blidot, suivi d'Elfy qui donnait le bras a Moutier, et du reste de la societe. Jacques et Paul couraient en eclaireurs; ils arriverent les premiers a l'Ange-Gardien, et firent des exclamations de joie sans fin. Le devant de la maison etait garni de caisses d'orangers et autres arbustes en fleurs; la salle etait tapissee d'etoffe bleue, ainsi que la cuisine; des tables etaient mises dans les deux salles. Le general fit asseoir tous les invites; lui, Elfy et Moutier presidaient la premiere table; Mme Blidot, Derigny et les enfants faisaient les honneurs de la seconde; plusieurs domestiques, venus de Paris, firent le service; ils passaient les plats, les vins; les cuisiniers s'etaient surpasses: on n'avait jamais mange, ni bu, ni vu chose pareille a Loumigny. Le cure etait a la gauche du general, Elfy se trouvait placee entre le general et Moutier, puis le notaire et les autres convives. Le diner fut long et gai. "Defense de se donner d'indigestion aujourd'hui, criait le general; on doit se menager pour demain: ce sera bien autre chose." --Qu'y aura-t-il demain? demanda un convive. LE GENERAL--Qui vivra verra. Il y aura un festin de Balthazar! LE CONVIVE.--Qu'est-ce que c'est que ca, Balthazar? LE GENERAL--Balthazar etait un gredin, un fieffe gourmand, mais un fin connaisseur en vins et en toutes especes de comestibles, et, quand on voulait bien diner, on allait chez Balthazar. --Ah oui! comme a Paris, quand on va chez Very, dit un des convives qui avait la pretention d'avoir de l'instruction et de connaitre Paris, parce qu'il y avait passe une fois trois jours comme temoin dans une affaire criminelle. --Tout juste! c'est ca, dit le general en se tordant de rire. Je vois, M'sieur, que vous connaissez Paris. LE CONVIVE INSTRUIT.--Un peu, M'sieur, j'y ai passe quelque temps. LE GENERAL.--Avez-vous ete au spectacle, M'sieur? LE CONVIVE INSTRUIT.--Oui, M'sieur, bien des fois. J'aimais beaucoup le spectacle. LE GENERAL.--A quel theatre alliez-vous? LE CONVIVE INSTRUIT.--Au grand theatre de Polichinelle, et a un autre dont j'oublie le nom, plus beau encore. LE GENERAL.--Ah! aux Champs-Elysees, n'est-ce pas? LE CONVIVE INSTRUIT.--Oui, M'sieur, un grand bois mal gouverne, et qui ne ressemble guere a un champ; des arbres abimes, ecourtes, une futaie perdue. Le general riait de plus en plus, buvait de plus en plus. On etait a table depuis deux heures. Elfy proposa au general une promenade dans son nouveau domaine. LE GENERAL, d'un air malin.--Et comment y passerez-vous de votre jardin, mon enfant? ELFY.--Oh! general, Moutier fera une breche; le passage sera bientot fait. XXI. Le contrat. Generosite inattendue. 75 L'auberge de l'ange gardien LE GENERAL.--A-t-on fini le cafe, le pousse-cafe, tout enfin? --Fini a la majorite, mon general, repondit Moutier, fatigue de boire et de manger. --Allons, partons. J'ouvre la marche avec Elfy. Le general se leva; chacun en fit autant. Il ouvrit lui-meme la porte du jardin. Elfy poussa une exclamation joyeuse, quitta le bras du general et courut legere comme un oiseau, vers la barriere elegante qui avait ete placee et ouverte sur le pre pendant la courte absence des proprietaires. Jacques et Paul la suivirent dans sa course, et furent bientot hors de vue. LE GENERAL.--Moutier, mon ami, courez apres les fuyards, attrapez-les, ramenez-les-moi! Je ne serai pas loin... Eh bien! voila tout le monde parti!... Les voila qui courent tous comme des chevaux echappes... jusqu'au notaire!... Et ce pauvre Derigny, que Mme Blidot entraine! Il court, ma foi! il court! Le general, enchante, se frottait les mains, allait et venait en sautillant malgre ses grosses jambes, son gros ventre et ses larges epaules. De temps a autre, on voyait apparaitre dans le pre, dans le bois, Elfy et les enfants; Moutier l'avait rejointe en deux enjambees et jouissait du bonheur d'Elfy avec toute la vivacite de son affection. Bientot le bois et la prairie offrirent le spectacle le plus anime; les jeunes couraient, criaient, riaient; les gens sages se promenaient, admiraient et se rejouissaient du bonheur d'Elfy d'avoir rencontre dans sa vie un general Dourakine. Elfy et sa soeur etaient si generalement aimees que leur heureuse chance ne donnait de jalousie a personne, et occasionnait, au contraire, une satisfaction generale. Le cure seul etait reste aupres du general. "Vous devez etre bien heureux, lui dit-il en souriant amicalement, de tout le bonheur que vous avez cause; vous etes veritablement une Providence pour ces excellentes soeurs, pour votre brave Moutier et pour toute notre commune. Jamais on n'y perdra votre souvenir, general, et, quant a moi, je prierai pour vous tous les jours de ma Vie." LE GENERAL.--Merci, mon bon cure. Mais notre tache n'est pas finie, il faut que vous m'aidiez a la completer. LE CURE.--Tout ce que vous voudrez, general, disposez de moi entierement. LE GENERAL.--Eh bien, mon ami, voila l'affaire. J'aime beaucoup Mme Blidot, et je vois avec peine que le mariage de sa soeur va changer sa position. LE CURE:--Oh! general, elles s'aiment tant, et Moutier est un homme si bon, si honorable, si religieux! LE GENERAL.--Tout ca est vrai, mon ami, mais... Mme Blidot ne va plus venir qu'en second; c'est le jeune menage qui a maintenant le plus gros lot dans la propriete de l'Ange-Gardien; un homme dans une auberge est toujours plus maitre que des femmes. Et puis viendront les enfants; Jacques et Paul pourraient en souffrir, Mme Blidot, qui les aime si tendrement, les protegera; et puis viendra le desaccord, et, par suite, les chagrins pour cette pauvre femme isolee. LE CURE.--C'est vrai, general; mais qu'y faire, sinon attendre, esperer, et au besoin lui donner du courage? LE GENERAL.--Mon cher cure, voici mon idee a moi. Quand la guerre sera finie, ce qui va arriver un de ces jours, il faudra que je retourne en Russie; j'emmenerai Derigny... Attendez, vous ne savez pas ce que je vais vous dire... J'emmenerai ses enfants; voila deja qu'ils restent avec leur pere et qu'ils sont a l'abri de ce que je XXI. Le contrat. Generosite inattendue. 76
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« LE GENERAL.—A-t-on fini le cafe, le pousse-cafe, tout enfin? —Fini a la majorite, mon general, repondit Moutier, fatigue de boire et de manger. —Allons, partons.

J'ouvre la marche avec Elfy. Le general se leva; chacun en fit autant.

Il ouvrit lui-meme la porte du jardin.

Elfy poussa une exclamation joyeuse, quitta le bras du general et courut legere comme un oiseau, vers la barriere elegante qui avait ete placee et ouverte sur le pre pendant la courte absence des proprietaires. Jacques et Paul la suivirent dans sa course, et furent bientot hors de vue. LE GENERAL.—Moutier, mon ami, courez apres les fuyards, attrapez-les, ramenez-les-moi! Je ne serai pas loin...

Eh bien! voila tout le monde parti!...

Les voila qui courent tous comme des chevaux echappes... jusqu'au notaire!...

Et ce pauvre Derigny, que Mme Blidot entraine! Il court, ma foi! il court! Le general, enchante, se frottait les mains, allait et venait en sautillant malgre ses grosses jambes, son gros ventre et ses larges epaules.

De temps a autre, on voyait apparaitre dans le pre, dans le bois, Elfy et les enfants; Moutier l'avait rejointe en deux enjambees et jouissait du bonheur d'Elfy avec toute la vivacite de son affection.

Bientot le bois et la prairie offrirent le spectacle le plus anime; les jeunes couraient, criaient, riaient; les gens sages se promenaient, admiraient et se rejouissaient du bonheur d'Elfy d'avoir rencontre dans sa vie un general Dourakine.

Elfy et sa soeur etaient si generalement aimees que leur heureuse chance ne donnait de jalousie a personne, et occasionnait, au contraire, une satisfaction generale.

Le cure seul etait reste aupres du general. “Vous devez etre bien heureux, lui dit-il en souriant amicalement, de tout le bonheur que vous avez cause; vous etes veritablement une Providence pour ces excellentes soeurs, pour votre brave Moutier et pour toute notre commune.

Jamais on n'y perdra votre souvenir, general, et, quant a moi, je prierai pour vous tous les jours de ma Vie.” LE GENERAL.—Merci, mon bon cure.

Mais notre tache n'est pas finie, il faut que vous m'aidiez a la completer. LE CURE.—Tout ce que vous voudrez, general, disposez de moi entierement. LE GENERAL.—Eh bien, mon ami, voila l'affaire.

J'aime beaucoup Mme Blidot, et je vois avec peine que le mariage de sa soeur va changer sa position. LE CURE:—Oh! general, elles s'aiment tant, et Moutier est un homme si bon, si honorable, si religieux! LE GENERAL.—Tout ca est vrai, mon ami, mais...

Mme Blidot ne va plus venir qu'en second; c'est le jeune menage qui a maintenant le plus gros lot dans la propriete de l'Ange-Gardien; un homme dans une auberge est toujours plus maitre que des femmes.

Et puis viendront les enfants; Jacques et Paul pourraient en souffrir, Mme Blidot, qui les aime si tendrement, les protegera; et puis viendra le desaccord, et, par suite, les chagrins pour cette pauvre femme isolee. LE CURE.—C'est vrai, general; mais qu'y faire, sinon attendre, esperer, et au besoin lui donner du courage? LE GENERAL.—Mon cher cure, voici mon idee a moi.

Quand la guerre sera finie, ce qui va arriver un de ces jours, il faudra que je retourne en Russie; j'emmenerai Derigny...

Attendez, vous ne savez pas ce que je vais vous dire...

J'emmenerai ses enfants; voila deja qu'ils restent avec leur pere et qu'ils sont a l'abri de ce que je L'auberge de l'ange gardien XXI.

Le contrat.

Generosite inattendue.

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