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L'animal est-il l'enfant idéal ?

Publié le 22/02/2012

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Notre amour des animaux engendre des nuisances mais aussi des emplois. On s'est encore peu intéressé pourtant à cette question des rela-tions entre l'homme et l'animal. Certes leur association est ancienne, mais naguère c'était l'animal qui servait l'homme alors que désormais celui-ci est son esclave. Souvent encombrant, l'animal vient rarement combler un vide affectif. D'ailleurs, en posséder un entraîne plutôt un isolement social supplémentaire. En réalité, l'homme s'exerce au rôle d'éducateur : l'animal est l'enfant idéal à qui on apprend tout, qui dépend entièrement de vous sans cher-cher à conquérir son autonomie, contrairement à l'enfant devenu grand. Castré, il est encore plus soumis ! Certes cette thèse n'est pas universelle, mais oblige à nous interroger.

« D'autant plus que l'éducation du chien tourne parfois mal et que les tests de certains éducateurs se révèlent trèsnégatifs.

Ainsi voit-on des maîtres traumatisés par leurs chiens dont «l'éducation» fut totalement ratée : terrorisé,mordu par son ignoble bestiole, le maître continue pourtant de le regarder avec amour...

Combien de bras, de mainsgriffés par des chats qui furent insuffisamment «domestiqués» ? Combien d'enfants maltraités par le «bon groschien» qui se révèle subitement jaloux ? Combien encore d'animaux intentionnellement dressés pour être le plusféroce possible : sautant sur tout ce qui bouge, mordant la cuisse du facteur ou du paisible amateur de course àpied dominicale, aboyeur agressif, faisant régner la terreur et le malaise dans tout le quartier, empêchant les voisinsde dormir normalement...

Ou ces chiens dressés à protéger leur maître et déboussolés au point d'attaquer tout cequi s'en approche, devenant de vrais dangers publics.

Citons aussi ce chien blanc dont parle Romain Gary dansl'oeuvre du même titre : chien blanc dressé (dans les États-Unis des années soixante) pour sauter sur tout ce quiest noir de peau ; récupéré par un militant noir, chien blanc sera rééduqué : il sautera sur tout ce qui est blanc depeau.

Perversité de la mauvaise éducation... Mais l'animal a-t-il besoin de tout cela : des restaurants pour chien, des salons, voire des émissions de télévision (ilparaît que cela existe) ? On pourrait peut-être aussi leur laisser la paix et leur enlever, de temps à autre, leurcollier...

Les animaux élevés comme des enfants ou dressés pour tuer ne sont pas nécessairement les plus«heureux» (si ce mot a un sens), pas plus d'ailleurs que les chiens de cirque...

Notre goût pour les animaux familierspeut avoir d'autres origines que le goût de la domina-tion et ce plaisir d'éduquer. On peut aussi aimer les animaux sans les prendre pour des hommes ou des enfants, et considérer chien et chatcomme tels, ni plus ni moins.

On peut prendre plaisir à les regarder vivre, se déplacer.

On peut tout simplement lesaimer parce que ce sont des animaux et qu'ils ont des choses à nous apprendre, peut-être même des leçons à nousdonner...

Dans des sociétés de plus en plus urbanisées, noyées dans le béton et l'artifice, on peut comprendre lebesoin des citadins de retrouver leurs racines naturelles.

Les arbres, les pots de géranium, les espaces verts sontdonc indispensables.

Les animaux permettent aussi, par leur simple présence, de renouer avec les origines.

L'animaln'est pas dénaturé.

Il représente une part de nature primitive au coeur des grandes cités.

Il est l'occasion ainsi deretrouver les traces d'une nature, d'un univers que l'on a depuis longtemps perdus dans les villes.

On peut expliquercomme cela ce goût pour les chiens, les chats, voire les canaris, les poissons rouges, ou les hamsters et autrestortues.

Pour les enfants d'abord, l'animal est un champ d'expérience essentiel et irremplaçable.

Il peut apprendregrâce à celui-ci le respect de la vie, le sens de l'observation, celui aussi des responsabilités (l'animal, s'il est plusfaible, dépend de lui qui doit le protéger, le nourrir, etc.). Pour tout le monde, l'animal c'est aussi l'occasion d'un contact sensuel, d'un bonheur physique, d'un plaisir tactileretrouvé et qu'aucun matériau moderne, aucun simulacre ne sauraient remplacer : la truffe humide d'un chien, lafourrure d'un chat nous rappellent que nous sommes aussi des animaux.

On peut éprouver ainsi un indicible plaisir àpasser sa main sur la tête d'un chien, à le caresser, à faire glisser ses doigts dans un pelage soyeux, une toisonépaisse.

De grands écrivains, comme Colette, nous parlent avec talent de cette sorte de plaisir : le contact directavec les choses et les êtres restés proches de la nature. Ainsi évoque-t-elle, dans la Maison de Claudine, «le besoin véhément de toucher, vivantes, des toisons ou des feuilles, des plumes tièdes, l'émouvante humidité des fleurs». L'animal peut également provoquer des jouissances plus intellectuelles : sans sombrer dans un anthropomorphismebéat, ni tomber dans le piège de l'animal-substitut, on peut éprouver de grandes émotions à tenter de communiqueravec son animal favori, à essayer de le comprendre, d'anticiper ses réactions, sans pour autant projeter sur lui nospropres fantasmes ou nos manques de toutes sortes.

L'animal est ainsi à la fois objet d'émotion et de connaissancesi l'on sait épier ses regards, suivre ses mouvements, apprendre en quelque sorte son langage pour dialoguer aveclui, s'émerveiller devant ses capacités sensorielles, ses aptitudes à épier les moindres bruits, à interpréter les signes.Le chien, le chat surtout, peuvent aussi être perçus comme de beaux «objets» esthétiques, au-delà même del'affection qu'ils donnent : ainsi voit-on certaines belles pages de grands écrivains traversées par la démarche, leregard de l'animal familier, tels ces «grands sphinx allongés au fond des solitudes» dont parle Baudelaire dans les Chats, célébrant encore leurs «reins féconds» et «les parcelles d'or» qui «étoilent vaguement leurs prunelles mystiques».

Le chat est ainsi vénéré comme une des incarnations de la beauté et du mystère ; pourquoi les seulspoètes seraient-ils sensibles à ses charmes subtils ? Outre par sa grâce et son aspect esthétique, on peut enfinêtre touché par les relations privilégiées que l'on entretient avec l'animal, tout en se gardant de l'idolâtrie et decertaines désillusions : si le chat et le chien sont attachés à leur maître, c'est aussi parce qu'ils y trouvent leurcompte (nourriture, confort, protection, etc.) et leur avantage.

Peut-être le tendre regard du chien n'est-il pas sidésintéressé ? Peut-être sent-il derrière le visage aimé de son «maître» le délicat fumet de la soupe épaisse du soir? Peut-être aussi, comme Baudelaire encore dans les Bons Chiens, certains sont-ils sensibles à «l'humanité» du chien, en qui parfois s'incarne tout le tragique de la condition humaine (par «bons chiens», Baudelaire entend leschiens pauvres, les errants, ces chiens perdus qui sont les frères de tous les errants humains, des marginaux, ces«éclopés de la vie» que célèbre le poète dans le Spleen de Paris).

L'animal est décidément bien difficile à étudier ou à aimer indépendamment des hommes... En lui en effet viennent se concentrer tous les fantasmes, toutes les obsessions des hommes.

Aimer les animaux,trop souvent, c'est se refuser à aimer les hommes, tout simplement, bien au-delà du simple désir d'éduquer, demodeler à sa guise un «presque-semblable» à soi, il y a plutôt le désir de fuir l'humain, qui déçoit, pour se réfugierauprès d'un être vivant chaleureux qui vous apporte, au moins le croit-on, amour, tendresse, douceur et gratitude.Peu importe après tout que cela ne soit qu'une illusion : l'essentiel, c'est le réconfort que la présence animale. »

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