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L'antisémitisme de Céline

Publié le 16/09/2018

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 l'antisémitisme sous la forme antidreyfusarde. Comme sans doute beaucoup de racistes, il va attribuer au Juif, défini ainsi que nous venons de le dire, la faute qu'il craint de trouver en lui-même.

 

Peut-être alors a-t-il suffit que se marie sa compagne, Éi-sabeth Craig, avec un agent immobilier juif pour que reprenne tout son sens haineux ce mot de « Juif » qui sommeillait en lui, synonyme seulement d'une certaine étrangeté et détonateur de passion et de violences. Dès lors sont Juifs tous ceux que n'accable pas la condition misérable des petits bourgeois, des ouvriers et des paysans. Sont Juifs les patrons, les banquiers, les ministres, les puissants de ce monde, c'est-à-dire les Anglo-Saxons quels qu'ils soient, les dirigeants communistes de l'URSS, Pierre Laval à Sigmaringen et peut-être le maréchal Pétain. Pour faire bonne mesure, sont Juifs pour Céline tous ceux qu'il craint, les Noirs, les Jaunes, ou tous ceux qu'il n'aime pas, Racine, Stendhal. Les antisémites ont été ahuris par ce que Céline entendait par le mot << Juif >>, et Gide a cru que Bagatelles pour un massacre était destiné à combattre le racisme par le ridicule. Il faut espérer que la lecture des pamphlets antisémites de Céline est aujourd'hui encore, malgré tout, sans danger.

■ L'ORDRE DU MONDE

 

En fin de compte, des êtres comme ceux auxquels Céline donnera le nom de << Juifs >> après Mort à crédit sont nécessaires dans le système de l'univers tel qu'il le conçoit, lorsqu'il philosophe, c'est-à-dire lorsqu'il veut être autre chose que romancier. Les gens que le D' Destouches voit autour de lui, ceux parmi lesquels il vit, ses semblables, se débattent dans un monde chaotique et absurde ; ils ne connaissent rien d'autre. Or, notre homme ne peut pas croire que le désordre apparent du milieu humain soit un désordre réel et profond. N'a-t-il pas eu le courage d'affronter cette idée désespérante ? Il est resté fidèle à, disons, la métaphysique du catéchisme : une intelligence cachée régit le monde. Il se persuade que la condition des pauvres n'est faite que de malheur et de souffrance. Or, si l'univers était pur désordre, tout pourrait arriver, même la joie et le bonheur. Si au contraire nous

« beaucoup d'in dices de cette obsessi on.

Jusqu' à sa mo rt, Cél ine a ré pété, nous le verrons, qu'il était solida ire des autres homm es et qu'i l par tageai t le ur s malh eurs, avec d'autant plus de véhémence que sur quatre années de gue rre il n' avai t été engagé que troi s mo is.

LE SENS D'UN MOT LE MO T « JU IF » C' est ici que nous rencont rons la définition du mot « Juif », expl icite ou implicite, sur laquelle s'était fondé e nécessa ire­ ment la campagne antidre yfu sarde.

L'af faire Dr eyfus commence l'année même de la nai ssance de Loui s-Ferdinand et ne prendra fin qu'e n 19 06.

Autant dire que tous les jours de son enfance, Céline a entendu parler des Juifs -et Dieu sait en quels termes -par son père.

Le petit garçon n'a pas pu ne pas être pers uadé que les Juifs sont des Franç ais qui for ment un groupe spécial.

En soi cette conv iction, si elle ne s'a ccompagne d'aucune hostilité, n'est pas l'antis émit isme, tout en étant la por te ouv erte à l' ant isé­ mit isme.

Il y a lieu de croire que Céline en est resté longtemps à cette inter prétat ion du mot «Juif» .

Mais les antidreyfusar ds ne s'en tenaient pas là.

Ils jus ti­ fi ai ent leur opinion à peu près ains i : Dreyfus a trahi parce qu' il était Juif, c'est- à-dire un homme qui peut sans doute pren­ dr e sa par t des bienfaits de la société -il ser ait bien sot de ne pas en profi ter -mais qui, par une dispos ition congén i­ ta le, est incap able de prendre part aux malheurs et aux pei­ nes du reste de la nat ion.

Si l'on n'adm ettai t pas cette défini­ ti on du Juif, Dreyfus n'était pas coupable, et il étai t néces­ sa ire qu'il le fût pour sauver l'honneu r des juges mi litaires.

Loui s Dest ouches, réform é, dégagé de toute obligation enve rs l'armée en 1916 pendant la batai lle de Verdun, se sent tr op mal à l'aise d' êtr e ho rs de dan ger pour ne pas prendre en horreur ceux qui, sans les excuses qu'il a, ont tiré leur ép in­ gle du jeu.

Après tout, si Bard amu, sur l'Ami ral Bragueton, avai t ré ellement été un embusqué, les passage rs auraient eu ra ison aux yeux de Céline de le lyncher.

Pa radoxalement, c'est en méditant sur la situat ion de Bard amu à bor d du paque bot qu i l'emm ène en Afri que que Céline s'app rête à redécou-. »

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