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L'apologie de la foi dans le DOM JUAN de Molière

Publié le 22/02/2012

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Il faut croire que Molière avait suffisamment pris ses distances avec son personnage pour qu'on ne lui imputât point une malicieuse connivence avec les idées scandaleuses qu'il lui prêtait. Dom Juan était peint sous des couleurs trop noires pour que l'on pût s'y méprendre. Loin de faire d'un pareil bougre son porte-parole, Molière l'avait portraituré ainsi pour mieux le désigner au bourreau. Si fiction il y avait, déguisant des arrière-pensées plus troubles, elle était assez cohérente pour qu'on s'y laissât prendre et que l'on mît sur le compte de la malveillance la campagne de dénigrement lancée par les dévots. En dépit des accidents de parcours, l'histoire de Dom Juan racontée par Molière se présentait dans ses grandes lignes comme une apologie de la foi : elle exposait dans une succession croissante les crimes de l'impie pour culminer sur son châtiment exemplaire.
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« Molière a confronté deux systèmes de force inégale, comme ils l'étaient de son temps, mais également intolérants,également figés dans une logique de domination.

Ces deux discours d'exclusion, en se niant réciproquement, sedévoilent.Si l'on estime que l'auteur n'est ni d'un côté ni de l'autre des protagonistes de cette lutte obstinée, le discours de lafoi, au lieu d'apparaître comme l'affirmation sans appel d'une doctrine, se révèle une composante d'un ensemble dontle sens n'est pas donné a priori, mais se construit à travers un questionnement qui se creuse.Pourtant cette direction, pas plus qu'une autre, n'est à écarter, en tant que possibilité interprétative qui dépassel'enjeu théâtral du texte ou l'enjeu circonstanciel de cette représentation problématique, aventureuse, audacieusede ce 15 février 1665, une possibilité qui porte sur le sens à donner à la condition humaine.Dom Juan s'enferme dans un parti pris marqué par les limites de la vie individuelle.

Dom Juan n'est pas inconstant, ilest fidèle, fidèle à son inconstance, si l'on veut, fidèle par l'exigence de vérité, par refus du mensonge qu'il décèledans la durée, dans la répétition, dans l'habitude.

Dom Juan est cruel par lucidité.

Il défie bravement ce qu'ilconsidère comme les illusions de la foi.Mais il se heurte de toutes parts à des obstacles qui le renvoient à un aveuglement, à un enfermement beaucoupplus pervers que ceux qu'il dénonce.L'évidence qu'il refuse n'est pas celle du pouvoir supérieur, d'un ordre général auxquels il doit se soumettre, elle estcelle de sa propre vérité existentielle, celle de sa solitude, qu'il tente de conjurer en se projetant dans une ébaucheimparfaite de double, Sganarelle.Dom Juan fait le pari de chercher l'absolu dans l'instant et il ne trouve que le néant.

Ainsi, même si l'on admet que lamise à mort de Dom Juan n'est que la mise en scène carnavalesque de la superstition, la représentation scéniqued'un théâtre mental, Dom Juan par ses échecs, par la déperdition progressive de ses chances, révèle a contrariol'existence objective d'une sphère spirituelle, d'un ordre cosmique qui trouve son plus juste reflet dans l'intérioritéd'Elvire.L'erreur de Dom Juan est de ne se fier qu'aux apparences.

Maître des discours, maître des masques, il triomphe dansles instances humaines, mais s'effondre devant le seul règne qui compte, celui de la vérité intérieure.

Ce granddémystificateur est le plus grand mystifié, car il ne s'accroche qu'à des certitudes palpables et ne récolte que duvent.

Telle pourrait être la leçon de ce texte qui en entrechoquant les langages les plus divers, en jouant avec les signes,découvre leur vanité essentielle.La difficulté de distinguer, par leur seule expression, la Causse dévotion de la vraie ouvre alors sur une perspectivequi dépasse largement le propos satirique.Il s'ensuit que tout est possible au comédien; sa capacité de jouer tous les rôles démontre par là même son videexistentiel.

Dom Juan joue à aimer, à croire, à vivre, mais, tout puissant au royaume des images et des mots, ils'anéantit dès qu'il se retourne vers soi, dès qu'il s'arrête pour s'interroger sur son identité.

Comme tous les joueurs,comme tous les imposteurs, Dom Juan n'existe pas, il est une représentation sans référent, un corps sanssubstance.Le paradoxe de Dom Juan de Molière, cette comédie absolue, de même que le Dom Juan de Mozart est l'opéraabsolu, est, en parvenant à la limite du jeu théâtral, de basculer dans l'abîme.

En faisant éclater la tricherie desapparences, le paradoxe du théâtre aborde à la seule rive stable, la seule terre ferme, celle du mystère qui nousentoure et nous déborde de toutes parts et qui est notre vraie patrie, notre sol nourricier.Dom Juan nous dit que les images, les mots dont on peut jouer à l'infini ne commencent à vivre que lorsqu'ilscommuniquent avec cette réalité mouvante, certes, et toujours ouverte, mais solide, permanente et en constanteexpansion, qui, d'un côté, donne sur notre microcosme intérieur, et de l'autre, plonge sur l'univers infini.Cette réalité double n'est pas celle du ciel de carton qui châtie Dom Juan, elle est celle d'un Ciel invisible, ce Cielintérieur qui nous détermine, nous situe et qui n'existe pourtant que par nous.. »

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