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Le christianisme dans la Chute de Camus

Publié le 10/01/2020

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Plus perverse est son affirmation suivant laquelle, puisqu'il est impossible d'établir l'innocence de quiconque, « chaque homme témoigne du crime de tous les autres » (p. 116). C'est considérer de manière purement négative la doctrine chrétienne de la réversibilité, en vertu de laquelle sont appliqués à tous les fidèles les mérites obtenus par les saints grâce à la communion qui existe entre les membres de l'Église, corps mystique de Jésus-Christ.

Blasphème aussi, à coup sûr, même s'il relève surtout de l'impertinence verbale, l'usage que Ciamence fait de son surnom de Jean-Baptiste

dans ses Carnets : « Mauriac. Preuve admirable de la puissance de sa religion : il arrive à la charité sans passer par la générosité. Il a tort de me renvoyer sans cesse à l'angoisse du Christ. Il me semble que j'en ai un plus grand respect que lui, ne m'étant jamais cru autorisé à exposer le supplice de mon sauveur, deux fois la semaine, à la première page d'un journal de banquiers. »1

«Si quelqu'un peut exiger quelque chose du chrétien, c'est le chrétien lui-même », a dit un jour Camus1 2. Se mettant en contradiction avec lui-même, il n’a pu s'empêcher, lui qui n'était « pas chrétien pour un sou », de faire la leçon aux chrétiens. Clamence n'est pas plus chrétien que lui. Mais il donne l'impression de faire, lui aussi, la leçon aux chrétiens.

Vrais ou faux noms de Clamence

Clamence, comme Camus, est un «ami» du Christ, mais ne croit pas à sa divinité. On lui trouve pourtant, vis-à-vis du christianisme, une attitude de dérision qui n'a jamais été celle de Camus. Le nom qu'il s'est choisi3 ressemble déjà à un défi. En effet, alors que son saint patron Jean-Baptiste s'était servi de l'eau pour baptiser le Christ, elle est pour lui l'instrument de sa chute (il a laissé s'y noyer une jeune femme et l'a refusée à un compagnon de captivité).

A-t-il vraiment été « pape » dans le camp de prisonniers ? Nous ne pouvons le savoir. Qu'il l'ait porté ou qu'il l'ait inventé, ce titre lui sert à parfaire son rôle de provocateur vis-à-vis des fidèles du véritable Saint-Père. Et pourtant, un passage des Carnets de Camus (novembre 1954) prouve le caractère ambigu de cette provocation : « Les prisonniers d'un camp de concentration élisent un pape, le choisissant parmi ceux d'entre eux qui ont le plus souffert, ils renient l'autre, le Romain, qui vit dans le luxueux Vatican. »

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« J'admire la façon dont il a vécu, dont il est mort.

Mon manque d'imagination m' inte rdit de le suivre plus loin.

Voilà, entre parenthèses, mon seul point commun avec ce Jean-Baptiste Clamence auquel on s'obstine à vou loir m'identifier.» 1 --· CL AM EN CE ENT RE LES ÉVAN GI LES ET SAT AN L' « ami » du Christ Les protestations d'ami tié pour le Christ se font chez Clamen ce insista ntes: «Je l'aime, mon am i, qui est mort sans savoir» (p.

1201 et encore : «If n'en demanda it pas tant, mon ami» (p.

121 ).

Elles peuvent être jugées irres­ pectueuses : le Christ appelle l'amour et la vénération, non les sentimen ts amicaux qu 'on cons ent à un homme ordi­ naire.

Nous n'avons aucune raison de met tre en doute ce que Camus dit de son personnage : Clamence ne croit pas à la divinité du Christ.

Un siècle plus tôt, dans sa Vie de Jésus (1863), Ernest Renan avait, de façon un peu compa­ rable, montré sa sympathie pour le premier des Chrétiens, concluant ainsi son ouvrage : «Tous les siècles proclame­ ront qu'entre les fils des hommes, il n'en est pas né de plus grand que Jésus .» Mais, parce qu 'il niait fa divinité de son héros, Renan vit son ouvrage mis à l'ind ex : les autori­ tés pon tificales jugèrent cette sympathie tout huma ine plus dangereuse qu'une hostilité déclarée.

Sans doute Clamence n'est -il pas chrétien; ma is son amitié affichée pour le Christ pourrait s'interpréter comme le signe d'un esprit exigeant, déçu par les chrétiens; levant les yeux trop haut, ceux-ci ont parfo is tendance à vo ir dans le Christ le fils de Dieu, ma is à oublier le fils de l'homme .

Camus lui-même montra ce genre d'exigenc e.

Quand Clamence dit : «Trop de gens ont décidé de se pas­ ser de fa générosité pour pra tiquer la charité 11 (p.

121 ), il fait exactement écho à ce que Camus écrivait en 1951 1.

Interview donnée au Monde.

31 août 1956, reprod uite dans Théât re, récits ..

., Pléiade, p.

1881.. »

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