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Le déjeuner sur l'herbe - Une partie de campagne de Maupassant

Publié le 14/09/2018

Extrait du document

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" C'est prêt ", dit la servante qui apparut à l'entrée. On se précipita ; mais voilà qu'à la meilleure place, qu'en son esprit Mme Dufour avait choisie pour s'installer, deux jeunes gens déjeunaient déjà. C'étaient les propriétaires des yoles, sans doute, car ils portaient le costume des canotiers. Ils étaient étendus sur des chaises, presque couchés. Ils avaient la face noircie par le soleil et la poitrine couverte seulement d'un mince maillot de coton blanc qui laissait passer leurs bras nus, robustes comme ceux des forgerons. C'étaient deux solides gaillards, posant beaucoup pour la vigueur, mais qui montraient en tous leurs mouvements cette grâce élastique des membres qu'on acquiert par l'exercice, si différente de la déformation qu'imprime à l'ouvrier l'effort pénible, toujours le même. Ils échangèrent rapidement un sourire en voyant la mère, puis un regard en apercevant la fille. "Donnons notre place, dit l'un, ça nous fera faire connaissance. " L'autre aussitôt se leva et, tenant à la main sa toque mi-partie rouge et mi-partie noire, il offrit chevaleresquement de céder aux dames le seul endroit du jardin où ne tombât point le soleil. On accepta en se confondant en excuses ; et pour que ce fût plus champêtre, la famille s'installa sur l'herbe sans table ni sièges.

COMMENTAIRE GÉNÉRAL

Action : la mise en place du piège

 

L’entrée en scène des canotiers constitue la force transformatrice qui déclenche la dynamique du récit. Sans leur intervention, Mlle Dufour et sa mère ne connaîtraient que les plaisirs habituels et convenus d'une partie de campagne, et cette journée n'aurait dans leur vie aucun retentissement. Le récit tiendrait alors davantage de la chronique que de la nouvelle.

 

Cette deuxième séquence narrative correspond à une unité temporelle : le déjeuner sur l'herbe, but originel de la partie de campagne. Elle est par ailleurs bornée par deux événements marquants qui modifient le cours de la journée : la rencontre des canotiers et la formation des deux couples sous le prétexte d'une promenade en bateau.

la rencontre des canotiers (le déjeuner sur l'herbe).

de << \" C' est prêt\" >> à << sans table ni sièges >> .

<< Les deux jeunes gens >> à << des étendards >> .

<< Cependant >> à << en s'éloignant >> .

Au moment de passer à table, Mme Dufour est contrariée de voir que la place ombragée qu'elle comptait occuper a été prise par deux canotiers. Ceux-ci, qui ont repéré la jeune fille, s'éloignent galamment de quelques pas afin d'engager la conversation. Leurs visages bronzés, leurs corps musclés et l'évocation de leurs exploits suscitent l'intérêt de la mère, puis de la fille. M. Dufour se renfrogne; l'apprenti, lui, mange et boit sans discontinuer. Toute la famille, gagnée par une douce ivresse, perd peu à peu son maintien convenable: on se déboutonne, on pousse son couplet, les hommes, franchement gris, grotesques, s'essayent à la gymnastique.

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« Après la longue séquence de préparation destinée à esquis­ ser les personnages et l'atmosphère dans laquelle ils vivent, la progression de l'action est donc rapide : le repas , la chaleur et les canotiers produisent des effets convergents, les Dufour sont tombés dans un véritab le piège dont le narra­ teur décrit le fonctionnement attendu.

Narration: le traitement des personnages Le narrateur prend soin de souligner la vraisemblance de l'histoi re.

Les Dufour ayant choisi de déjeuner au bord de l' eau («pour que ce fût plus champêtre >>), il est normal qu'ils rencont rent les canotiers dans cette auberge qui leur sert de port d'attache.

Longuement décrite dans 5A, la beauté de la jeune fille, la seule donnée qui puisse paraître due au hasard, est maintenant bien admise du lecteur qui ne peut que trou­ ver natu rel l'intérêt immédiat qu'elle suscite chez deux « solides gaillards >> tou jours à la recherche d'aventures spor­ tives et amoureuses.

Ceux-ci disposent d'un prétexte pour engager la conversa tion, ils n'ont plus qu'à faire valoir leurs avantages auprès des femmes, la comparaison avec les deux petits-bourgeois qui les accompagnent leur étant évidemment très favorable, surtout dans le cadre de cette auberge.

Le comportement des différents membres de la famille étant en tous points conforme aux qualifica tions qui leur ont été attri­ buées, le narrateur peut se contenter, la plupa rt du temps, de rapporter leurs actes et leurs paroles.

Montrer Mme Dufour congestionnée dans son corset, la grand-mère raidie dans une dignité affectée, M.

Dufour et son apprenti lamentablement pendus aux agrés, c'est prolonger et même accentuer la satire des petits-bourgeois commencée dès les premières lignes.

L'intention satirique est sensible également dans le rapide portrait initial des canotiers.

Le narrateur entend en outre dévoiler toutes les petites ruses auxquelles les personnages ont recours , consciemment ou non.

À plusieu rs reprises il précise leurs mobiles ou leurs senti­ ments secrets, commente leurs réactio ns, tout en recourant à des modalisateurs* qui marquent le refus de la vision omni­ sciente.

C'est surtout vrai pour la jeune fille: l'a pplication du narrateur à traquer les indices de son trouble croissant (visage >, >) montre qu'elle bénéficie d' lill traite ment particulier qui la constitue peu à peu en héroïne. »

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