Le derviche dans Candide de Voltaire
Publié le 13/09/2015
Extrait du document

« Le genre humain est semblable à une foule de voyageurs qui se trouvent dans un vaisseau ; ceux-ci sont à la poupe, d’autres à la proue, plusieurs à fond de cale, et dans la sentine. Le vaisseau fait eau de tous côtés, l’orage est continuel : misérables passagers qui seront tous engloutis ! faut-il qu’au lieu de nous porter les uns aux autres les secours nécessaires qui adouciraient le passage, nous rendions notre navigation affreuse! Mais celui-ci est nestorien, cet autre est juif ; en voilà un qui croit à un Picard, un autre à un natif d’Islèbe ; ici est une famille d’ignicoles, là sont des musulmans, à quatre pas voilà des anabaptistes. Hé ! qu’importent leurs sectes ? Il faut qu’ils travaillent tous à calfater le vaisseau, et que chacun, en assurant la vie de son voisin pour quelques moments, assure la sienne ; mais ils se querellent, et ils périssent. »
« Direz-vous, en voyant cet amas de victimes :
“Dieu est vengé, leur mort est le prix de leur crime” ?
Quel crime, quelle faute ont commis ces enfants
Sur le sein maternel écrasés et sanglants ? »
« Mais les enfants, qu’en ferai-je ? Je ne peux résoudre cette question. Si tous doivent souffrir afin de concourir par leur souffrance à l’harmonie éternelle, quel est le rôle des enfants ? On ne comprend pas pourquoi ils devraient souffrir, eux aussi, au nom de l’harmonie. [..]
Et si la souffrance des enfants sert à parfaire la somme des douleurs nécessaires à l’acquisition de la vérité, j’affirme d’ores et déjà que cette vérité ne vaut pas un tel prix.
[...]
Je préfère garder mes souffrances non rachetées et mon indignation persistante, même si j’avais tort\ D’ailleurs, on a surfait cette harmonie ; l’entrée coûte trop cher pour nous. J’aime mieux rendre mon billet d’entrée. En honnête homme, je suis même tenu à le rendre au plus tôt. C’est ce que je fais. Je ne refuse pas d’admettre Dieu, mais très respectueusement je lui rends mon billet. »

«
«prévoir», «pourvoir».
Celui qui croit à la Provi
dence pense qu'il existe une puissance tutélaire sou
cieuse du destin des hommes et qui s'occupe du détail
de leur existence.
Quand Bossuet, homme d'Eglise du
xvne siècle, écrit l'histoire, il lui arrive d'expliquer tel
ou tel événement par l'intervention de la Providence.
Telle bataille a été gagnée parce que Dieu
l'a voulu
ainsi.
Voltaire trouve ce type d'explication dérisoire.
Il
s'en moque d'ailleurs dans Candide, dans l'un des cha
pitres consacrés à la guerre.
Après des combats qui ont
fait des milliers de morts dans chaque camp,
les deux
armées vont, chacune de son côté, chanter
les louanges
d'un même Dieu.
Voltaire admet que Dieu a créé
le monde et qu'il lui a
donné une direction.
Mais la Terre n'est
qu'un« atome
de
boue» perdu dans un immense univers.
Quand
l'homme croit que
le créateur de cet univers immense
s'intéresse à ses petits problèmes,
il fait preuve d'infan
tilisme.
Il prend ses désirs pour des réalités et commet
le péché d'anthropomorphisme puisqu'il ne peut ima
giner Dieu
qu'à son image.
Croire, comme
le faisaient les catholiques, que chaque
individu est toujours accompagné de son
« ange gar
dien
)) correspond pour Voltaire à une conception naïve
de la marche de l'univers.
Le monde n'est pas régi par
une volonté ou par des volontés, mais
par des lois
immuables.
Dieu s'est contenté de donner l'impulsion
première et une direction, comme
le Sultan qui envoie
un bateau de blé en Egypte.
Pour Voltaire, Dieu n'est
pas mort, mais
il est loin.
Comme
le derviche, Voltaire pense qu'il est vain de rai
sonner sur
le mal car toutes les discussions de ce type
débouchent sur une impasse déjà mise en évidence
par
Epicure quatre siècles avant Jésus-Christ: ou bien Dieu
est bon et l'existence du mal sur la terre montre qu'il
n'est pas tout-puissant, ou bien
il est tout-puissant et.
»
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