Devoir de Philosophie

Le devoir dans Le Rouge et le Noir

Publié le 25/08/2012

Extrait du document

Le sens du devoir provoque une sorte de dédoublement de la personnalité chez ces deux personnages. Déjà on évoquait tout à l’heure les tiraillements intérieurs de Mme de Rênal, prise entre son amour pour Julien et le devoir marital et religieux qu’elle ressentait. Mais lors de l’intrigue entre Mathilde et Julien, ce sentiment est poussé à son comble. Ainsi, la métaphore du tigre qui inaugure le chapitre XXXII éclaire leur comportement : « Un voyageur anglais raconte l’intimité où il vivait avec un tigre ; il l’avait élevé et le caressait, mais toujours sur sa table tenait un pistolet armé « (p.433). En effet, Julien, qui a bien compris qu’il ne fallait s’abandonner pleinement à son amour face à Mathilde, de crainte de lui sembler trop accessible et par là peu intéressant, est constamment dans un rôle schizophrénique : ainsi l’épisode du berceau de chèvrefeuille dans le jardin de l’hôtel de La Mole. Julien se promenant dans le jardin avec Mathilde passe dans ce lieu qui était synonyme de son malheur, y pleurant auparavant assez souvent son amour. « Le contraste du désespoir passé et de la félicité présente fut trop fort pour son caractère « (p.430), aussi se laisse-t-il aller à avouer son abattement d’alors. « Que fais-je, grand Dieu !(…) Je me perds « (p.431) se dit-il à l’instant, avant de revenir cruellement sur ses propos ; « Je mens, dit Julien avec humeur. (…) Je les ai composées (ces phrases) pour une femme qui m’aimait et qui m’ennuyait «. De même, juste auparavant,

« Le personnage le plus rebuté par le conformisme de la société est bien-sûr Mathilde.

Ainsi, son choix d’épouser Julien et non M.

de Croisenois, ou un autreprétendant de haut-rang (« La crainte de mal faire et de heurter les idées tenus pour sacrées par les Caylus, les de Luz, les Croisenois, avait assez peu d’empire surson âme ; de tels êtres ne semblaient pas faits pour la comprendre » p.332).

Néanmoins, la crainte du déshonneur est réellement présente dans ses pensées auxpremiers moments de ses émois : « Elle écrivait la première (quel mot terrible) à un homme placé dans les derniers rangs de la société.

Cette circonstance assurait, encas de découverte, un déshonneur eternel.

» (p.334) Le devoir est absolument fondateur de la relation qu’entretiennent Julien et Mathilde.

On remarquera d’abord qu’en amour, dès sa relation avec Mme de Rênal,Julien Sorel est bien plus stratège que fleur bleue.

Tout commence avec la main de cette femme qu’il ose toucher dans la pénombre du jardin de Vergy et qu’elleretire bien vite.

Julien pense alors « qu’il [est] de son devoir d’obtenir que l’on ne retirât pas cette main quand il la touchait.

Cette idée de devoir « [éloigne] sur-le-champ tout plaisir de son cœur » (p.60), mais lorsqu’il y parvient, Julien est transporté à l’idée d’avoir accompli « son devoir, et un devoir héroïque » (p.62).

Mais ledevoir prend une place bien plus importante encore dans la relation qui le lie à Mathilde.

Lorsqu’elle se livre pour la première fois, elle « [croit] remplir un devoirenvers elle-même et envers son amant.

Le pauvre garçon, se disait-elle, a été d’une bravoure achevée, il doit être heureux, ou bien c’est moi qui manque decaractère » (p.346).

La fin de la scène insiste encore ainsi sur cette notion : « s’il n’y avait rien de tendre dans son âme, c’est que, quelque étrange que ce mot puisseparaître, Mathilde, dans toute sa conduite avec lui, avait accompli un devoir.

» (p.347).

C’est la sensation de ce devoir accompli qui rebute d’ailleurs Mathilde dès lelendemain, et lorsqu’ils se brouillent et qu’il lui promet de tenir cet épisode pour secret, « il [accomplit] sans trop de peine ce qu’il [croit] être un devoir » (p.350).Julien, par la suite, se fera encore une fois un devoir de la reconquérir, suivant même à la lettre le plan que lui indique son ami Korasoff, qui est de manifester del’intérêt pour une autre : «C’était pour accomplir le plus pénible des devoirs qu’il paraissait chaque jour dans le salon de la maréchale.

Ses efforts pour jouer un rôleachevaient d’ôter toute force de son âme » (p.418).

Lorsque ceci réussit, Julien s’efforce absolument de ne pas trop se livrer à cette fille qu’il croit tant aimer : « Ils’acquittait avec exactitude du devoir de lui dire de temps à autre quelque mot dur » (p.433).

Enfin, attendant la mort, tandis que Mathilde s’efforce de courir toutBesançon pour le sauver, Julien, délivré de tout devoir envers elle, perd tout l’intérêt qu’elle lui causait, tandis que l’amour de Mathilde décuple tant son devoirdevient impossible à réaliser : « son malaise moral, auprès de Mathilde, était d’autant plus décidé, qu’il lui inspirait en ce moment la passion la plus extraordinaire etla plus folle.

Elle ne parlait que de sacrifices étranges qu’elle voulait faire pour le sauver » (p.470).

C’est donc le devoir, presque, qui distribue l’amour dans larelation qu’entretiennent Mathilde et Julien.Le sens du devoir provoque une sorte de dédoublement de la personnalité chez ces deux personnages.

Déjà on évoquait tout à l’heure les tiraillements intérieurs deMme de Rênal, prise entre son amour pour Julien et le devoir marital et religieux qu’elle ressentait.

Mais lors de l’intrigue entre Mathilde et Julien, ce sentiment estpoussé à son comble.

Ainsi, la métaphore du tigre qui inaugure le chapitre XXXII éclaire leur comportement : « Un voyageur anglais raconte l’intimité où il vivaitavec un tigre ; il l’avait élevé et le caressait, mais toujours sur sa table tenait un pistolet armé » (p.433).

En effet, Julien, qui a bien compris qu’il ne fallaits’abandonner pleinement à son amour face à Mathilde, de crainte de lui sembler trop accessible et par là peu intéressant, est constamment dans un rôleschizophrénique : ainsi l’épisode du berceau de chèvrefeuille dans le jardin de l’hôtel de La Mole.

Julien se promenant dans le jardin avec Mathilde passe dans ce lieuqui était synonyme de son malheur, y pleurant auparavant assez souvent son amour.

« Le contraste du désespoir passé et de la félicité présente fut trop fort pour soncaractère » (p.430), aussi se laisse-t-il aller à avouer son abattement d’alors.

« Que fais-je, grand Dieu !(…) Je me perds » (p.431) se dit-il à l’instant, avant derevenir cruellement sur ses propos ; « Je mens, dit Julien avec humeur.

(…) Je les ai composées (ces phrases) pour une femme qui m’aimait et qui m’ennuyait ».

Demême, juste auparavant, lorsque Julien embrasse sa bien-aimée, « à l’instant la main de fer du devoir saisit son cœur (…) et, avant de quitter ses bras, il avait repristoute la dignité qui convient à un homme.

» (p.430).

Cette dualité de comportement se remarque aussi par des débats intérieurs.

Dans cette scène par exemple, Julienreste de marbre devant Mathilde qui lui propose de l’enlever.

« Pouvez-vous répondre à vous-même que vous m’aimerez huit jours ? (Ah ! qu’elle m’aime huit jours,huit jours seulement, se disait tout bas Julien, et j’en mourrai de bonheur.) ».

Auparavant, les sentiments de Mathilde ne cessent d’alterner de jour en jour : tantôt ellese coupe une masse de cheveux pour marquer sa servitude auprès de Julien (« Voilà ce que t’envoie ta servante (…) c’est le signe d’une reconnaissance éternelle »(p.365), tandis que le surlendemain l’usage lui rappelle son devoir de ne pas livrer son cœur si vite, d’autant plus à une personne de sang si peu noble.

Ainsi pousse-t-elle Julien à la folie lorsqu’elle lui dit en sanglot : « j’ai horreur de m’être livrée au premier venu, dit Mathilde en pleurant de rage contre-elle-même » (p.351).

Enfin,le sentiment d’un devoir envers Mathilde s’estompera en prison : « Elle se perd pour moi, et c’est ainsi que je l’en récompense ! Serais-je donc un méchant ? »(p.471) se dit-il lorsqu’il remarque ainsi que ses sentiments s’amenuisent. Ainsi, le devoir est un thème, si ce n’est structurant le roman, au moins absolument clé de l’intrigue.

D’abord envers soi-même, notamment chez les personnages deMathilde et Julien, mais aussi dicté par la société, celle-ci obligeant tous les protagonistes à s’y conformer, et enfin organisant la relation intime qu’entretiennentJulien et Mlle de La Mole.

Il serait intéressant de se pencher sur d’autres thèmes qui me paraissent comme charpentes du roman, par exemple la dualité, despersonnages, avec l’opposition des deux maîtresses, des deux protecteurs, ainsi que celle à l’intérieur de l’âme de Julien, pris entre l’ambition et l’amour, etl’organisation du roman en deux parties équilibrées.. »

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