Le Devoir Dans Le Rouge Et Le Noir
Publié le 21/01/2013
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devient impossible à réaliser : « son malaise moral, auprès de Mathilde, était d’autant plus décidé, qu’il lui
inspirait en ce moment la passion la plus extraordinaire et la plus folle. Elle ne parlait que de sacrifices
étranges qu’elle voulait faire pour le sauver « (p.470). C’est donc le devoir, presque, qui distribue l’amour
dans la relation qu’entretiennent Mathilde et Julien.
Le sens du devoir provoque une sorte de dédoublement de la personnalité chez ces deux personnages.
Déjà on évoquait tout à l’heure les tiraillements intérieurs de Mme de Rênal, prise entre son amour pour
Julien et le devoir marital et religieux qu’elle ressentait. Mais lors de l’intrigue entre Mathilde et Julien, ce
sentiment est poussé à son comble. Ainsi, la métaphore du tigre qui inaugure le chapitre XXXII éclaire
leur comportement : « Un voyageur anglais raconte l’intimité où il vivait avec un tigre ; il l’avait élevé et le
caressait, mais toujours sur sa table tenait un pistolet armé « (p.433). En effet, Julien, qui a bien compris
qu’il ne fallait s’abandonner pleinement à son amour face à Mathilde, de crainte de lui sembler trop
accessible et par là peu intéressant, est constamment dans un rôle schizophrénique : ainsi l’épisode du
berceau de chèvrefeuille dans le jardin de l’hôtel de La Mole. Julien se promenant dans
«
parvenir à ses fins de se conformer à la société qui l’entoure, on remarque qu’il se fait également un
devoir d’intégrité morale envers ses propres valeurs.
Ainsi, lorsqu’il rend pour la première fois visite à son
ami Fouqué, et que celui-ci lui propose de s’associer, Julien sait qu’il pourrait y gagner de l’argent pour,
au bout de quelques années, partir et mettre ses plans à exécution, mais il comprend que son ami
attendrait de lui qu’il ne le quitte jamais.
Julien s’écrie alors « « Tromperai-je mon ami » (…) Cet être,
dont l’hypocrisie et l’absence de toute sympathie étaient les moyens ordinaires de salut, ne put cette fois
supporter l’idée du plus petit manque de délicatesse envers un homme qui l’aimait.
»
(p.79).
De même, lorsqu’il s’imagine tuer Mathilde à la suite d’un refus, sa première pensée vient pour le
marquis de La Mole : « Je tuerais sa fille ! se dit-il, quelle horreur ! ».
Auparavant, lors de son exil de
Vergy destiné à faire disparaître tout soupçon du cœur de M.
de Rênal, Julien, de retour donc à Verrières,
dine chez les Valenod, mais, à la pensée des détenus mitoyens se dit « « ils ont faim peut -être en ce
moment »(…) ; sa gorge se serra, il lui fut impossible de manger et presque de parler » (p.142).
Et
quelques instants à peine après, lorsque son hôte lui déclare « j’ai fait imposer silence aux gueux » en
parlant d’un des prisonniers qui chantait, alors c’est « la conscience de Julien » qui parle en ces mots :
« Voilà…la sale fortune à laquelle tu parviendras… tu donneras à diner avec l’argent que tu auras volé…
et pendant le diner [le détenu] sera encore plus malheureux !».
En sortant il s’écriera « Ah ! canaille !
canaille ! » (…) à voix basse trois ou quatre fois de suite (p.144).
Julien reste donc fidèle à ses valeurs de
plébéien, comme il aime se nommer plusieurs fois.
Ainsi, lorsque le marquis de La Mole lui concède de
l’argent, il envoie alors cinq cent francs au vieil abbé Chélan, à qui il «prie de distribuer sans bruit, ni
mention aucune de [son] nom, aux malheureux pauvres
maintenant comme [il] le [fut] autrefois » (p.450).
Enfin, lors de son procès, Julien « se sentit enflammé
par l’idée du devoir » pour prendre la parole.
Le devoir du repentir (« Mon crime est atroce, et il fut
prémédité.
J’ai donc mérité la mort » (p.482) et de l’intégrité : « je vois des hommes qui (…) voudront
punir en moi et décourager à jamais cette classe de jeunes gens qui, nés dans une classe inférieure et
en quelque sorte opprimés par la pauvreté, ont le bonheur de se procurer une bonne éducation et
l’audace de se mêler à ce que les gens riches appellent la bonne société » (p.483).
Le devoir est également perçu comme étant dicté par la société.
D’abord le devoir religieux ou encore
marital, notamment avec le personnage de Me de Rênal.
Ainsi celle-ci, qui goûte depuis quelques jours
seulement un bonheur auparavant inconnu d’elle, celui d’aimer encore bien innocemment, comprend
brusquement qu’elle commet une faute aux yeux de la société : « l’affreuse parole, l’adultère, lui apparut
(...) Ces idées voulaient tâcher de ternir l’image tendre et divine qu’elle se faisait de Julien et du bonheur
de l’aimer.
» (p.73).
« Ces idées » sont celles que la religion lui a inculquées, et qu’elle considère comme
un devoir.
Ainsi, « elle n’eût aperçu aucun intervalle entre être coupable aux yeux de Dieu, et
se trouver accablée en public des marques les plus bruyantes du mépris général ».
D’ailleurs, dans les
deux cas, la religion ou la société dicte son comportement ; ainsi, « Mme de Rênal [prend] la résolution
vertueuse de traiter Julien avec une froideur parfaite quand elle le reverrait » (p.74) juste après avoir
ressenti ce tiraillement entre sa volonté et le devoir que lui imposait la morale.
Plus tard, après s’être
donnée à Julien, Mme de Rênal, immédiatement, « se [croit] damnée sans rémission, et [cherche] à se
cacher la vue de l’enfer » (p.91).
De même, c’est la peur d’une vengeance de Dieu via une maladie de
son enfant qui lui fera presque avouer sa faute à son mari (« pour apaiser la colère du Dieu jaloux, il
fallait haïr Julien ou voir mourir son fils » (p117).
Enfin, on apprendra par elle-même que la lettre qu’elle
avait envoyée au marquis de La Mole, et dans laquelle elle blâmait le caractère immoral de Julien « avait
été faite par le jeune prêtre qui dirigeait la conscience de Me de Rênal , et ensuite copiée par elle »
(p.491), juste avant qu’elle ne confesse : « Dès que je te vois, tous les devoirs disparaissent ».
Mathilde
sentira, elle aussi, le devoir marital avant même que son union avec Julien ne soit réellement légitime.
Ainsi l’appelle-t-elle « mon mari » dès qu’elle apprend sa grossesse,.
»
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