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LE DRAME SACRÉ (Polyeucte de Corneille)

Publié le 01/05/2011

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corneille

Après des tâtonnements, Corneille arrive avec Polyeucte à, la tragédie classique parfaitement équilibrée ; la formule que les circonstances ont imposée à son génie donne ici son chef-d'oeuvre. Dans ce cadre, pour des motifs divers que nous aurons à étudier, Corneille verse un drame sacré, Il renouvelait ainsi un genre très ancien qui avait son histoire, sinon ses traditions. Un coup d'œil sur cette histoire ne sera pas inutile pour mieux saisir toute l'originalité de la tentative de Corneille. L'héritage des Mystères et des martyres à la scène était donc à, peu près oublié et perdu en France, quand Corneille, soit qu'il en ait repris l'idée dans la lecture des Espagnols et de ce qu'ils appellent comédies sacrées, soit qu'il ait été mis sur la voie par ces tristes pièces, Le Saül de Du Ryer, ou le Saint Eustache de Baro, qui sont toutes deux de 1639, soit plutôt qu'il n'ait puisé le motif qu'en lui-même, en son génie naïvement religieux et dans ces vagues rumeurs des questions de la Grâce qui grondaient à l'entour, rouvrit soudainement le genre sacré par Polyeucte et chez nous le fonda dans l'art.

corneille

« réalisées, sont plus préoccupés de moraliser que de marcher et d'agir.

Cependant, rien que dans le fait de donnervie à des idées, il y avait un essai de psychologie ; et lorsque les leçons morales étaient tirées d'un grandévénement de l'histoire ou de la légende, la ressemblance s'accusait avec la tragédie antique ; les pièces d'Eschyle,le Prométhée en particulier, ne sont que des moralités dramatiques.

Toutes ces moralités du XVIe siècle, qui nefurent pas atteintes par le décret du Parlement et purent continuer librement à se développer, ont un caractèrereligieux et beaucoup ont un sujet religieux.

La moralité du Mauvais riche et la moralité de l'Enfant prodigue sont lesmodèles du genre.

Le tragique et le comique s'y rencontrent à doses égales ; le tragique touche aux mystères lesplus redoutables de la religion et le comique descend jusqu'aux scènes les plus réalistes de la vie populaire et de ladébauche.

Ces pièces, très populaires, étaient encore jouées avec grand succès au milieu du XVIIe siècle, aumoment où Corneille composait Polyeucte, et le plaisir que la foule y trouvait ressemblait un peu à celui qu'elle allaitchercher au Don Juan de Villiers ou au Don Juan de Molière.La foule goûtait moins les moralités tirées par Marguerite de Navarre de l'enfance du Christ (La Nativité de Jésus-Christ, l'Adoration des trois rois à Jésus-Christ, les Innocents, le Désert).

L'allégorie trop poussée y supprime la vieet les effusions mystiques remplacent l'action.

Mais il y a des délicatesses d'art qui ouvrent la voie à un théâtrelittéraire.Oui dira ce que la tragédie a emprunté à ces genres du Moyen Age qui se survivaient au XVIe siècle et jusqu'aumilieu du XVIIe ? Les questions de filiation et d'influence sont d'autant plus obscures que les grands artistes eux-mêmes ignorent de quels éléments ambiants est faite leur inspiration.

Une atmosphère se constitue qu'on respire etdont on vit, et parce que l'accident qui semble avoir provoqué le chef-d'oeuvre est nettement extérieur à cetteatmosphère, cela ne signifie pas qu'elle soit étrangère à son éclosion.

Les miracles disparus avant 1550, lesMystères et les Moralités religieuses qui ont survécu à la Renaissance, ont fourni à la tragédie sacrée des élémentsqu'il est difficile de trier et d'apprécier mais qui doivent être considérables.

Corneille doit quelque chose à l'esprit denotre théâtre médiéval.Cependant, au XVIe siècle, se constitue une tragédie religieuse indépendante, au moins en apparence, du théâtredu Moyen Age et calquée sur les formes d'art que la Renaissance emprunte à l'antiquité.

Elle est d'abord écrite enlatin par des humanistes, des professeurs, des savants, tout nourris des Grecs et des Romains et qui trouvent dansl'histoire religieuse d'admirables thèmes à développements dramatiques.

Après les pièces prétentieuses et pédantesde Stoa, on signale le Christus Xylonicus de Nicolas Barthélémy, toute une passion en vers classiques dans le moulede la tragédie de Sénèque, curieux assemblage d'art païen et d'esprit chrétien.

Buchanam, avec Baptistes etJephtes, Claude Roillet avec Parus, Aman et Catharina, donnent le modèle de véritables tragédies classiques: unseulépisode ramené à une crise assez brève, des songes, des confidents, des récits d'actions qui se déroulent dans lacoulisse, des choeurs qui commentent les événements et les ramènent aux grandes lois de la Providence divine ; onreconnaît Sénèque et Euripide ; ajoutez-y Plaute et Térence pour certains procédés scéniques et pour certainesscènes familières empruntées à la vie courante, et vous aurez une idée de ce théâtre d'école, écrit sans doute pourdes écoles et avec un but d'édification, mais aussi pour les lettrés qui sont sensibles au charme d'une imitationadroite et à la malice des allusions contemporaines.

Cette tragédie latine eut la vie dure.

Au début du XVIIe siècle,Heinsius écrit son Herodes inianticida, Grotius publie trois tragédies, Adamus exsul, Christus pollens, Sophonipaneas.Corneille avait lu Heinsius et Grotius et il les cite dans son Discours des Trois Unités.

Pendant tout le XVIIe siècle,des pères jésuites s'obstinèrent à écrire en latin des tragédies sacrées que leurs élèves représentaient et quin'étaient pas toutes mauvaises.

A côté du Sanctus Adrianus Martyr du P.

Cellot (163o) et du Procopius martyr du P.Berthelot (1635), on pourrait en citer vingt autres.

Comme Montaigne l'avait fait au XVIe siècle, Corneille, aucollège, dut jouer des rôles dans des tragédies de ce genre.

Il aurait été très capable d'en écrire et nous savonsqu'il lisait les compositions latines de ses anciens maîtres et qu'à l'occasion, il ne dédaignait pas de les traduire.

Iciencore on n'a pas dit et il est impossible de dire quelle fûts l'influence de la tragédie écrite en latin sur la tragédieclassique.La tragédie sacrée, en français, se développe au XVIe siècle parallèlement à la tragédie profane avec plus d'allure etde succès.

Comme la tragédie est assez vide d'action et de matière, les sujets religieux, mieux que les sujetsprofanes, souvent peu accessibles au public, en masquent l'indigence et, à défaut de l'intérêt qui s'attache à lasuite des événements, entretiennent une sorte de tristesse sacrée, atmosphère de gravité ou même de terreur quiest proprement l'atmosphère dramatique.

En fait, les seules tragédies lisibles de la Renaissance — et cela ressembleà un paradoxe — sont des tragédies religieuses.

Le sujet est presque toujours emprunté à la Bible et les meilleursauteurs sont des protestants, qui trouvent dans les Écritures, avec un enseignement édifiant, des épisodessymboliques pour alimenter leur polémique partisane.

Les sujets empruntés au martyrologe ou à la vie des saints neleur offriraient pas les mêmes avantages et ils s'en méfient.L'Abraham sacrifiant de Théodore de Bèze (1556) a précédé la première pièce officiellement classique, la Cléopâtrede.

Jodelle.

« L'Abraham sacrifiant fut une nouveauté dans la littérature française : c'était la première fois qu'onpubliait une tragédie en français qui ne fût pas une traduction des Anciens.

En outre, son auteur apportait uneformule, dont les différentes parties révèlent l'influence des comédies anciennes, des tragédies grecques et despièces bibliques néo-latines, mais qui, considérée dans son ensemble me paraît assez originale, une tragédiepsychologique, sans style imité de Sénèque, ni dénouement lugubre et sanglant, une action qui dure plusieurs jourset se passe en deux lieux fort éloignés l'un de l'autre, un prologue de comédie mais aucun élément comique, enfinquelques emprunts à la technique des mystères.

Il est regrettable que la tentative de Bèze n'ait pas été plusconnue et plus suivie.

La tragédie sacrée va perdre cette fraîcheur d'inspiration, cette franchise de ton et cetteallure vivante ; et elle va se rapprocher de plus en plus du canon de la tragédie classique.Ce ne sera pas cependant sans une dernière tentative un peu incohérente, mais vigoureuse, pour incorporer latradition des Mystères encore vivants à la nouvelle forme lyrico-dramatique inaugurée par Jodelle.

Ce fut l'oeuvre deLoys des Masures.

Sa trilogie de David (David Combattant, David Triomphant, David Fugitif, 1562-1563) rappelle parbien des côtés la technique des Mystères.

Cette division en trois pièces correspond aux journées ; le décor estsimultané dans une sorte de scène semi-circulaire où sont figurés les principaux lieux de l'action ; l'âme de David est. »

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