Le livre 1, récit des origines - Rousseau

« de ceux qui les rernplacent, l'enfant vit dans un état d'innocence et de confiance mutuelle («.J'étais doux, mon crrusin l'était; ceux qui nous gouver­ naient l'étaient de mêrne »): entre les parents, figures idéalisées et divinisées («nous les regardions comrne des dieux qui lisaient dans nos cœurs ») et les enfants, il n'y a aucun malentendu; les cœurs et les consciences, liés par l'affection, semblent transparents les uns aux autres.

La campagne décou­ verte à Bossey s'accorde avec cet état des âmes: nature simple, rustique et féconde, elle offre l'image d'un paradis terrestre ( «l~n simplicité de cette vie champêtre me fit un bien d'un prix inestimable en ouvrant rnon cœur â l'amitié").

Dans la suite des Confessions, les moments de bonheur feront regoûter par­ tiellernent à ce que ce «paradis» a fait découvrir (voir «l'idylle des cerises», Texte 6, p.

67; et aussi les Thèmes d'entretien, p.

77) La dégradatùm.

La fin de l'âge d'or se produit en deux ten1ps: la perte de l'innocence s'arnorce avec la naissance du désir sexuel (voir Texte 1, p.

41) qui éloigne Mlle Larnbercier (affection altérée, paroles dissimulées); elle est brutale et définitive avec l'épisode du peigne cassé: des apparences trompeuses accusentjeanjacques; la punition injuste brise l'entente entre les adultes qui perdent leur aura, et les enfants qui perdent leur confiance.

(~ette perte de la transparence entre les cœurs et les consciences se traduit concrètement dans le paysage, qui se voile et se dégrade: La can1pagne mê1ne perdit à nos yeux cet attrait de douceur et de simplicité qui va au cœur: elle nous semblait déserte et son1bre; clic s'était comrne cou­ verte d'un voile qui nous en cachait les beautés.

{p.

Sl) « C:hassé » du paradis de Bossey, Jean-Jacques subit une dégradation sup­ plé1nentaire lors de son apprentissage chez le graveur M.

Ducommun.

L'entourage aimant a disparu.

Le patron, figure autoritaire, n'a plus rien de paternel; il est brutal et regarde l'adolescent comme un vaurien, de sorte que celui-ci finit par se confûrmer à cette image: «je passai de la subli­ mité de l'héroïSme à la bassesse d'un vaurien".

À la dégradation de l'autorité adulte correspond une dégradation de l'adolescent, qui s'adonne à des vices jusqu'alors inconnus (vol, mensonge, paresse) et se dégoûte de la vie.

La fuite.

LTitime étape dans le récit, elle marque un désir de reconquête de soi, et prend deux formes.

D'abord une fuite imaginaire, grâce aux li\Tes empruntés à une loueuse de (~enève, la Tribu, et quejeanjacques lit avec fré­ nésie: ((mes lectures [ ...

] ramenaient pourtant mvn cœur â des sentiments plus nobles que ceux que m'avait rlvnné mon état.,, Enfin une fuite réelle hors de C.TCnève.

L'existence comme destin fatal.

Second mythe personnel : la destinée fatale.

Remarquons d'abord, avec P.

Lejeune (Le Pacte autobiographique, voir Bibliographie, p.

94) que le li\Te 1 s'organise autour de deux pôles cornparables, «deux rêveries>): la première concerne les parents autour 132 •-'"""'"""*···-·--·"·-- -~·"'·"-~ ..

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