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LE LIVRE DANS LA SOCIÉTÉ ACTUELLE

Publié le 08/03/2011

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L'histoire du livre imprimé s'est développée dans une économie de consommation, et, pour pouvoir financer la production de ces objets, il a fallu les considérer comme s'adressant à une consommation du même genre que celle des denrées alimentaires, c'est-à-dire comme si leur utilisation les détruisait. Lorsque le livre était un exemplaire unique, dont la fabrication exigeait un nombre d'heures de travail considérable, il apparaissait naturellement comme un « monument «, quelque chose de plus durable encore qu'une architecture de bronze. Qu'importait qu'une première lecture en fût longue et difficile, il était bien entendu qu'on avait un livre pour la vie. Mais à partir du moment où des quantités d'exemplaires semblables ont été lancés sur le marché, on a eu tendance à faire comme si la lecture d'un livre le « consumait «, obligeant par conséquent à en acheter un autre pour le « repas « ou le loisir suivant, le prochain voyage en chemin de fer. Je ne puis évidemment revenir à cette cuisse de poulet que j'ai déjà mangée. On aurait voulu qu'il en fût de même pour le livre, qu'on ne revienne pas sur un chapitre, que son parcours fût effectué une fois pour toutes; d'où cette interdiction du retour en arrière. Finie la dernière page, le livre ne serait bon qu'à jeter; ce papier, cette encre qui restent, des épluchures. Tout cela pour provoquer l'achat d'un autre livre qu'on espère aussi vite expédié. Telle est la pente sur laquelle risque de glisser aujourd'hui le commerçant du livre, danger si pressant qu'on a pu voir dans ces dernières années un éditeur fort connu édicter pour sa maison la règle suivante: tout ouvrage qui n'était point épuisé dans l'année serait inéluctablement pilonné, tel un marchand de colifichets ne voulant pas s'encombrer d'articles périmés. Les plus intelligents et les plus courageux de ses aides avaient beau leur remontrer qu'il y avait là, quant au livre, quelque sottise, qu'une telle sévérité à l'égard de sa propre production était sans doute justifiée pour la plupart des petits romans qu'il avait proposés aux prix de fin d'année, mais que les essais par exemple, en particulier lorsqu'ils étaient traduits d'une langue étrangère, avaient besoin d'un certain temps pour atteindre lentement, mais sûrement, leur public, il ne voulait rien entendre, proclamant que telles étaient les règles actuelles de l'industrie. Qu'on est loin, on le voit, du scripta manent. 1. Scripta manent : seconde partie d'un proverbe célèbre : « verba votant, scripta marient « : « les paroles s'envolent, les écrits restent «.  

Il faut reconnaître en effet qu'une immense partie du commerce actuel de la librairie roule sur des objets de consommation ultra-rapide: les journaux quotidiens, périmés dès la parution du numéro suivant. L'habitude d'écrire pour ces feuilles amène presque fatalement à encourager les livres que l'on n'a pas besoin de relire, que l'on absorbe d'un seul coup, qui se lisent vite, se jugent vite, s'oublient vite. Mais il est évident qu'alors le livre comme tel est condamné à disparaître au profit des magazines illustrés, et surtout des magazines radiodiffusés ou télévisés. L'éditeur incapable de considérer son métier comme autre chose qu'une branche du journalisme coupe la branche sur laquelle il est assis. Si cette histoire n'a vraiment pas besoin d'être relue, s'il est absolument inutile de revenir en arrière, pourquoi ne pas l'écouter par l'intermédiaire d'un transistor, d'un magnétophone ou d'un pick-up, joliment dite par un acteur au goût du jour qui restituera à tous les mots leur intonation ? C'est évidemment le développement de cette concurrence au livre qui nous oblige à repenser celui-ci sous tous ses aspects. C'est elle en fait qui se débarrassera de tous les malentendus qui l'encombrent encore, qui lui rendra sa dignité de monument et remettra au premier plan tous les aspects que la poursuite forcenée d'une rapidité de consommation de plus en plus grande avait fait passer sous silence. Le journal, la radio, la télévision, le cinéma vont obliger le livre à devenir de plus en plus « beau «, de plus en plus dense. De l'objet de consommation au sens le plus trivial du terme, on passe à l'objet d'étude et de contemplation, qui nourrit sans se consumer, qui transforme la façon dont nous connaissons et nous habitons l'univers. Rien n'est plus remarquable à cet égard que l'actuelle évolution du livre à bon marché ou livre de poche : la proportion des classiques et des essais y est de plus en plus grande, en France comme dans tous les autres pays. Il se constitue ainsi peu à peu une sorte d'énorme bibliothèque publique, dont la consultation, l'usage est à la portée d'une clientèle incomparablement plus grande que celle des établissements anciens. On aurait traité de doux rêveur celui qui aurait dit avant la guerre qu'on trouverait vingt-cinq ans plus tard le Discours de la méthode ou les Confessions de saint Augustin dans toutes les librairies des gares. Nous retrouvons le livre comme objet complet. Il y a quelque temps, les modes de sa fabrication, de sa distribution obligeaient à ne parler que de son ombre. Les changements intervenus dans ces domaines dissipent les voiles. Le livre recommence à se présenter vraiment à nos yeux. Michel Butor, Essais sur le roman, 1964. Vous ferez de ce texte soit un résumé, soit une analyse. Vous indiquerez en tête de l'exercice le mot « résumé « ou le mot « analyse «. Vous choisirez ensuite dans le texte un thème qui offre une réelle consistance et auquel vous attachez un intérêt particulier. Vous en préciserez soigneusement les données, et vous exposerez, en les justifiant, vos propres vues sur la question. 1. Analyse ou résumé ? Choisir le résumé est possible. Ce texte qui développe ses idées logiquement, progressivement... s'y prête. Cependant nous choisirons l'analyse : La première partie qui présente le livre actuel comme un objet de consommation est parfois redondante. Un résumé devrait rendre compte de ses répétitions. L'analyse permettra de tourner la difficulté. 2. Longueur du texte: 895 mots. Analyse proposée: 128 mots soit 1/7 du texte. (Bien sûr, le jour de l'examen, vous n'aurez pas le temps de compter le nombre exact de mots de votre texte — cela n'aurait d'ailleurs aucun intérêt. Établissez le nombre moyen de mots par ligne et multipliez-le par le nombre de lignes. Vous obtiendrez le nombre approximatif de mots que comporte votre texte.) 3. Quel thème de réflexion choisir? Le problème de la concurrence livre-médias est intéressant, mais c'est un sujet « bateau «. Nous retiendrons le thème de la re-lecture.

« Vous choisirez ensuite dans le texte un thème qui offre une réelle consistance et auquel vous attachez un intérêtparticulier.

Vous en préciserez soigneusement les données, et vous exposerez, en les justifiant, vos propres vuessur la question. 1.

Analyse ou résumé ? Choisir le résumé est possible.

Ce texte qui développe ses idées logiquement,progressivement...

s'y prête.

Cependant nous choisirons l'analyse : La première partie qui présente le livre actuelcomme un objet de consommation est parfois redondante.

Un résumé devrait rendre compte de ses répétitions.L'analyse permettra de tourner la difficulté. 2.

Longueur du texte: 895 mots.

Analyse proposée: 128 mots soit 1/7 du texte. (Bien sûr, le jour de l'examen, vous n'aurez pas le temps de compter le nombre exact de mots de votre texte — celan'aurait d'ailleurs aucun intérêt.

Établissez le nombre moyen de mots par ligne et multipliez-le par le nombre delignes.

Vous obtiendrez le nombre approximatif de mots que comporte votre texte.) 3.

Quel thème de réflexion choisir? Le problème de la concurrence livre-médias est intéressant, mais c'est un sujet «bateau ».

Nous retiendrons le thème de la re-lecture. ANALYSE Michel Butor montre que le livre en se multipliant, en perdant son unicité qui le pérennisait, est devenu un ordinaireobjet de consommation.

Il est soumis aux mêmes lois économiques.

La lecture, utilisation dorénavant irrévocable del'écrit, détruit sa validité ; certains éditeurs détruisent annuellement leur production sans succès, sans rentabilité.La vitesse de rédaction et de consommation assimile l'utilisation du livre au journalisme.

Cette conception de l'éditionest une autodestruction et favorise les mass-média.

Mais la compétition livre-média sauvera le livre, le contraignantà une plus grande richesse.

Le succès inespérément populaire du classique en collection de poche en constitue unexemple frappant.

Une nouvelle conception du livre apparaît, fondée sur son intégrité, sa fécondité et sonascendant sur notre existence et nos idées. REMARQUE.

Pérenniser: assurer la pérennité, l'immortalité... THÈME DE RÉFLEXION : La re-lecture. Introduction. Aujourd'hui, l'édition de consommation multiplie le nombre des livres : Des tonnes de livres « sortent » chaque jour.A cette boulimie livresque du lecteur moderne s'oppose l'éthique de la qualité des défenseurs de la re-lecture.

Celuiqui « re-lit » perd-il son temps ou bien trouve-t-il des compensations qu'ignore celui qu'une lecture unique satisfaitpleinement? 1.

Re-lecture: temps perdu. — Certains livres supportent mal la re-lecture : ce sont les livres d'action, de suspense (policier, fantastique,science-fiction...).

Par exemple, tout le développement d'un roman policier est basé sur la fin de l'intrigue.

Quand onconnaît la clé, l'attrait disparaît. — Une lecture « heureuse » peut interdire la re-lecture (pour ne pas abîmer, par la répétition, une forte impressiongravée dans la mémoire, pour ne pas affaiblir ce souvenir en lui superposant les sentiments et les idées d'uneseconde lecture...). Cependant, rares sont les bons livres (de quelque genre que cela soit) épuisés dès la première lecture. 2.

Re-lecture: lecture fécondée. — Si la première lecture est souvent une lecture « passive », la seconde (ou les suivantes) pourra être « active »et ainsi plus fructueuse (saisir les rapports, déceler les détails, apprécier le style, la pensée...). — Si l'esprit critique s'exerce mieux dans la re-lecture, le goût peut s'y déployer aussi.

On pourrait parler alors d'«imprégnation amoureuse de l'écriture » dans la re-lecture. — Certaines formes littéraires sont spécialement adaptées à la re-lecture (particulièrement la poésie: en relisant unpoème, on le comprend, l'apprécie de mieux en mieux). — Chaque lecture est un point de vue différent sur l'œuvre.

Alice au pays des merveilles n'est qu'une jolie histoirepour enfant.

C'est un texte annonciateur du surréalisme pour l'adulte.

L'expérience, la maturité...

modifient la façonde lire.. »

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