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Le Livre de ma mère / Albert Cohen. – Gallimard.

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

Amour de ma mère. Jamais plus je n'aurai auprès de moi un être parfaitement bon. Mais pourquoi les hommes sont-ils méchants ? Que je suis étonné sur cette terre. Pourquoi sont-ils si vite haineux, hargneux ? Pourquoi adorent-ils se venger, dire vite du mal de vous, eux qui vont bientôt mourir, les pauvres ? Que cette horrible aventure des humains qui arrivent sur cette terre, rient, bougent, puis soudain ne bougent plus, ne les rende pas bons, c'est incroyable. Et pourquoi vous répondent-ils si vite mal, d'une voix de cacatoès, si vous êtes doux avec eux, ce qui leur donne à penser que vous êtes sans importance, c'est à dire sans danger ? Ce qui fait que des tendres doivent faire semblant d'être méchants, pour qu'on leur fiche la paix, ou même, ce qui est tragique, pour qu'on les aime… Le Livre de ma mère / Albert Cohen. – Gallimard. Albert Cohen est un écrivain suisse d'expression française connu pour un cycle de romans contant la saga d'une famille juive, les Solal. Cette épopée qui décrit tour à tour l'ascension grandiose et la chute dans les bas-fonds des personnages se caractérise par un style baroque, flamboyant. Le Livre de ma mère, plus intimiste, évoque l'image idéale de la mère opposée à un monde de laideur et de méchanceté. Le style, très original, allie l'interrogation quasi philosophique à la dérision. L'écrivain dans une sorte de monologue intérieur chante le bonheur perdu de l'enfance, écrit la difficulté des relations humaines et s'interroge sur la condition humaine.

« 2.

Tentative d'explication.• La méchanceté des hommes est une habitude, une réaction contre la peur de la mort sans doute, contrel'absurdité de la condition humaine.

Deux éléments semblent le prouver : la répétition de l'adverbe « vite » (« si vitehaineux, hargneux' », « dire vite du mal » et « Et pourquoi vous répondent-ils si vite mal ? et la métaphore ducacatoès (« d'une voix de cacatoès »).• Ils tentent de se protéger ainsi et se donnent une illusion de puissance en humiliant les faibles.• La conséquence est que les faibles eux-mêmes se métamorphosent et deviennent méchants : « Ce qui fait quedes tendres doivent faire semblant d'être méchants, pour qu'on leur fiche la paix, ou même ce qui est tragique, pourqu'on les aime » 3.

Le Bien et le Mal.• La mère représente le Bien absolu, les hommes le Mal qu'ils soient « méchants » ou le simulent par ne pas selaisser écraser.• Réflexion sur l'extension du Mal.

Noter les différents niveaux de langue :— familier : « pour qu'on leur fiche la paix » ;— courant : « pour qu'on les aime » ;— sens plein et quasi philosophique : « tragique » (avec le double sens de « grave » et de « fatal »). Transition.A.

Cohen ébauche donc une réflexion philosophique sur des questions fondamentales comme le Bien, le Mal, lasignification de la vie, l'obsession de la mort.

Le ion est néanmoins celui de la dérision. III.

Une réflexion sur la condition humaine. Le texte est une interrogation, une suite de questions douloureuses sur l'Etre, ses relations avec autrui, sa vie, samort. 1.

Obsession de la mort.La mort est sans arrêt présente (mort de la mère et mort de l'être humain) et la vie est dénuée de signification.Le vocabulaire de la mort :— le « jamais plus » désespéré qui encadre le texte (première et avant-dernière phrase),— « eux qui vont bientôt mourir » : relative qui définit de manière abrupte les hommes et oriente la question de lapsychologie vers la métaphysique,— l'assimilation du sommeil à la mort (cf.

I.2). 2.

L'absurdité de la condition humaine.La vie est présentée comme « cette horrible aventure des humains ».

Ceux-ci sont des marionnettes s'agitant demanière dérisoire pendant la vie et arrêtant leurs mouvements désordonnés à l'heure de la mort : « rient, bougent,puis soudain ne bougent plus ».

La naissance elle-même est purement contingente, dépourvue de toute nécessité,comme le souligne le verbe « arriver » : « Que cette horrible aventure des humains qui arrivent sur cette terre...

»Noter également le proverbe familier et la comparaison péjorative de l'homme avec le chien : « Chien endormi n'a pasde puces.

» 3.

La faculté de penser est-elle un don ou un fardeau?• L'auteur réfléchit, interroge (le style du texte en témoigne).

Pourtant, il ne désire qu'une chose : cesser de penserpour être moins malheureux.La mère constituait la seule certitude et le questionnement perpétuel accroît la difficulté de vivre.• Le désir de ne plus réfléchir s'exprime à travers une série de métaphores et de comparaisons cocasses etvolontairement dérisoires.— Comparaison triviale : le cœur comme un dentier sur la table de nuit (« Comme j'aimerais pouvoir ôter, tel l'édentéson dentier ») ; « les solutions rafraîchissantes ».— Le vocabulaire familier : « ce pauvre bougre ».— Une anatomie pleine d'humour et qui traduit en même temps le désespoir de l'écrivain : « ôter mon cerveau de saboîte » (le paquet et le cadeau mais également la boîte crânienne...) ; « mon cœur trop battant » (le rythmecardiaque et la sensibilité de l'homme).— Alliance de termes : « deux- pauvres milliardaires » (riches par leur sensibilité, leur faculté d'aimer ; pauvres parcequ'ils sont repoussés) ; « peu d'humains » et « le monde est désert » (pauvreté des relations humaines). 4.

Quelle attitude observer vis-à-vis des hommes?• Les condamner (cf.

le vocabulaire de la méchanceté) ?• Les excuser en expliquant leur comportement ?• Les plaindre (« eux qui vont bientôt mourir, les pauvres ») ? Conclusion. Cet extrait d'Albert Cohen est en réalité un texte grave et douloureux, en dépit d'un style cocasse.

L'absence de lamère révèle la laideur et la méchanceté du monde et des hommes.

L'enfance protégée par la figure maternelle estun paradis définitivement perdu.

Dépourvu d'ancrage dans un monde hostile, l'homme se pose les questions. »

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