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Le meilleur des mondes d'Huxley: Un roman de science-fiction qui serait une satire de la science?

Publié le 24/01/2020

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En ce sens d’ailleurs, Le Meilleur des Mondes est bel et bien un roman de science-fiction : la plupart des critiques s’entendent, en effet, pour définir un texte relevant de ce domaine comme un texte qui repose sur l’invention d’une science autre, différente de la science contemporaine de son auteur, beaucoup plus développée en général. Cette science n’est pas forcément imaginaire en totalité : l’écrivain de science-fiction peut évidemment la déduire des savoirs constitués de son époque — ce qui est clairement le cas d’Huxley dans Le Meilleur des Mondes.

Dans un premier temps, nous allons nous attacher à étudier les applications de la science future de l’État Mondial, telles qu’Huxley les décrit au cours du roman. Ce qui nous aidera d’ailleurs à mieux apprécier, dans un second temps, les questions qu’Huxley se pose sur la science réelle de sa propre époque.

UNE ANTICIPATION TRÈS PRUDENTE

Un cadre futuriste ou contemporain?

Comme la manifestation la plus tangible, la plus évidente des progrès de la science consiste dans les changements que ces progrès apportent à la vie quotidienne, les écrivains de science-fiction accordent toujours beaucoup d’importance aux objets d’usage courant, aux biens de consommation, au cadre de vie et aux détails matériels.

UNE SATIRE DE LA SCIENCE?

Une science qui modifie l'homme

Les différences de développement entre les divers aspects matériels de la vie quotidienne dans le Meilleur des Mondes se retrouvent, à un tout autre niveau, dans la façon dont Huxley imagine l’évolution des sciences elles-mêmes. Ainsi, il néglige la physique, l’optique ou la mécanique, qui ne semblent guère avoir progressé à l’ère fordienne par rapport à ce qu’elles étaient vers 1930; en revanche, il est fort prolixe sur une biologie, une génétique, une médecine et une psychologie du futur qu’il nous montre comme s’étant considérablement développées. C’est que, une fois de plus, Huxley fait des choix. Il privilégie ce qui rend possible l’instauration du Meilleur des Mondes (ou d’un système comparable); il s’intéresse donc presque exclusivement aux sciences qui permettent de modifier l’homme, de l’adapter à un tel type de société.

D’ailleurs, dans la préface au roman, Huxley précise : «Le thème du Meilleur des Mondes n’est pas le progrès de la science en tant que tel; c’est le progrès de la science en tant qu’il affecte les individus humains. [...] Les seuls progrès scientifiques qui y soient spécifiquement décrits sont ceux qui intéressent l’application aux êtres humains des recherches futures en biologie, en physiologie et en psychologie» (p. 11). Huxley s’attache essentiellement aux

1. N’oublions pas, en effet, qu’on sait enregistrer les sons depuis 1877 (invention du phonographe par T. Edison), que le cinéma, en 1932, est déjà sonore et bientôt en couleurs, enfin que l’on a commencé, pendant les années 1920, à mettre au point des appareils produisant des sons synthétiques et des instruments de musique électronique (Ondes Martenot).

« Ces détails leur permettent à la fois de frapper l'imagina­ tion du lecteur en suscitant à ses yeux des mondes où l'extraordinaire est devenu banal et de suggérer la cohé­ rence, la vraisemblance de tels univers.

Huxley n'échappe pas à ce que l'on peut considérer comme une règle d'or de la science-fiction: dans Le Meilleur des Mondes, il dépeint, avec minutie et précision, le cadre matériel de la société future où se situe l'action du roman.

Toutefois, les conditions d'existence dans ce lointain avenir, pour différentes qu'elles soient de celles du XXe siècle, ne présentent pas le caractère d'étrangeté absolue que l'on ressent à la lecture de beaucoup d'autres œuvres de science-fiction.

Huxley semble avoir tenu la bride serrée à son imagination.

Sans doute est-ce en tant que lecteur des années 1980 que nous jugeons un texte écrit avant 1932.

Mais, même en appréciant l'anticipation dans Le Meilleur des Mondes par rapport au contexte où il a été écrit, celle-ci nous paraît modeste, limitée, fort pru­ dente au su de ce qu'était alors l'état des sciences, des techniques en Europe occidentale et en Amérique du Nord.

On en jugera aisément à travers les quelques indications qui suivent.

Les sujets du Meilleur des Mondes se déplacent en train ou en hélicoptère individuel.

Pour les très longues dis­ tances, ils utilisent des services réguliers de fusées suscep­ tibles de joindre, par exemple, Londres à La Nouvelle­ Orléans (cf.

p.

r 20) en six heures environ.

Ces hommes du futur portent des vêtements en tissu synthétique («flanelle blanche à la viscose» ou «shantoung à l'acétate», p.

280).

Ils se nourrissent d'aliments en conserve, fabriqués eux aussi par synthèse (cf.

p.

249), dans lesquels il convient de voir une caricature des nourritures industrielles qui com­ mencent à se répandre dans le premier tiers de notre siècle.

Enfin, les hommes de l'avenir sont logés dans de vastes immeubles, comportant des centaines d'apparte­ ments très confortables.

En somme, la vie matérielle dans le futur que décrit l'auteur n'est pas si différente de celle que mènent les habitants des grandes banlieues actuelles.

Huxley s'est contenté de systématiser des conditions d'existence qui étaient déjà apparues dans l'Amérique des années r 920 et qui, depuis, n'ont fait que se répandre à la surface de la terre.

75. »

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