Le mythe d'Iphigénie
Publié le 22/10/2017
Extrait du document
qu'Oreste est vivant, contrairement à son rêve, Béni soit le sort qui lui a envoyé ces deux étrangers, car elle se servira d'eux pour envoyer de ses nouvelles aux siens. Elle offre donc la vie sauve à Oreste s'il promet de porter une lettre d'elle à Argos. Oreste refuse pour lui-même : qu'elle sauve plutôt Pylade qui portera la missive. Iphigénie loue sa générosité et, Mi promet de lui rendre les honneurs funèbres à la place de sa soeur lointaine. Dès son départ. Pylade refuse de laisser Oreste se sacrifier. Mais celui-ci ne se laisse pas ébranler, démontrant combien la milni sera pour lui une délivrance. Pylade se résigne, tout en exhortant encore son compagnon à garder confiance en le promesse d'Apollon : car il doit être sauvé.
Iphigénie reparaît, son message rédigé. Afin que Pylade, en cas de naufrage, puisse en rapporter le contenu, elle le lit à haute voix. C'est par cet artifice simple et ingénieux. qui suscita l'admiration d'Aristote, que le poète amène la reconnaissance du frère et de la sœur. Ils s'embrassent en pleurant : Oreste raconte sa douloureuse histoire et Iphigénie ne venge plus qu'à le sauver. Elle le Supplie rie s'enfuir et rie la laisser s'offrir elle-même en victime au tyran Thons. Mais Oreste refuse : De quel prix lui serait la vie s'il ne pouvait emmener sa soeur et en même tennis ravir. suivant l'ordre d'Apollon, la statue de la déesse Iphigénie pro
«
le navire d'Oreste qui attend, déjà prêt à partir,
(
Le choeur qui a promis à Iphigénie de ne pas
la trahir, exprime sa nostalgie de la terre grecque
que la jeune fille va revoir).
La ruse réussit à
merveille ; Iphigénie sait si bien feindre la haine
et l'horreur pour les étrangers que Thoas n'a
pas le moindre soupçon, et, admirant la piété et
la prudence de la prêtresse, lui donne une escorte
pour conduire les deux prisonniers à la mer.
Nul ne doit voir le rite s'accomplir, déclare
Iphigénie ; pas même les soldats ! Peu après
surgit un homme de l'escorte ; il raconte à Thoas
la fuite d'Oreste accompagné d'Iphigénie et de
la statue de la déesse.
Après un certain temps.
inquiets du sort d'Iphigénie qui s'était éloignée
seule avec les deux étrangers, les serviteurs de
Thoas ayant enfreint les ordres, ont vu le groupe
prêt à s'embarquer.
Après une brève lutte, les
Grecs ont pris le large.
Contrariés par des vents
défavorables, ils sont encore à la merci de la
flotte royale.
Thoas, furieux, vient d'ordonner
la poursuite lorsqu'apparaît la déesse Athénê, qui
lui commande de ne pas troubler la fuite des
Grecs.
C'est la volonté des dieux qu'Oreste aille
avec Iphigénie fonder à Athènes un temple à la
gloire d'Artémis (le temple d'Alaï à la frontière
nord de l'Attique), où ils déposeront la statue
de la déesse.
Thoas doit envoyer en Grèce les
femmes esclaves ; il obéit et le choeur prononce
des paroles propitiatoires à l'adresse du voyage
libérateur d'Oreste.
Cette tragédie qui, par son
côté romanesque, s'apparente beaucoup
à Hélène (
5
)
ne laisse pas néanmoins d'être infiniment plus
profonde.
Même dans les parties romanesques,
Euripide adopte un ton plus sévère — lequel
convient à merveille au caractère d'Iphigénie.
Cette figure de jeune fille qu'un mystérieux
destin a condamnée à un office cruel et qui tout
en s'y étant endurcie, a gardé le désir de la
nostalgie des affections les plus humaines, est,
dans sa complexité, une des créations les plus
caractéristiques du génie d'Euripide.
—
Garnier 1935.
* Euripide reprit d'ailleurs ce sujet dans une
autre tragédie :
Iphigénie en Aulide rletyévcta
rl
év AtUi,;11.
Ce fut
sa dernière oeuvre :
laissée, croit-on, inachevée, elle fut terminée,
et représentée après sa mort.
Il n'est pas
certain que l'épilogue (vers 1540 à 1629)
soit d'Euripide.
La tragédie met en scène le
mythe du sacrifice d'Iphigénie.
La flotte des
Achéens est en Aulide devant Eubée, prête à
partir pour Troie.
Mais les vents s'opposent
mystérieusement à la navigation.
La cause en
est dévoilée par le devin Calchas : la déesse
Artémis exige, pour rendre la liberté eut navires,
qu'auparavant lui soit sacrifiée la fille d'Aga-
memnon, Iphigénie.
Alors que dans les tragédies
antérieures,
par exemple
l'
Agamemnon (
5
)
d'Eschyle, il était simplement fait allusion à
l'angoisse
d'Agamemnon devant le sacrifice
I
mposé, ici la tragédie s'ouvre sur les plaintes
déchirantes du malheureux père.
Ainsi que le
roi le raconte lui-même à un vieil esclave, après
avoir vainement tenté d'empêcher l'expédition,
il a résolu de faire venir sa fille en compagnie
de sa mère Clytemnestre, sous le prétexte de
célébrer les noces de la jeune fille avec Achille.
Mais accablé de remords, il est revenu sur sa
décision.
Dans un autre message à Clytemnestre,
Il lui dévoile toute la vérité et l'adjure de ne
pas venir.
Le vieil esclave, chargé du message,
doit se porter au devant du char de la reine et
lui
faire rebrousser chemin.
Cette tentative
n'aboutit pas.
Ménélas en effet, qui tient avant
tout à l'expédition contre Troie, a pu ravir son
message au vieil esclave et du coup reproche
âprement à son frère sa trahison.
Agamemnon
s'obstine dans son refus ; Ménélas, déjà, en vient
aux menaces (la discussion entre les deux frères,
réaliste, cynique et sentencieuse, est tout à fait
dans la manière d'Euripide), quand survient un
messager annonçant que Clytemnestre avec
Iphigénie et le petit Oreste viennent d'arriver
dans le camp tout le peuple les a vus et est
en liesse.
L'angoisse renaît plus forte dans le
coeur
d'Agamemnon.
Maintenant que toute
l'armée a vu Iphigénie, que fera-t-il quand
Calchas dévoilera l'ordre de la déesse et qu'Ulysse
excitera le peuple contre lui ? Accablé d'angoisse,
il
se résigne à obéir à la déesse : cela, au
moment où Ménélas, touché par sa douleur,
l'exhorte à renvoyer la jeune fille et à renoncer
à l'expédition.
Dans la peinture de ces mouvements de l'âme,
l'intuition psychologique aiguë, froide et réaliste,
d'Euripide est particulièrement heureuse.
Voici,
Joyeusement saluées par le choeur, Clytemnestre
et Iphigénie.
Clytemnestre songe au bonheur
nuptial de sa fille ; Iphigénie n'ose parler de
mariage, mais se montre très tendre avec son
père.
A chacune de ses paroles, Agamemnon
sent son coeur se déchirer un peu plus.
Il congédie
sa fille et, s'engageant sur la voie du mensonge
avec la résolution des faibles, il apaise l'inquiétude
de Clytemnestre au sujet du futur époux de leur
fille.
Après que le choeur ait chanté l'imminente
guerre troyenne, sans faire allusion aux sentiments
qui déterminent l'action, Achille apparaît sur le
seuil de la tente d'Agamemnon, exigeant un
prompt départ pour la guerre.
Il se trouve alors
en présence de Clytemnestre qui, toute heureuse,
le salue comme son futur gendre, à sa grande
stupéfaction.
Mals le vieil esclave, auquel Aga-
memnon avait remis le message pour Clytemnestre,
a surpris ce colloque.
Il dévoile que le mariage
est une supercherie pour attirer la jeune fille
et la faire périr.
Hors d'elle, Clytemnestre conjure
Achille de l'aider à empêcher l'horrible méfait.
Tout à la fois plein de commisération et offensé
dans son honneur par l'abus que l'on a fait de
son nom.
Achille affirme qu'il défendra la jeune
fille,
même par la force, si Clytemnestre ne
réussit pas à convaincre Agamemnon.
Après une pause durant laquelle le récitant rappelle l'union
glorieuse de Pélée et de Thétis, dont naquit
Achille, pour faire contraste avec les noces de
mort qui sont sur le point d'être célébrées
Clytemnestre a dévoilé à sa fille le triste sort
qui l'attend.
Toutes deux vont tenter de persuader
Agamemnon : la mère avec des raisonnements
et des menaces (dans le sacrifice d'Iphigénie,
Euripide voit le principe de la haine de Clytem-
nestre pour Agamemnon), la fille avec l'expression
naïve de son attachement à la vie, avec sa
tendresse et ses pleurs.
Mais quoique déchiré
jusqu'au fond de l'âme, Agamemnon résiste à
leurs prières.
Il ne peut, affirme-t-il, interrompre
maintenant l'expéditbn destinée à confondre
l'insolence des Troyens.
S'il le tentait, il provo-
querait une révolte sans parvenir à empêcher le
sacrifice de sa fille.
Iphigénie se lamente à la
fois sur son destin et la faiblesse infinie des
mortels.
Les raisons invoquées par Agamemnon
ne sont, hélas, que trop vraies.
Achille annonce
que tout le camp, et ses propres Myrmidons
eux-mêmes, excités par Ulysse, sont en effer-
vescence, dans la crainte que le sacrifice libé-
rateur ne s'accomplisse pas.
Comme il a montré
son opposition, peu s'en est fallu qu'il n'ait été
lapidé.
Quoi qu'il advienne, il se dit prêt à
résister comme il l'a promis.
Alors — et c'est
le
moment le plus célèbre, le plus discuté et le
Plus poétique du drame — Iphigénie, ayant écouté
Euripide.
Musée
du Vatican.
en silence les parolee d'Achille,
comprend que
son sacrifiée est inéluctable.
Elle se déclare
prête à mourir.
Ni les admonestations (l'Achille,
ni les larmes de sa mère n'ébranlent sa résolution.
Elle se prépare au
sacrifice,
consciente d'agir pour
le bien de la
Grèce, fière
d'être
la
protectrice
de sa cité.
Après un chant du choeur, survient
un
messager (ceci est
certainement
un fragment
ajouté) qui narre le prodige qui
s'est
accompli
au moment de l'immolation.
Alors Que le
coup
fatal allait être porté à
la victime,
celle-ci a
disparu et l'on a vu une biche
à sa
place.
La
déesse Artémis a voulu sauver
l'hérolque
jeune
fille.
Euripide a réussi une
description très
vivante
de l'ancien rite barbare
du sacrifice
humain
offert en holocauste.
Il envisage tout autrement
que ses prédécesseurs la
question
de savoir
comment la divinité pouvait désirer pareil
sacrifice.
Était-il possible de pénétrer
le mystère
de la volonté divine ? S'il n'exprime
pas toute sa
pensée, il apparaît pourtant nettement que
pour
lui, seules (le troubles superstitions
au service
d'ég,oïsmes brutaux ont pu rendre
possibles ces
rites sanglants.
Mais, ayant accepté
ce fait
comme une conséquence naturelle
de
la
perversité
et
de la misère humaines, il en a montré
les
réactions sur la sensibilité de ses personnages
si vivants et attachants : Agamemnon,
Ménélas,
Achille, Clytemnestre,
et surtout
Iphigénie.
En
cette dernière, le thème,
cher
à Euripide, de
l'héroïsme juvénile
contrastant
avec un monde
de faiblesse et de vilenie
est développé
avec une
poésie profonde.
Avec
sa dernière tragédie,
Euripide a retrouvé
dans tolite sa pureté l'inspi-
ration
qui lui avait fait créer la figure
d'Alceste.
— T.F.
Garnier, 1935.
* Le théâtre classique de la Renaissance
française compte parmi ses thèmes
>
de prédilection
celui du sacrifice d'Iphigénie.
Chronologiquement
parlant, la première tragédie sur ce sujet est
l'Iphigénie en Aulide
de Jean de Rotrou (1609-
1650).
Mais celle qui a
le plus de valeur est
l'Iphigénie en Aulide,
en cinq actes, de Jean
Racine (1639-1699).
Représentée
à
Versailles le
18 août 1674, puis à Paris en
janvier
1675, elle
remporta le plus vif succès.
C'est
plus
spécialement
de l'oeuvre d'Euripide :
Iphigénie en Aulide
que
s'inspira alors Racine, revenant aux sujets
grecs
qu'il avait délaissés, depuis
Andromaque (
5
),
pour
des tragédies romaines ou orientales :
Britan-
nicus
(
5
), Bérénice (
5
), Bajazet (
5
)
et
Mithridate (
5
).
Quelques grands que fussent les efforts
de la
cabale pour susciter une tragédie capable d'éclipser
celle de Racine, le public sut faire un choix
pertinent.
Le Clerc et Coras unirent leurs maigres
talents pour s'égaler à Racine.
Mais leur pièce.
jouée quatre ou cinq fois, en mai 1675, à l'Hôtel
de la rue de Guénégaud, ne s'attira que brocards
et dédains.
En 1640, Rotrou avait déjà écrit une
Iphigénie, à
l'exemple de Sihilet dont ]'oeuvre
date de 1549.
Cependant Racine ne doit rien à
l'un et à l'autre de ces deux écrivains.
Par
ailleurs, on sait qu'il prépara une
Iphigénie en
Tauride,
dont il écrivit le- premier acte en
prose.
Iphigénie en Aulide
fut composée après
que
Racine eût rompu de manière éclatante
avec
Port-Royal.
Blessé que Nicole, un des
plies
illustres Solitaires, eut osé dire : Un poète de
théâtre est un empoisonneur public, non des
corps mais des âmes, qui se doit regarder comme
coupable d'une infinité d'homicides spirituels »,
Racine, s'inspirant des
Provinciales (
5
)
de Pascal,
répliqua par une
Lettre
qui semble un trait
bien
peu généreux.
Jusque là,
Andromaque
et
Bérénice
avaient été l'objet d'une grande
faveur du
public, tandis que
Britannicus
et
Bajazet
s'étalent
-
heurtées à une résistance assez opiniâtre.
Le premier acte
d'Iphigénie
se passe à Aulis,
dans le camp des Grecs, avant le lever de
l'aurore.
Agamemnon, qui s'était tout d'abord
rendu aux volontés de Calchas le devin et
s'apprêtait à immoler sa fille, est pris de remords.
Il vient d'envoyer l'un de ses serviteurs dévoués,
Arcas, afin d'arrêter sur le chemin Iphigénie
et
sa
mère Clytemnestre, venues toutes deux
d'Argos.
Pour leur expliquer la nécessité de ce
voyage, Agamemnon avait argué de l'impa-
tience d'Achille, fiancé à Iphigénie, disant que
ce dernier voulait qu'on célébrât les noces avant
le départ de la flotte.
Le roi prétexte maintenant
qu'Achille, amoureux d'une captive, Ériphile,
ne consent plus à un mariage aussi précipité.
En butte aux reproches d'Ulysse, roi d'Ithaque,
qui lui fait grief de son manque de piété et
d'obéissance aux dieux et qui montre la plus
grande hâte à faire voile en direction de Troie,
le malheureux père défend cependant sa fille
avec quelque fermeté, lorsqu'on lui annonce
soudain l'arrivée d'Iphigénie et de Clytemnestre.
A l'acte II, Ériphile, jeune captive qu'Achille
a ramenée de son expédition contre Lesbos,
découvre à sa suivante qu'elle aime le fiancé.
»
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