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Le personnage de L'Ingénu

Publié le 17/01/2022

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Voltaire a choisi le personnage de l'Ingénu pour sa différence : il est non seulement le héros d'exception du conte traditionnel, doué de force et de beauté, qui transcende les obstacles et suscite l'aventure, mais aussi le « bon sauvage » dont l'irruption, en Basse-Bretagne ou à Versailles, crée un « choc des cultures » et permet, au nom du naturel, une critique des moeurs françaises.

« de Candide et son maître Pangloss, incapable (contrairement à Gordon) de tirer quelque enseignement que ce soit des expériences et des rencontres de sa vie. Mile de Saint-Yves, comme Gordon, est métamorphosée par sa découverte de l'Ingénu : « Ce n'était plus cette fillesimple dont une éducation provinciale avait rétréci les idées.

L'amour et le malheur l'avaient formée.

Le sentimentavait fait autant de progrès en elle que la raison en avait fait dans l'esprit de son amant infortuné [...].

Sonaventure était plus instructive que quatre ans de couvent » (chap.

XVIII).

Réapparaît ainsi l'idée que la véritableéducation ne doit pas être coupée des réalités mais formée par l'expérience de ces réalités, fussent-elles pénibles. L'INGÉNU OU LES LEÇONS DE L'EXPÉRIENCE Le savoir théorique, la « culture » au sens d'apprentissage dans les livres, ne sont pas en mesure de former seuls l'homme tel que le rêvent les philosophes du XVIIIe siècle et en particulier Voltaire.

Un esprit ne progresse vers la lumière qu'à la faveur d'un faisceau d'événements, de conversations, de réflexions, de sentiments. Ainsi, son amour pour Mlle de Saint-Yves et son emprisonnement sur lettre de cachet conduisent l'Ingénu àdécouvrir le mal fondamental attaché aux rapports de force dans la société d'Ancien Régime.

Cette prise deconscience est catalysée par le dialogue entre l'Ingénu et Gordon et reflétée par les lectures du jeune homme, etsingulièrement celles des pièces de Racine qui lui renvoient l'image douloureuse, violente et tragique de son propredestin.

Se noue alors la conversation muette mais indispensable, selon Voltaire, à toute éducation entre les livres etla vie, quand bien même un constat pessimiste doit en naître selon lequel les véritables leçons, celles qui s'imprimentdurablement en nous, sont des leçons amères.

Pour l'Ingénu, comme pour les autres figures principales des contesde Voltaire, Zadig ou Candide, l'éducation est d'abord celle du malheur. La fin des aventures du Huron et de la belle Saint-Yves est à cet égard particulièrement significative : le schéma duconte traditionnel qui voit habituellement le héros conquérir l'objet de son désir, après avoir accompli de difficilesépreuves et affronté de nombreux ennemis, est, dans L'Ingénu, apparemment per turbé par l'irruption de la mort qui dérobe au jeune homme sa bien-aimée.

Si Voltaire a choisi un dénouement tragique, tempéré toutefois parl'intégration finale du héros dans un code social qu'il avait jusque-là contesté, n'est-ce pas pour signaler que le butde la vie, au-delà des circonstances et des affections qui la constituent et lui donnent un sens, est la conquêted'une sagesse permettant de juger le monde mais aussi d'y vivre ?Tel paraît bien l'enjeu, en définitive, de l'histoire de l'Ingénu : passant de l'état de nature à l'état civilisé, il découvrela difficulté de réaliser le bonheur en ce monde.

L'initiation est synonyme de désillusion.Pourtant L'Ingénu, dernière leçon de sagesse de Voltaire au soir de son existence, délivre un autre enseignement :la transformation du Huron, au-delà de la mort de Mlle de Saint-Yves, en « un guerrier et un philosophe intrépide »,témoigne de la possibilité de concilier, au sein d'une société corrompue mais perfectible (même Saint-Pouange estcapable de se corriger), l'action droite de l'« honnête homme » (le « guerrier » conforme à l'idéal chevaleresqued'une société aristocratique) et la pensée juste de l'homme de raison (le « philosophe », dans la définition du siècledes Lumières).L'éducation par le malheur semble ainsi dépassée ou du moins placée à distance par la philosophie voltairienne :l'ironie, qui sous-tend L'Ingénu, permet précisément cette distanciation, premier pas vers la liberté de penser parsoi-même et de vivre sans assujettissement.

L'ironie, arme critique et moyen de former le lecteur, s'exerce dans lesdernières lignes du conte aux dépens de Gordon : « Le bon Gordon vécut avec l'Ingénu jusqu'à sa mort dans la plusintime amitié [...].

Il prit pour devise : " malheur est bon à quelque chose " ».

À cette sagesse qui s'accommode dela fatalité du mal pour en extraire quelque bien, Voltaire répond in extremis : « Combien d'honnêtes gens dans lemonde ont pu dire : " malheur n'est bon à rien " » !. »

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