Le plaidoyer de Julien
Publié le 04/12/2012
Extrait du document
«
ont le bonheur de se procurer une bonne éducation, et l'audace de se
mêler à ce que l'orgueil des gens riches appelle la société.
« Voilà mon crime, messieurs, et il sera puni avec d'autant plus de
sévérité, que, dans le fait, je ne suis point jugé par mes pairs.
Je ne vois
point sur les bancs des jurés quelque paysan enrichi, mais uniquement des
bourgeois indignés...
»
Pendant vingt minutes, Julien parla sur ce ton; il dit tout ce qu'il avait
sur le coeur; l'avocat général, qui aspirait aux faveurs de l'aristocratie,
bondissait sur son siège; mais malgré le tour un peu abstrait que Julien
avait donné à la discussion, toutes les femmes fondaient en larmes.
Mme
Derville elle-même avait son mouchoir sur ses yeux.
Avant de finir,
Julien revint à la préméditation, à son repentir, au respect, à l'adoration
filiale et sans bornes que, dans les temps plus heureux, il avait pour Mme
de Rênal ...
Mme Derville jeta un cri et s'évanouit.
Une heure sonnait comme les jurés se retiraient dans leur chambre.
Aucune femme n'avait abandonné sa place; plusieurs hommes avaient les
larmes aux yeux.
Les conversations furent d'abord très vives; mais peu à
peu, la décision du jury se faisant attendre, la fatigue générale commença
à jeter du calme dans l'assemblée.
Ce moment était solennel; les lumières
jetaient moins d'éclat.
Julien, très fatigué, entendait discuter auprès de lui
la question de savoir si ce retard était de bon ou de mauvais augure.
Il vit
avec plaisir que tous les voeux étaient pour lui; le jury ne revenait point,
et cependant aucune femme ne quittait la salle.
Comme deux heures venaient de sonner, un grand mouvement se fit
entendre.
La petite porte de la chambre des jurés s'ouvrit.
M.
le baron de
Valenod s'avança d'un pas grave et théâtral, il était suivi de tous les jurés..
»
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