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Le Pot de fleurs (Théophile Gautier). Commentaire

Publié le 15/02/2012

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gautier

Théophile GAUTIER   (1811-1872)

Le pot de fleurs

 

Parfois un enfant trouve une petite graine

Et tout d'abord, charmé de ses vives couleurs, 

Pour la planter il prend un pot de porcelaine 

Orné de dragons bleus et de bizarres fleurs.

 

Il s'en va. La racine en couleuvres s'allonge, 

Sort de terre, fleurit et devient arbrisseau ; 

Chaque jour, plus avant, son pied chevelu plonge, 

Tant qu'il fasse éclater le ventre du vaisseau.

 

L'enfant revient ; surpris, il voit la plante grasse 

Sur les débris du pot brandir ses verts poignards ; 

Il la veut arracher, mais la tige est tenace ; 

Il s'obstine, et ses doigts s'ensanglantent aux dards.

 

Ainsi germa l'amour dans mon âme surprise ; 

Je croyais ne semer qu'une fleur de printemps : 

C'est un grand aloès dont la racine brise 

Le pot de porcelaine aux dessins éclatants.

Elle le transfigure, comme fait le soleil, d'un paysage terne, elle le poétise et lui découvre même une haute valeur symbolique. Observons de près cette métamorphose. L'art de Gautier consistera tout d'abord à peindre le semis enthousiaste et la croissance vigoureuse, puis à dramatiser la lutte entre l'enfant et l'aloès, à nous faire entendre enfin la plainte du poète évoquant avec amertume les souffrances que lui causa l'amour. Et tout cela, qui semble réclamer de longues pages, tient en quatre strophes, quatre tableautins. Mais quelle densité, quelle plénitude dans ces vers ciselés patiemment, comme des joyaux....

gautier

« plante.

Alors voici des images pittoresques et justes : e la racine en cou- leuvres s'allonge ».

- « Son pied chevelu plonge.

» Voici des verbes nom- breux marquant le progres colatinu.'.Le rytlime s'allonge lui-meme dans cette phrase toupee en's deux, et le mot « taut place comme en point d'orgue au debut du quatrieme vers, evoque la multiplication a l'infini des radicelles.

Cette Intensite de_Nie empeche'de volt les menues taches qu'un puriste signalerait : celles-ci par exemple : la racine...

sort de terre, fleurit. - 4 Fleurir » venant deux lignes apres cfleurs Vetilles que tout cela! Troisieme strophe : la lutte.

Des knots comme 4 brandir, porgnards, ensan- glanter, dards s>, traduisent bien la provocation, le emnbat. « Arracher, tenace, s'obstiner marquent pareillement Pactiori des jeunes forces qui s'affrontent.

Laquelle triomphera? L'ecrivain s'en inquiete peu, it se borne a peindre la lutte par le seul rythme dans les deux derniers vers.

Quatrieme strophe : c'est le lamento du poke.

Regrets discrets, regrets voiles, sans precision, comme it convient a l'evade du Romantisme, a l'artiste impassible qui ne voudrait a aucun prix jeter on acme en pature A la foule.

Mais quel monde de sous-entendus recele cette antithese dou- loureuse : Je croyais ne planter qu'une Fleur de printemps; C'est en grand aloes dont la racine brise Le pot de porcelaine aux dessins eclatants. Comme it est vrai ce mot, de i3arbey d'Aurevilly ; q-Les perles de Gautier se fondent, en larmes » aux dernieres strophes.

C'est ce quatrain final qui fait la valeur du poeme et lui donne un sens.

Gautier, a qui on reproche tant de manquer d'idees : Rien pour la pensee ni pour le coeur, tout pour les yeux > (Lanson) en a une ici, et meme un sentiment par surctolt.

Mais it ne s'y attarde pas : it ne pretend pas instruire et philosopher a la maniere de Hugo et de Vigny.

Il lui suffit d'avoir fait oeuvre d'art, d'avoir burins une scene vivante. Sa muse n'a point chausse le « cothurne etroit 3.des metres courts et difficiles, achaptes en maintes pages des Emaux et Camees.

Lui, qui aimait sceller son reve dans le bloc resistant » dune matiere dure : Oui, rceuvre- sort plus belle D'une forme au travail Rebelle Vers, marbre, onyx, email. Vest 'contents ici d'alexandrins reguliers, sans mots techniques,, sans rimes rates ,ni enjambements, ni aucune jonglerie de virtuose.

Les vets coulent; eoulent, limpides et faciles, dissimulant l'effort qu'ils ont touts: Pas une interrogation, ni une exclamation, presque,pas d'inversions : on ne petit imaginer une forme plus simple et plus aisee, du moins en apj?arence.

On done est le merite? Il.consiste surtout a evoquer puissamment, a faire pour ainsi dire toucher du doigt les surprises et la force de l'amour. En quoi it a reussi.

Sentiments et symbole s'accordent parfaitement : nous i'allons montrer tout a rheure,, ainsi qu'on, nous le demande. La graine, de l'aloes, vivement coloree, charme l'enfant, qui en espere de sppethe,s fleurs et lui destine un vase magnifique.

- -L'amour, pareille ment, revet les apparences les plus engageantes : graces du visage et des manieres, similitude des gouts.

Pourquoi se mefierait-on? Victor Hugo pas ecrit L'amour chaste agrandit les Omes, Et qui sail Omer, sait mourir. Loin de rien 'Craindre, on s'en promet monts et rnerveilles, car, eh amour; l'horn-me est toujours enfant, extremement credule.' ale.

ne connais rheteur, ni maitre es-artsTel que r Amour; i-Pexcelle au blot dire. (LA FONTAINE.) Il nous conquiert, et dans 'le Coeur ii germe et grandit ainsi que l'aloes dans la precieuse p'orcelaine.

croit n'avoir seine qu'une &tit de prin-, temps. plante.

Alors voici des images pittoresques et justes : « la racine en cou­ leuvres s'allonge ».

- « Son pi~d chevelu plonge.

» Voici des verbes nom­ breux marquant le progrès co'htiriu.'.Le rythme s'allonge lui-même dans cette phrase coupée en' deux, et le mot « tant», placé co"mme en point d'orgue au début du quatrième vers, évoque la multiplication à l'infini des radicelles.

Cette int.ensitê ·de ..

vie_ cempê~he·:de.

voir' lès menues taches qu'un puriste signalerait : celles-ci par exemple : la racine ...

sort de terre, fleurit.

- «Fleurir» venant deme: lignes après .«Jl:eurs·».l .Vétilles··que tout cela! Troisième strophe: la lutte.

Des mots c~mme « brandir,.poignards, ensan­ glanter, dards», traduisent bien la provocation, le ·.eOJ:nbat.. »

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