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Le renouvellement du genre

Publié le 14/01/2018

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l'évocation de grandes scènes, comme le célèbre tournoi d’Ivanhoé, tout cela a séduit d'emblée un large public. On sait que Balzac a rendu hommage à Walter Scott dans l'Avant-Propos de La Comédie humaine : c'est dans l'œuvre de Walter Scott qu'il a appris son métier de romancier. Il ne fut pas le seul à s'en inspirer : toute une génération s'est tournée vers le roman historique, et Scott a été le modèle qu'elle se proposait d'imiter. Dans le tableau de la vie littéraire française que Balzac a brossé dans Illusions perdues, la faveur dont jouit le roman historique est montée à son comble vers 1822 : c'est par L’Archer de Charles IX, roman dans la manière de Scott, que le héros de Balzac, Lucien de Rubempré, espère obtenir le succès.

 

L’apport de Walter Scott Le roman de Walter Scott séduisait

 

beaucoup de lecteurs par la vérité qu'il manifestait dans la résurrection du passé. Il faisait revivre une époque historique, montrait ses mœurs et ses croyances, peignait ses différentes classes sociales. Il donnait une importance nouvelle au menu peuple, jusque-là méprisé dans le roman. Scott accordait au décor une attention particulière ; il s'attardait à décrire le costume de ses personnages; bref, il composait des tableaux d'Histoire animés de vives couleurs. Scott reléguait au second plan ce qui, jusqu'alors, avait constitué l'essentiel du roman : les péripéties d'une intrigue sentimentale. Au-delà des amours d'Isabelle et de Quentin Durward, de Lady Rowena et du Chevalier Wilfrid, il entreprenait de peindre l'ltcosse avec ses divisions et ses luttes. L’Histoire n'était plus le décor d'une banale intrigue amoureuse, elle devenait le sujet même du livre, elle constituait le ressort de l'intérêt dramatique. L'intrigue recevait, de ce fait, une dignité et une ampleur nouvelles ; mais aussi, les sentiments des personnages devenaient, comme l'observait Louis Maigron, « généraux et publics ». C'est là un des points essentiels de l'apport de Walter Scott : ses personnages étaient représentatifs des groupes humains auxquels ils appartenaient; ils étaient certes marqués de traits individuels qui conféraient à leurs figures un relief pittoresque, mais ils incarnaient la mentalité de leur temps et les croyances de leur race. Cedric, dans Ivanhoé, représentait à lui seul toute une période de l'Histoire : il incarnait le Saxon vaincu, soumis, la rage au cœur, à l'envahisseur normand. C'est chez Walter Scott que Vigny, Hugo et Balzac ont trouvé la conception de personnages typiques qui, loin d'être abstraits et purement moraux comme ceux du théâtre classique, pouvaient s'imposer au lecteur par leur relief individuel et incarner en même temps l'esprit d'un temps et d'une nation.

 

C'est dans la facture même du récit que l'apport de Walter Scott a été le plus considérable : au récit linéaire, constitué d'épisodes successifs, Scott substituait un récit dont les épisodes, au lieu d'être ajoutés les uns aux autres sans grande rigueur, devenaient en quelque sorte convergents, chacun d'eux contribuant à faire progresser l'action. Bref, Walter Scott remplaçait le roman narratif par le roman dramatique dont Hugo et Balzac ont très vite compris la nouveauté et l'intérêt. Le romancier s'attachait à ne présenter en détail que les scènes essentielles, qu'il reliait entre elles par quelques chapitres de sobre narration. Il brossait d'abord le décor, puis décrivait

Pierre Flottes, le << testament d'une jeunesse ». Vigny laissait s'exprimer dans ce livre son amertume de jeune aristocrate déçu1.

 

« Les Chouans » Pour les romans de sa jeunesse qu'il avait

 

signés de pseudonymes, Balzac s’était inspiré de Maturin, de Pigault-Lebrun, de Ducray-Duminil : en 1829, pour le premier roman qui était signé de son nom, — Les Chouans — il s'inspirait de Walter Scott. Il en avait déjà écrit quelques épisodes en 1825, et il existait, en 1827, un manuscrit qui portait comme titre Le Gars : un projet d'avertissement accompagnait ce récit ; l'auteur déclarait son admiration pour Walter Scott, il lui savait gré d'évoquer l'esprit et le génie de chaque siècle, il disait son intention de présenter, lui aussi, des « tableaux de genre >> où l'histoire nationale fût peinte. Il présentait son livre comme la « première assise » d'une œuvre immense. De fait, l'auteur des Chouans, roman publié deux ans plus tard, utilisait largement les procédés du romancier anglais.

 

Pour écrire son livre, Balzac s'est minutieusement documenté ; il a lu des mémoires et des études ; mais surtout, il est allé sur place, à Fougères, s'informer des événements, recueillir des témoignages, contempler des sites. Il inaugurait la méthode documentaire. Mais, plutôt que de tenir registre de ses observations, il se fiait à sa prodigieuse mémoire. Il trouvait, dans cette expérience personnelle des choses et des gens, le moyen de suggérer le foisonnement et la complexité du réel. Au-delà de ce que ses portraits ou ses descriptions pouvaient avoir de pittoresque, il faisait vivre l'âme d'une région. Dès le début, il décrivait une vallée, s'arrêtait à des expressions locales, entrait dans la mentalité des habitants, scrutait la nature du sol, observait des coutumes encore féodales. Avec Les Chouans, le roman historique devenait déjà une étude sociale. Balzac prenait à Scott sa conception du type représentatif : la description pittoresque d'un personnage recouvrait souvent un caractère typique. Voici, dès le combat de la Pélerine, un jeune chef rebelle dont on nous décrit le costume et l'allure : mais aussitôt, le romancier ajoutait : << Son exaltation consciencieuse ( ... ) faisait de cet émigré une gracieuse image de la noblesse française, il contrastait vivement avec Hulot qui, à quatre pas de lui, offrait à son tour une image vivante de cette énergique république »! Balzac trouvait dans le roman historique l'occasion d'incarner déjà des << espèces sociales » sous les traits de personnages typiques.

 

Son roman était aussi un beau roman d'amour et, sur ce point, l'auteur oubliait quelque peu les leçons de Walter Scott. Balzac, relisant plus tard Les Chouans, confiait à Mme Hanska : << C'est décidément un magnifique poème. La passion y est sublime. Le pays et la guerre y sont dépeints avec une perfection et un bonheur qui m'ont surpris ». C'était le jugement d'un bon critique.

en train de se faire à travers le jeu des conflits. Ses apports techniques n'étaient pas chez lui des procédés gratuits. Ils mettaient en cause toute une conception de l'Histoire. La peinture des mœurs et des circonstances, le caractère dramatique de l'action, le rôle nouveau des dialogues dans le roman se référaient à l'ambition de saisir les éléments d'un vaste conflit historique dans une période de crise. Le dialogue en particulier permettait de mettre aux prises des héros qui, tout en étant fortement individualisés, incarnaient les forces en présence. Les héros de Scott, loin d'être des personnages historiques qui inclinaient à leur gré les événements, étaient en quelque sorte les incarnations contradictoires du devenir historique.

 

Au contraire, un écrivain comme Alfred de Vigny, selon les analyses de Georges Lukacs1, laisse voir, dans sa préface de Cinq-Mars, une conception du roman historique qui est tout à fait opposée à celle de Scott. Est-elle liée aux données historiques et sociales de la Restauration ? à la mentalité d'un aristocrate partisan d'un retour au passé ? « Nous avons tous, disait-il, les yeux attachés sur nos chroniques, comme si, parvenus à la virilité en marchant vers de plus grandes choses, nous nous arrêtions un moment pour nous rendre compte de notre jeunesse et de ses erreurs ». La préoccupation historique avait, pour Vigny, la vertu d'une mise en garde. Il s'agissait de mettre en évidence les erreurs qui ont fâcheusement abouti à la Révolution. Vigny remontait à l'époque de Richelieu pour les découvrir : la noblesse avait perdu son indépendance, la bourgeoisie capitaliste, dès ce moment, n'avait cessé de progresser. Si bien que chez Vigny, selon Georges Lukacs, « la modernisation décorative de l'Histoire sert à illustrer une tendance politique et morale d'actualité », Vigny, certes, mettait en lumière le conflit entre le pouvoir central et l'indépendance de la noblesse. Mais, loin de saisir le mouvement qui s'accomplit comme un progrès, il y voyait une erreur. Au lieu de comprendre, il jugeait et condamnait. Lukacs a voulu montrer de la même façon que Victor Hugo avait construit Notre-Dame de Paris, — et Les Misérables —, selon des principes semblables. Certes, Hugo empruntait à Scott le goût du pittoresque, l'art de faire se mouvoir les foules, la force de la construction dramatique, l’art du dialogue. Mais, au lieu de représenter les forces historiques en lutte, comme Scott réussit à le faire souvent, Hugo brosse un tableau vigoureux de l'affrontement du bien et du mal, du vice et de la vertu. Dans Notre-Dame de Paris, comme dans Les Misérables, il passe du social au moral. La reconstitution du passé séduit son imagination enfiévrée. Il y trouve des jouissances esthétiques. Un pittoresque flamboyant se substitue à une compréhension profonde du caractère historique.

 

Opposé à Hugo et à Vigny, Mérimée est un héritier du xvme siècle. Il trouve dans l'Histoire deux choses qui l'éloignent lui aussi de Walter Scott. D'une part, le relativisme et l'empirisme d'une reconstitution anecdotique qui profile les événements selon leur dimension quotidienne, d'autre part, des leçons de scepticisme et des vérités générales qui se rattachent à une idéologie liée au culte des lumières. Il réussit à présenter d'une manière réaliste les mœurs d'une époque. Mais il échoue à reconstituer le lien organique

« l'évocation de grandes scènes, comme le célèbre tournoi d'Ivanhoé, tout cela a séduit d'emblée un large public.

On sait que Balzac a rendu hommage à Walter Scott dans l'Avant-Propos de La Comé die humaine : c'est dans l'œuvre de Walter Scott qu'il a appris son métier de romancier.

Il ne fut pas le seul à s'en inspirer : toute une génération s'est tournée vers le roman historique, et Scott a été le modèle qu'elle se proposait d'imiter.

Dans le tableau de la vie littéraire française que Balzac a brossé dans Illusions perdues, la faveur dont jouit le roman historique est montée à son comble vers I822 : c'est par L'Archer de Charles IX, roman dans la manière de Scott, que le héros de Balzac, Lucien de Rubempré, espère obtenir le succès.

L' apport de Walter Scott Le roman de Walter Scott séduisait beaucoup de lecteurs par la vérité qu'il manifestait dans la résurrection du passé.

Il faisait revivre une époque historique, montrait ses mœurs et ses croyances, peignait ses différentes classes sociales.

Il donnait une importance nouvelle au menu peuple, jusque-là méprisé dans le roman.

Scott accordait au décor une attention particulière ; il s'attardait à décrire le costume de ses personnages; bref, il composait des tableaux d'Histoire animés de vives couleurs.

Scott reléguait au second plan ce qui, jusqu'alors, avait constitué l'essentiel du roman : les péripéties d'une intrigue sentimentale.

Au-delà des amours d'Isabelle et de Quentin Durward, de Lady Rowena et du Chevalier Wilfrid, il entreprenait de peindre l'ltcosse avec ses divisions et ses luttes.

L'Histoire n'était plus le décor d'une banale intrigue amoureuse, elle devenait le sujet même du livre, elle constituait le ressort de l'intérêt dramatique.

L'intrigue recevait, de ce fait, une dignité et une ampleur nouvelles ; mais aussi, les sentiments des personnages devenaient, comme l'observait Louis Maigron, « généraux et publics ».

C'est là un des points essentiels de l'apport de Walter Scott : ses personnages étaient représentatifs des groupes humains auxquels ils appartenaien t; ils étaient certes marqués de traits individuels qui conféraient à leurs figures un relief pittoresque, mais ils incarnaient la mentalité de leur temps et les croyances de leur race.

Cedric, dans Ivanhoé , représentait à lui seul toute une période de l'Histoire : il incarnait le Saxon vaincu, soumis, la rage au cœur, à l'envahisseur normand.

C'est chez Walter Scott que Vigny, Hugo et Balzac ont trouvé la conception de personnages typiques qui, loin d'être abstraits et purement moraux comme ceux du théâtre classique, pouvaient s'imposer au lecteur par leur relief individuel et incarner en même temps l'esprit d'un temps et d'une nation.

C'est dans la facture même du récit que l'apport de Walter Scott a été le plus considérable : au récit linéaire, constitué d'épisodes successifs, Scott substituait un récit dont les épisodes, au lieu d'être ajoutés les uns aux autres sans grande rigueur, devenaient en quelque sorte convergents, chacun d'eux contribuant à faire progresser l'action.

Bref, Walter Scott remplaçait le roman narratif par le roman dramatiqu e dont Hugo et Balzac ont très vite compris la nouveauté et l'intérêt.

Le romancier s'attachait à ne présenter en détail que les scènes essentielles, qu'il reliait entre elles par quelques chapitres de sobre narration.

Il brossait d'abord le décor, puis décrivait. »

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