Le rôle du metteur en scène
Publié le 21/10/2014
Extrait du document
«
en tableaux, en scènes.
Faut-il cinq actes comme dans le théâtre classique hérité du théâtre grec, ou plutôt des
tableaux ? Rhinocéros d'Eugène Ionesco raconte comment les habitants d'une petite ville imaginaire se transforment
progressivement en rhinocéros à l'exception d'un seul qui résiste à cette épidémie.
Ionesco compose sa pièce en trois
actes et quatre tableaux, pour montrer les différents stades de l'évolution de la maladie.
Ainsi, le premier tableau-
exposition, permet de découvrir les deux principaux protagonistes, Jean et Bérenger, qui forment un couple d'amis
antithétique, leurs caractères et comportements étant complètement opposés : autant Jean se montre soigné,
ponctuel, incarne l'autorité et la raison, autant Bérenger apparaît négligé, en retard, conciliant, en marge par son
alcoolisme et son mal-être.
Les tableaux suivants feront apparaître une inversion des rôles.
Le deuxième tableau de
l'acte II montre la métamorphose de Jean, aussi bien physique que morale, sous le regard effrayé et impuissant de
son ami Bérenger.
Le texte révélant sa brutalité, son impudeur, son laisser-aller avec le passage du vouvoiement au
tutoiement, la dislocation de la syntaxe, montre qu'il perd progressivement ce qui faisait son humanité : « Chaud…
trop chaud.
Démolir tout cela, vêtements, ça gratte, vêtements, ça gratte.
» À la fin du dernier tableau, à l'acte III,
Bérenger, l'inadapté, reste le seul homme à avoir résisté à la contagion, c'est lui qui proclame : « Je suis le dernier
homme, je le resterai jusqu'au bout ! Je ne capitule pas ! »
C'est l'auteur aussi qui écrit les dialogues, en vers ou en prose, dans un style qui lui est propre, qui impulse un rythme
aux échanges en alternant longues tirades, courtes répliques, stichomythies ou qui choisit d'y insérer des monologues
permettant aux personnages d'exprimer leurs sentiments, leurs conflits intérieurs.
Certains sont restés célèbres,
comme celui de Figaro à la fin de la pièce de Beaumarchais, Le Mariage de Figaro , un des plus longs de la scène
française.
Citons aussi les sept monologues d'Hamlet dans la pièce de Shakespeare qui sont essentiels à la
compréhension du personnage, à tel point que si on les met bout à bout, ils permettent de suivre son évolution.
Le
premier, par exemple, révèle un Hamlet révolté contre « les souillures de la chair » parce que sa mère a osé se
remarier avec Claudius, qui a assassiné son propre frère le roi Hamlet pour prendre sa place sur le trône, et il ne voit
pas d'autre issue à son dégoût que la mort.
Dans le fameux monologue de l'acte III, scène 1 qui commence par la
célèbre formule : « Être ou ne pas être, telle est la question », Hamlet s'interroge sur l'opportunité ou pas de mourir et
expose son dilemme.
Ces différents monologues sont révélateurs de sa difficulté à agir, empêché qu'il est, sous le
poids de la réflexion.
Mais ce qui fait aussi leur intérêt, c'est la densité de la pensée de Hamlet : pas un mot qui
n'exprime la profondeur de sa méditation, l'intensité de son émotion, le tout dans une langue admirable : ces
monologues écrits en vers libres, sont des morceaux de poésie pure.
La pièce de Christine Montalbetti, Le Cas Jekyll ,
qui est une réécriture de la célèbre nouvelle de Stevenson, n'est qu'un long monologue où le savant D r
Jekyll se
confesse à son ami le notaire Utterson et lui raconte sa terrible histoire, son dédoublement, sa métamorphose en
Hyde, un dangereux criminel… L'écriture du monologue, qui revient par exemple sur l'expérience de sa première
transformation, traduit les douleurs physiques qu'il s'est imposées pour devenir Hyde ou vice versa mais aussi et
surtout sa souffrance morale, car il ressent son pouvoir comme une malédiction – « Nuit maudite ! » – au point qu'il
implore qu'on le prenne en pitié, ce que l'auteur a choisi de lui faire exprimer en anglais, comme un cri du cœur :
« Ah, my goodness ! […] Utterson, for God's sake, have mercy ! ».
2.
L'auteur peut même vouloir imposer sa propre vision de la représentation en donnant ses indications de
mise en scène
Peu nombreuses dans le théâtre classique, les didascalies deviennent très importantes à partir du xix e
siècle et dans
certaines pièces contemporaines, celles de Ionesco ou de Beckett, en particulier dans Fin de partie , presque
uniquement composée de didascalies, ou encore En attendant Godot .
Celles-ci sont précieuses et permettent par
exemple, à la simple lecture, d'imaginer les personnages dans un décor avec leurs intonations, leur gestuelle… Le
premier tableau de Rhinocéros a pour titre « Décor » et commence par une interminable didascalie qui décrit
effectivement le décor avec une infinie précision, un luxe de détails : « Une place dans une petite ville de province.
Au
fond, une maison composée d'un rez-de-chaussée et d'un étage.
Au rez-de-chaussée, la devanture d'une épicerie.
On y entre par une porte vitrée qui surmonte deux ou trois marches.
Au-dessus de la devanture est écrit en
caractères très visibles le mot : "Épicerie" » Et cela continue ainsi pendant une page.
Le décor est parfaitement planté
par l'auteur, la mise en scène devient même dispensable !
Certaines didascalies peuvent être ainsi incontournables pour le futur metteur en scène, soucieux de rester fidèle au
sens de la pièce.
En attendant Godot , s'ouvre sur cette didascalie : « Route à la campagne, avec arbre.
Soir.
Estragon, assis sur une pierre, essaie d'enlever sa chaussure.
Il s'y acharne des deux mains, en ahanant.
Il
s'arrête, à bout de forces, se repose en haletant, recommence.
Même jeu.
Entre Vladimir.
» Cet arbre est le lieu de
rendez-vous unique pour les deux vagabonds qui attendent Godot, ce mystérieux personnage qui ne viendra jamais,
aussi leur faut-il trouver des distractions pour tuer le temps et cette chaussure représente une de ces distractions : ici,
quelques mots suffisent pour suggérer une sorte de combat quasi épique entre le personnage et sa chaussure qu'il
n'arrive pas à ôter de son pied ! L'arbre, tantôt dénudé, tantôt couvert de feuilles, suggérera le passage du temps, des
saisons.
Faire abstraction de ces indications fait courir le risque au metteur en scène de passer à côté d'éléments
essentiels à la compréhension de la pièce.
3.
L'auteur garde toute liberté et toute autorité par rapport au metteur en scène
L'auteur peut vouloir faire abstraction des contraintes liées à la mise en scène et sa pièce peut effectivement rester
texte littéraire et faire l'économie de la représentation.
Il peut ainsi écrire en toute liberté des pièces difficilement
représentables compte tenu du nombre de personnages, de lieux, d'un étirement de l'action dans le temps… Le
gigantesque édifice baroque qu'est Le Soulier de satin de Paul Claudel, « drame mystique en quatre journées »,
implique une multiplicité de personnages, emmène le lecteur sur plusieurs continents et suppose onze heures de
représentation dans sa version initiale.
« La scène de ce drame est le monde », commente d'ailleurs son auteur.
Très
rares sont les metteurs en scène qui ont osé tenter l'aventure : Antoine Vitez au Festival d'Avignon en 1987, Olivier.
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