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Le rôle du metteur en scène

Publié le 21/10/2014

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Contrairement à d'autres genres littéraires comme le roman, le théâtre est destiné à être joué après son écriture. Il nécessite donc d'un metteur en scène afin d'être représenté sous forme de spectacle. Celui-ci doit donc retravailler le texte écrit au préalable et le remodeler à sa manière. Devient-il ainsi le véritable créateur d'une pièce, au détriment de l'auteur? Nous le verrons en traitant d'abord du créateur qu'est l'auteur, puis en nous intéressant au véritable rôle du metteur en scène. L'auteur, tout d'abord, est à l'origine du texte. En effet, il tient un rôle de base car c'est celui qui imagine la pièce et qui l'écrit comme il l'entend. Il en définit l'époque, mais ausi les scènes et les actes, de manière à montrer l'évolution de sa pièce. Dans Rhinocéros, par exemple, Ionesco choisit de mettre en place trois actes seulement afin de marquer l'évolution de son personnage principal, Bérenger. Il nous offre sa présentation dans le premier acte où il apparaît comme maladroit et négligé. Puis, dans le deuxième acte, il se révèle supérieur à son ami Jean qui devient comme fou avant, dans le troisième et dernier acte, de rester le seul homme à résister à la transformation. L'auteur permet également de révéler les émotions et les sentiments de ses personnages en insérant des monologues dans ses textes, comme le célèbre monologue de Figaro dans Le mariage de Figaro de Beaumarchais et qui est l'un des plus long monologues du théâtre français. Il nous permet d'en apprendre d'avantage sur le passé de ce fameux personnage ainsi que sur sa position d'époux jaloux, s'insurgeant sur une société de privilèges. Cette importance du monologue est également retrouvé dans Hamlet de Shakespeare, avec cet autre celèbre monologue du ,,Etre ou ne pas être, telle est la question." Il montre le dilemme auquel Hamlet est en proie, à travers ses longues réflexions. Enfin, le monologue d'Antigone dans la pièce de Anouilh nous fait découvrir toutes ses plaintes lorsqu'elle affirme ne rien vouloir comprendre, et nous en apprend donc d'avantage sur le caractère de la jeune fille. A travers ses textes, l'auteur peut également donner la vision qu'il imagine de la représentation de ses propres pièces, cela grâce aux didascalies. Exceptées quelques pièces, comme certaines d'Alfred de Musset, les oeuvres théâtrales se destinent à la représentation et emploient donc des didascalies afin d'aider au jeu de l'acteur. Dans En attendant Godot de Beckett, les didascalies sont très présentes. Le décor y est implanté dès le début (l'on y voit l'arbre qui ne quittera pas la scène). De même, dans Les Mouches de Jean Paul Sartre, le monologue d'Electre est ponctué de didascalies à de nombreuses reprises. L'on sait quand celle ci se lève, quand elle s'agenouille, quand elle se tait... Ces didascalies sont donc importantes au déroulement de la pièce car elles sont essentielles à la compréhension de la pièce, certaines pouvant être symboliques, comme l'arbre qui montre le temps qui passe dans En attendant Godot. Enfin, l'auteur peut également poser certaines contraintes au metteur en scène. Ainsi, il peut s'opposer à la représentation de sa pièce en ne montant qu'un texte littéraire en les rendant irreprésentables : lieux, actions trop longues, trop de personnages... Comme nous l'avons vu précedemment, ce fut le cas d'Alfred de Musset qui écrivit des pièces de ,,Spectacle dans un fauteuil", qui n'étaient dédiées qu'à la lecture, ce qu'imitera Victor Hugo dans ,,Théâtre en liberté", où la représentation du texte est donc rendue libre pour le lecteur. De même, dans Lorenzaccio, les lieux multiples et l'intensité du nombre de personnages rend sa représentation sur scène difficile. Nous voyons donc que l'auteur a une part très importante quant à la création de la pièce, puisqu'il en constitue les racines. Cependant, la pièce de théâtre est destinée à être représentée sur scène, d'où l'intervention du metteur en scène. Le metteur en scène peut, lui aussi, être considéré comme le créateur d'une pièce. Tout d'abord, il donne vie aux personnages en concevant de nombreux éléments de la scène : les costumes, les décors, les lumières, la musiques... etc. dans ses mimes, les personnages de Pierrot et Colombine, frêles...

« en tableaux, en scènes.

Faut-il cinq actes comme dans le théâtre classique hérité du théâtre grec, ou plutôt des tableaux ? Rhinocéros d'Eugène Ionesco raconte comment les habitants d'une petite ville imaginaire se transforment progressivement en rhinocéros à l'exception d'un seul qui résiste à cette épidémie.

Ionesco compose sa pièce en trois actes et quatre tableaux, pour montrer les différents stades de l'évolution de la maladie.

Ainsi, le premier tableau- exposition, permet de découvrir les deux principaux protagonistes, Jean et Bérenger, qui forment un couple d'amis antithétique, leurs caractères et comportements étant complètement opposés : autant Jean se montre soigné, ponctuel, incarne l'autorité et la raison, autant Bérenger apparaît négligé, en retard, conciliant, en marge par son alcoolisme et son mal-être.

Les tableaux suivants feront apparaître une inversion des rôles.

Le deuxième tableau de l'acte II montre la métamorphose de Jean, aussi bien physique que morale, sous le regard effrayé et impuissant de son ami Bérenger.

Le texte révélant sa brutalité, son impudeur, son laisser-aller avec le passage du vouvoiement au tutoiement, la dislocation de la syntaxe, montre qu'il perd progressivement ce qui faisait son humanité : « Chaud… trop chaud.

Démolir tout cela, vêtements, ça gratte, vêtements, ça gratte.

» À la fin du dernier tableau, à l'acte III, Bérenger, l'inadapté, reste le seul homme à avoir résisté à la contagion, c'est lui qui proclame : « Je suis le dernier homme, je le resterai jusqu'au bout ! Je ne capitule pas ! » C'est l'auteur aussi qui écrit les dialogues, en vers ou en prose, dans un style qui lui est propre, qui impulse un rythme aux échanges en alternant longues tirades, courtes répliques, stichomythies ou qui choisit d'y insérer des monologues permettant aux personnages d'exprimer leurs sentiments, leurs conflits intérieurs.

Certains sont restés célèbres, comme celui de Figaro à la fin de la pièce de Beaumarchais, Le Mariage de Figaro , un des plus longs de la scène française.

Citons aussi les sept monologues d'Hamlet dans la pièce de Shakespeare qui sont essentiels à la compréhension du personnage, à tel point que si on les met bout à bout, ils permettent de suivre son évolution.

Le premier, par exemple, révèle un Hamlet révolté contre « les souillures de la chair » parce que sa mère a osé se remarier avec Claudius, qui a assassiné son propre frère le roi Hamlet pour prendre sa place sur le trône, et il ne voit pas d'autre issue à son dégoût que la mort.

Dans le fameux monologue de l'acte III, scène 1 qui commence par la célèbre formule : « Être ou ne pas être, telle est la question », Hamlet s'interroge sur l'opportunité ou pas de mourir et expose son dilemme.

Ces différents monologues sont révélateurs de sa difficulté à agir, empêché qu'il est, sous le poids de la réflexion.

Mais ce qui fait aussi leur intérêt, c'est la densité de la pensée de Hamlet : pas un mot qui n'exprime la profondeur de sa méditation, l'intensité de son émotion, le tout dans une langue admirable : ces monologues écrits en vers libres, sont des morceaux de poésie pure.

La pièce de Christine Montalbetti, Le Cas Jekyll , qui est une réécriture de la célèbre nouvelle de Stevenson, n'est qu'un long monologue où le savant D r Jekyll se confesse à son ami le notaire Utterson et lui raconte sa terrible histoire, son dédoublement, sa métamorphose en Hyde, un dangereux criminel… L'écriture du monologue, qui revient par exemple sur l'expérience de sa première transformation, traduit les douleurs physiques qu'il s'est imposées pour devenir Hyde ou vice versa mais aussi et surtout sa souffrance morale, car il ressent son pouvoir comme une malédiction – « Nuit maudite ! » – au point qu'il implore qu'on le prenne en pitié, ce que l'auteur a choisi de lui faire exprimer en anglais, comme un cri du cœur : « Ah, my goodness ! […] Utterson, for God's sake, have mercy ! ».

2.

L'auteur peut même vouloir imposer sa propre vision de la représentation en donnant ses indications de mise en scène Peu nombreuses dans le théâtre classique, les didascalies deviennent très importantes à partir du xix e siècle et dans certaines pièces contemporaines, celles de Ionesco ou de Beckett, en particulier dans Fin de partie , presque uniquement composée de didascalies, ou encore En attendant Godot .

Celles-ci sont précieuses et permettent par exemple, à la simple lecture, d'imaginer les personnages dans un décor avec leurs intonations, leur gestuelle… Le premier tableau de Rhinocéros a pour titre « Décor » et commence par une interminable didascalie qui décrit effectivement le décor avec une infinie précision, un luxe de détails : « Une place dans une petite ville de province.

Au fond, une maison composée d'un rez-de-chaussée et d'un étage.

Au rez-de-chaussée, la devanture d'une épicerie.

On y entre par une porte vitrée qui surmonte deux ou trois marches.

Au-dessus de la devanture est écrit en caractères très visibles le mot : "Épicerie" » Et cela continue ainsi pendant une page.

Le décor est parfaitement planté par l'auteur, la mise en scène devient même dispensable ! Certaines didascalies peuvent être ainsi incontournables pour le futur metteur en scène, soucieux de rester fidèle au sens de la pièce.

En attendant Godot , s'ouvre sur cette didascalie : « Route à la campagne, avec arbre.

Soir.

Estragon, assis sur une pierre, essaie d'enlever sa chaussure.

Il s'y acharne des deux mains, en ahanant.

Il s'arrête, à bout de forces, se repose en haletant, recommence.

Même jeu.

Entre Vladimir.

» Cet arbre est le lieu de rendez-vous unique pour les deux vagabonds qui attendent Godot, ce mystérieux personnage qui ne viendra jamais, aussi leur faut-il trouver des distractions pour tuer le temps et cette chaussure représente une de ces distractions : ici, quelques mots suffisent pour suggérer une sorte de combat quasi épique entre le personnage et sa chaussure qu'il n'arrive pas à ôter de son pied ! L'arbre, tantôt dénudé, tantôt couvert de feuilles, suggérera le passage du temps, des saisons.

Faire abstraction de ces indications fait courir le risque au metteur en scène de passer à côté d'éléments essentiels à la compréhension de la pièce.

3.

L'auteur garde toute liberté et toute autorité par rapport au metteur en scène L'auteur peut vouloir faire abstraction des contraintes liées à la mise en scène et sa pièce peut effectivement rester texte littéraire et faire l'économie de la représentation.

Il peut ainsi écrire en toute liberté des pièces difficilement représentables compte tenu du nombre de personnages, de lieux, d'un étirement de l'action dans le temps… Le gigantesque édifice baroque qu'est Le Soulier de satin de Paul Claudel, « drame mystique en quatre journées », implique une multiplicité de personnages, emmène le lecteur sur plusieurs continents et suppose onze heures de représentation dans sa version initiale.

« La scène de ce drame est le monde », commente d'ailleurs son auteur.

Très rares sont les metteurs en scène qui ont osé tenter l'aventure : Antoine Vitez au Festival d'Avignon en 1987, Olivier. »

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