LE ROMAN AU XIXe siècle
Publié le 25/05/2012
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Il se disait romantique, et il l'était par son éducation, par ses admirations littéraires: Hugo était son Dieu. Il avait des préjugés, des manies de romantique échevelé : cet excellent homme professait candidement, avec une féroce truculence de paroles, la haine du bourgeois, de la vie et de la morale bourgeoises; il avait soif d'étrangeté, d'énormité, d'exotisme. On le sent tout voisin de Gautier et de Baudelaire. Puis, le romantisme a fait l'éducation artistique de Flaubert : du romantisme, il a retenu le sens de la couleur et de la forme, la science du maniement des mots comme sons et comme images; de la seconde génération romantique, de Gautier et de l'école de l'art pour l'art, il a pris le souci de la perfection de l'exécution, la technique scrupuleuse et savante. Le choix d'un adjectif le fait suer d'angoisse; il tourne et retourne sa phrase, la faisant passer par son gueuloir, jusqu'à ce qu'elle satisfasse son oreille par d'expressives harmonies. Mais voici par où il sort du romantisme : il a senti le besoin de dompter son imagination, et il s'est mis à la rude école de la nature. Docilement, patiemment, il s'applique à la copier pour la rendre en son propre et singulier caractère. Il travaille à s'éliminer de son oeuvre, c'est-à-dire à n'y rester que par la maîtrise de sa facture. Il veut que le roman soit objectif, impersonnel, " impassible «; et, malgré les violences ou les gaucheries des formules dont il use dans sa Correspondance, il a raison lorsqu'il veut que l'émotion, la pitié sortent, s'il y a lieu, des choses mêmes, et non pas d'une pression directe de l'auteur sur le lecteur, lorsqu'il défend au romancier de forcer pour ainsi dire la carte de la sympathie ou de l'attendrissement par une intervention indiscrète. Le roman, ainsi, ne sera plus la conlîdence d'un individu et souvent le jeu de sa fantaisie : il sera ce que sa définition veut qu'il soit, un miroir de l'àme humaine, un tableau de la vie. Par ces théories, Flaubert se rapproche sensiblement de la doctrine classique, et son impassibilité ressemble fort à la raison du xviie siècle. De fait, il a abdiqué les haines littéraires des romantiques: il admire jusqu'à Boileau, dont il ne souffre pas qu'on dise du mal, parce qu'enlin il a fait ce qu'il a voulu. Il sent dans Boileau un art impersonnel et la perfection d'une certaine technique...
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i056 LE NATURALISME.
Il sc disait romantique, et il l'était par son éducation, par ses
admirations littéraires: Hugo était son Dieu.
Il avait des préjugés,
des manies de romantique échevelé : cet excellent homme pro
fessait candidement, avec une féroce truculence de paroles, la haine du bourgeois, de la vie et de la morale bourgeoises; il avait
soif d'étrangeté, d'énormité, d'exotisme.
On le sent tout voisin de .
Gautier et de Baudelaire.
Puis, le romantisme a fait l'éducation
artistique de Flaubert : du romantisme, il a retenu le sens de la couleur et de la forme, la science du maniement des mots comme
sons et comme images; de la seconde génération romantique, de Gautier et de l'école de l'art pour l'art, il a pris Je souci de la per
fection de l'exécution, la technique scrupuleuse et savante.
Le choix d'un adjectif le fait suer d'angoisse; il tourne et retourne sa phrase, la faisant passer par son gueuloir, jusqu'à ce qu'elle satis
fasse son oreille par d'expressives harmonies.
Mais voici par où il sort du romantisme : il a senti le besoin de dompter son imagination, et il s'est mis à la rude école de la nature.
Docilement, patiemment, il s'applique à la copier pour la rendre en son propre et singulier caractère.
Il travaille à s'élimi ner de son œuvre, c'est-à-dire à n'y rester que par la maîtrise de sa facture.
Il veut que le roman soit objectif, impersonnel, " im passible»; et, malgré les violences ou les gaucheries des formules
dont il use dans sa Correspondance, il a raison lorsqu'il veut que
l'émotion, la pitié sortent, s'il y a lieu, des choses mêmes, et non
pas d'une pression directe de l'auteur sur le lecteur, lorsqu'il
défend au romancier de forcer pour ainsi dire la carte de la sym pa! hie ou de l'attendrissement par une intervention indiscrète.
Le roman, ainsi, ne sera plus la conlîdence d'un individu et sou
vent le jeu de sa fantaisie : il sera ce que sa définition veut qu'il
soit, un miroir de l'àme humaine, un tableau de la vie.
Par ces
théories, Flaubert se rapproche sensiblement de la doctrine clas sique, et son impassibilité ressemble fort à la raison du xvn• siè cle.
De fait, il a abdiqué les haines littéraires des romantiques: il admire jusqu'à Boileau, dont il ne souffre pas qu'on dise du mal,
parce qu'enlin il a fait ce qu'il a voulu.
Il sent dans Boileau un art impersonnel et la perfection d'une certaine technique.
Madame Bovary(1857) a chance d'être le chef-d'œuvre du roman contemporain :c'est une œuvre d'observation minutieuse et serrée
dans une forme tout à la fois éclatante et sobre.
Le réalisme de Flaubert n'est jamais une servile et plate copie des apparences
P.
Bourget, Essa.
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