Le système des personnages - LA TRAGÉDIE RACINIENNE
Publié le 26/03/2015
Extrait du document
«
nesques et galantes, en faisant de son théâtre le lieu de conflits familiaux impi
toyables.
En effet,
la famille racinienne, cette « horde primitive » (R.
Barthes, Sur
Racine, 1963), ne cesse de se déchirer en des conflits paroxystiques qui la rappro
chent de la sauvagerie : la récurrence* du lexique de la barbarie renvoie bien à cette
dimension archaïque du rapport à l'autre.
Chez Racine, les pères sont dangereux
pour leurs enfants, qu'ils veulent faire mourir (Agamemenon, Thésée, Amurat,
Joas), les mères sont des tyrans (Agrippine), les femmes sont des proies
qu'on
s'arrache (Eriphile, Junie, Andromaque), les frères et sœurs sont par essence enne
mis (Néron et Britannicus, Pharnace et Xipharès, Iphigénie et Eriphile).
L'inceste,
le viol, le fratricide et le parricide sont donc le mode habituel de relation entre des
personnages qu'anime une perpétuelle«
fureur» : pour tenter de briser la logique
implacable qui les écrase, ceux-ci n'ont d'autre ressource que l'effraction, c'est-à
dire le viol de tous les tabous.
C'est ainsi que Néron est contraint de se faire
monstre, pour exister et s'émanciper de la tyrannique emprise de sa mère.
Il -LA RELATION AMOUREUSE S'INSCRIT AUSSI
DANS CETTE LOGIQUE DE LA VIOLENCE ET DU CONFLIT
La violence faite à l'autre
Comme toute relation à l'autre, la relation amoureuse prend donc essentielle
ment la forme d'un conflit.
Le système des personnages de la tragédie repose sur ce
qu'on a
appelé:« le triangle racinien», qui peut être formulé ainsi: A aime B qui
aime C; cela implique un conflit entre A et C.
La jalousie, génératrice de violence,
est donc au principe de cette relation, qui se fonde sur la volonté de possession de
l'autre.
On trouve ce schéma dans Andromaque: Oreste aime Hermione, qui aime
Pyrrhus : Oreste tuera Pyrrhus.
On peut analyser de même Britannicus (Néron aime
Junie qui aime Britannicus: Néron tue Britannicus), ou encore Phèdre (Phèdre aime
Hippolyte qui aime Aricie : Phèdre voudra tuer Aricie ).
Mithridate et Bajazet illus
trent également le mécanisme du triangle racinien, qui fait du théâtre de Racine un
théâtre de la violence bien plus
qu'un théâtre de l'amour.
L'amour et la dette
Le mécanisme de la dette est également à l'œuvre au sein de la relation amou
reuse : selon la même logique que pour la dette familiale, la dette crée un conflit
sous-jacent que la tragédie fait éclater au grand jour.
La thématique récurrente de
l'ingratitude appliquée au champ amoureux (par Hermione, Phèdre ou Roxane)
montre bien que la relation amoureuse ne peut être vécue, dans le monde racinien,
que sur le mode de la frustration ou celui de la violence.
Dans ce jeu, chacun est
coupable et victime à la fois -ce qui est le propre du tragique.
Comme le souligne
Albert Camus,
« les forces qui s'affrontent dans la tragédie sont également légi
times, également armées en
raison» (Conférence sur l'avenir de la tragédie, in
La Pléiade, 1955,
p.
1703).
Conclusion : Le système des personnages dans le théâtre racinien est donc
fondé sur l'aliénation et son corollaire obligé, la violence.
Cette« détona
tion catastrophique
» (R.
Barthes, op.
cit.) est le seul chemin possible vers
une improbable liberté..
»
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