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LE SYSTÈME DRAMATIQUE DE RACINE

Publié le 15/05/2011

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A) Théorie.

Racine n'imagine plus, comme Corneille, le grand et l'extraordinaire; il s'applique, au contraire, à reproduire la vie dans ses intérêts et passions les plus habituels aux hommes, il représente donc des êtres humains en qui nous pouvons tous nous reconnaître, qui nous touchent ou nous terrifient et que nous plaignons ou maudissons au lieu de les admirer. Son théâtre représente, sous des visages de rois et de héros, des hommes comme nous, éprouvant les passions d'amour et d'ambition qui ont déchiré le coeur humain en tout pays et en tout temps. Et s'il situe ses sujets si haut, c'est pour ennoblir une peinture qui est, au fond, celle de la vie commune d'aujourd'hui et de toujours : une veuve inconsolée, une mère anxieuse pour son enfant parce qu'elle ne peut le sauver qu'en épousant un homme qu'elle n'aime pas (Andromaque); un père qui sacrifie sa fille à son ambition (Iphigénie); un jeune homme vicieux qui s'affranchit des contraintes et secoue le joug de sa famille (Britannicus); l'amour coupable d'une femme pour son beau-fils (Phèdre); amours tendres, inquiètes de jeunes filles (intrigues secondaires).

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« le spectateur reste dans l'angoisse, ballotté de la crainte à l'espoir.Action simple et rapide.

Un événement initial exige un dénouement urgent de la crise : c'est l'arrivée d'Oreste,ambassadeur des Grecs, qui réclame le fils d'Hector pour le faire mettre à mort.

Entre cet événement et ceux de lacatastrophe finale, aucun autre; rien que des passions et des sentiments, passions et sentiments tous orientés parAndromaque, dont l'hésitation entre ses deux devoirs attire ou repousse Pyrrhus, lequel renouvelle ou retire sapromesse à Hermione, qui à son tour se retourne vers Oreste ou l'abandonne.

C'est dans une âme que l'action de lapièce a son ressort unique.Dénouement terrible, inattendu, mais en accord avec les données.

On attendait la mort d'Andromaque oud'Astyanax; c'est Pyrrhus et Hermione qui périssent soudain, tandis qu'Oreste devient fou et qu'Andromaque varégner avec son fils sur l'Epire.

La passion la plus violente (Hermione) a poussé à l'acte criminel le personnage le plusfaible de volonté et d'âme (Oreste).

Et le meurtre de l'homme aimé a entraîné l'amante dans la mort : quoi de plusconforme à la logique des passions ? Terrible logique qui semble vouloir venger de la Grèce Hector et les Troyens. C) L'exemple de « Britannicus ». Exposition du sujet complexe.

L'impératrice mère voit son fils Néron lui reprendre le pouvoir dont elle a la passion :l'arrachera-t-elle à l'ingrat, qui oscille entre les conseils de Burrhus et ceux de Narcisse ? D'autre part, Britannicus etsa fiancée Junie sauveront-ils leur obscur bonheur que Néron menace cruellement ?Situation qui serre le cœur.

La vie même des plus faibles, et non seulement leur bonheur, est en danger; le sort deBritannicus, celui de Junie, nous angoissent.Action simple et rapide.

Comme la victoire brutale de Néron sur son rival ou bien son effacement devant luisignifieront soumission obéissante à sa mère ou révolte contre elle, et, en fin de compte, choix de la vertu ou ducrime, l'action unifie la complexité du sujet.

Il suffit donc que Junie soit enlevée par ordre de l'Empereur, pour quel'action.

tragique se trouve déclenchée, puis se déroule par les seuls mouvements que font dans l'âme de Néronl'amour et l'orgueil, la peur et la colère, ses réactions aux autres personnages, lesquels n'ont de valeur dramatiquequ'en tant qu'alliés au ennemis du monstre naissant en lutte avec son passé.

Il est évident que de tellescirconstances exigent une décision sans délai.Dénouement terrible, inattendu, mais en accord avec les données.

Tout a été si bien agencé par l'auteur que lemême coup de théâtre prendra trois aspects : empoisonnement de Britannicus, désespoir de Junie, défaited'Agrippine. D) L'exemple « Athalie ». Le sujet d'Athalie posait à Racine des problèmes un peu différents à résoudre selon son système dramatique.

Car :a) un personnage essentiel, Eliacin, est un enfant, un être exempt de toute passion; b) cet enfant couronné roi desJuifs sous le nom de Joas, une illumination prophétique nous révèle qu'il sera repris un jour par l'impiété et vengeraAthalie : ce qui pourrait être regardé comme une maladresse funeste à notre sympathie pour Eliacin et donc àl'intérêt dramatique; c) aucun des deux autres personnages de premier plan n'est sympathique, ni Athalie, cruelle etterrifiante, ni Joad, fanatique et rusé; d) enfin : le lyrisme des choeurs ne va-t-il pas ralentir l'action ?La force d'intérêt et la rapidité d'action se trouvent garanties par la plus haute des nouveautés d'Athalie : Racine afait son personnage principal non pas de Joas, ni de Joad, ni d'Athalie, mais de Dieu.En conséquence : a) l'enfant offre l'inappréciable intérêt de porter sur sa tête la promesse de Dieu, le sort de ladynastie de David et de l'Eglise future; b) il n'est cependant qu'un instrument; lui aujourd'hui, un autre demain sonintérêt dramatique le dépasse donc et survivra à la période sympathique de son caractère; c) pour la même raison,l'intérêt dramatique de la pièce s'accommode fort bien de personnages dont aucun ne nous prend tout entiers; d)les jeunes Israélites qui composent le choeur risquent leur vie dans l'aventure, elles y sont engagées corps et âme,chaque péripétie les angoisse ou les exhorte : ainsi l'action, à travers les chœurs, continue.En sorte que l'action d'Athalie, conduite avec maîtrise, riche en coups de théâtre dont le principe est dans lemystère divin en même temps que dans le caractère et l'âme des personnages, se soutient essentiellement par lagrandeur des idées. E) Le style racinien. La conception dramatique de Racine voulait un style simple, vrai, rapide, passionné, intensément poétique : tel estle style racinien 1.Une seule réserve s'impose : une fâcheuse rhétorique, de mode précieux, nous gâte aujourd'hui certains dialoguesd'amour.Dans l'ensemble, le style de Racine est naturel; il fuit la déclamation, la pompe, l'emphase; il fuit même la beauté quine serait que poésie sans être mouvement; c'est en ce sens que Racine disait : « M.

Corneille fait des vers cent foisplus beaux que les miens.

»Le style de Racine semble côtoyer familièrement la prose, à force de justesse psychologique.

Mais en réalité, ilrelève tout d'un surprenant rayon de poésie; tantôt mystérieusement simple, il distille en secret le lyrisme; tantôt ilenveloppe caractères et situations dans une atmosphère magnifiante de noblesse et de majesté, ou pénétrante de. »

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