Le temps dans OEdipe roi

« E X P 0 S É S F C H E S vieillard, récit du messager qui révèle dans l'épisode suivant qu'Œdipe n'est pas le rejeton royal de Corinthe, puisqu'il est un enfant trouvé, enfin aveu du serviteur de Laïos qui apprend au héros sa véritable identité.

Au fur et à mesure de la pièce, Œdipe rejoint son passé le plus lointain.

Une pièce circulaire Au fond donc, tout a déjà eu lieu et l'action des personnages ne viendra rien modifier.

En ce sens, on peut dire qu'il ne se passe rien.

Rien d'autre que le pas­ sage de l'ignorance du passé à son dévoilement.

Et le présent, tel qu'il est exposé dans le prologue (la peste et la souillure qui pèsent sur Thèbes), trouve son explica­ tion à la fin du drame, lorsque le passé est élucidé.

Ce qui apparaissait au prologue comme un point de départ n'était autre que le point d'arrivée.

Cette circularité dramatique est accentuée par le motif de la répétition ins­ crit dans la pièce et qui modèle l'intrigue : la peste répète le fléau de la sphynge; Œdipe croit, en résolvant l'énigme du meurtre de Laïos, renouveler l'exploit qui l'a fait roi ; Créon est allé consulter l'oracle comme jadis Laïos et Œdipe; Œdipe reprend l'enquête abandonnée par Créon ; Œdipe aspire, au dénouement, à revenir sur le Cithéron, là où il avait été abandonné, etc.

Ill -UN TRAGIQUE DU TEMPS Le puzzle du temps «L'homme est l'esclave du hasard», déclare un des personnages.

Le temps de la tragédie est opaque.

Le présent est incompréhensible : c'est l'énigme de la peste qui s'est abattue sur Thèbes.

Comme le passé : Œdipe se méprend sur sa véri­ table identité et les événements passés ne sont pas reliés entre eux, ils sont éclatés.

Ainsi, nul n'a fait le rapprochement entre le meurtre de Laïos et la venue d'Œdipe.

Le passé est un puzzle dont la pièce va rassembler les fragments épars.

Temps des hommes, temps des dieux Doublant le temps dans lequel se débattent les hommes, il y a le temps des dieux auquel seul accède Tirésias, médiateur entre ces deux plans où se joue I' exis­ tence humaine.

Et celle-ci est emboîtée dans une temporalité qui lui échappe, temps divin qui plonge loin dans le passé et embrasse l'avenir.

Le héros tragique est donc, à l'image de l'homme pour la pensée grecque, à l'intersection de deux temps, l'un est celui de l'existence quotidienne, l'autre celui des dieux.

Parce qu'il est impénétrable (nul ne comprend les oracles dans la pièce en dehors de Tirésias) et en même temps déterminé à l'avance, ce dernier revêt la forme de la fatalité.

Régi par un passé qu'il ignore, Œdipe n'a pas de futur et d'ailleurs celui-ci lui est révélé par Tirésias dès le premier épisode.

Aussi est-il condamné à répéter une his­ toire préparée à lavance.

En ce sens, il a un destin ..

Conclusion : La psychanalyse a pu voir dans la structure temporelle de la pièce, dans le déterminisme du passé oublié ou ignoré, l'illustration de sa démarche et de certaines de ses thèses.

Comme Œdipe se livre à une enquête sur le passé, recollant ses lambeaux épars, de même l'analyste remonte dans le passé de son patient pour expliquer le présent et annuler la souffrance.

Pareillement, la pièce illustre la pesanteur du passé sur la vie des individus, le rôle déterminant de la petite enfance sur l'âge d'homme.. »