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Le Théâtre et son double: Car il ne peut y avoir théâtre qu’à partir du moment où commence réellement l’impossible. Antonin Artaud

Publié le 19/03/2020

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artaud

« Avec cette manie de tout rabaisser qui nous appartient aujourd’hui à tous, ‘cruauté’, quand j’ai prononcé ce mot, a tout de suite voulu dire ‘sang’ pour tout le monde. Mais ‘théâtre de la cruauté’ veut dire théâtre difficile et cruel pour moi-même. Et, sur le plan de la représentation, il ne s’agit pas de cette cruauté que nous pouvons exercer les uns contre les autres en nous dépeçant mutuellement les corps, en sciant nos anatomies personnelles, ou, tels des empereurs assyriens, en nous adressant par la poste des sacs d’oreilles humaines, de nez ou de narines bien découpés, mais de celle beaucoup plus terrible et nécessaire que les choses peuvent exercer contre nous. Nous ne sommes pas libres. Et le ciel peut encore nous tomber sur la tête. Et le théâtre est fait pour nous apprendre d’abord cela.

Ou nous serons capables d’en revenir par des moyens modernes et actuels à cette idée supérieure de la poésie et de la poésie par le théâtre qui est derrière les Mythes racontés par les grands tragiques anciens, et capables encore une fois de supporter une idée religieuse du théâtre, c’est-à-dire, sans méditation, sans contemplation inutile, sans rêve épars, d’arriver à une prise de . conscience et aussi de possession de certaines forces dominantes, de certaines notions qui dirigent tout; et comme les notions quand elles sont effectives portent avec elles leur énergie, de retrouver en nous ces éner-. gies qui en fin de compte créent l’ordre et font remonter le taux de la vie, ou nous n’avons plus qu’à nous abandonner sans réactions et tout de suite, et à reconnaître que nous ne sommes plus bons que pour le désordre, la famine, le sang, la guerre et les épidémies. »

«La peste prend des images qui dorment, un désordre latent et les pousse tout à coup jusqu’aux gestes les plus extrêmes; et le théâtre lui aussi prend des gestes et les pousse à bout : comme la peste il refait la chaîne entre ce qui est et ce qui n’est pas, entre la virtualité du possible et ce qui existe dans la nature matérialisée. Il retrouve la notion des figures et des symboles-types, qui agissent comme des coups de silence, des points d’orgue, des arrêts de sang, des appels d’humeur, des poussées inflammatoires d’images dans nos têtes brusquement réveillées; tous les conflits qui dorment en nous, il nous les restitue avec leurs forces et il donne à ces forces des noms que nous saluons comme des symboles : et voici qu’a lieu - devant nous une bataille de symboles, rués les uns contre les autres dans un impossible piétinement; car il ne peut y avoir théâtre qu’à partir du moment où commence réellement l’impossible et où la poésie qui se passe sur la scène alimente et surchauffe des symboles réalisés. »

«Ses réalisations sont taillées en pleine matière, en pleine vie, en pleine réalité. Il y a en elles quelque chose du cérémonial d’un rite religieux, en ce sens qu’elles extirpent de l’esprit de qui les regarde toute idée de simulation, d’imitation dérisoire de la réalité. »

artaud

« 196 / IMPOSSIBLE (et théâtre) • 25 Artaud dans le texte qui suit, sont la figuration à la fois sensible et spirituelle d'un combat qui met aux prises le concret et l'abstrait, le corps et l'esprit.

Le théâtre témoi­ gne d'une aspiration qu'Artaud qualifie de métaphysique, sans la rattacher à une religion particulière : « La peste prend des images qui dorment, un désordre latent et les pousse tout à coup jusqu'aux gestes les plus extrêmes; et le théâtre lui aussi prend des gestes et les pousse à bout : comme la peste il refait la chaîne entre ce qui est et ce qui n'est pas, entre la virtualité du possible et ce qui existe dans la nature matérialisée.

Il retrouve la notion des figures et des symboles-types, qui agissent comme des coups de silence, des points d'orgue, des arrêts de sang, des appels d'humeur, des poussées in­ flammatoires d'images dans nos têtes brusquement ré­ veillées; tous les conflits qui dorment en nous, il nous les restitue avec leurs forces et il donne à ces forces des noms que nous saluons comme des symboles: et voici qu'a lieu devant nous une bataille de symboles, rués les uns contre les autres dans un impossible piétinement; car il ne peut y avoir théâtre qu'à partir du moment où commence réellement l'impossible et où la poésie qui se passe sur la scène alimente et surchauffe des symboles réalisés.

» ► L'œuvre d'Artaud, inséparable de sa vie, rend mani­ feste la présence d'une souffrance ininterrompue qui concerne le corps autant que l'âme.

Confronté à lui-même c;lans un tête-à-tête désespéré, Artaud trouve très tôt dans le théâtre un mode d'expression privilégié qui, précisément, met extérieurement en forme le dédoublement qui l'agite «je me connais parce que je m'assiste, j'assiste à Antonin Artaud.» (Le Pèse-Nerfs).

Gestes, cris, paroles: le langage du corps, autant que le dialogue ressenti comme tension intérieure, concourent à la dramatisation d'un conflit per­ sonnel dont l'enjeu est la conquête de l' «impossible».

Le drame qui se joue est vital : il mobilise la plus extrême violence, inhérente aux «gestes les plus extrêmes», aux gestes que le théâtre «pousse à bout», ce qui se traduit par un« désordre» manifesté dans« une bataille de symboles».

Or la peste est un symbole, c'est-à-dire une «force» à l'œuvre dans le corps et l'âme.

Le théâtre et la peste sont. »

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