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Car il ne peut y avoir théâtre qu'à partir du moment où commence réellement l'impossible. Antonin Artaud

Publié le 22/02/2012

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Homme de théâtre complet (à la fois acteur, auteur, metteur en scène et théoricien du théâtre), Antonin Artaud (1896-1948) refuse le réalisme car le théâtre n'est pas destiné à reproduire la réalité ni à en donner l'illusion. Artaud ne cautionne pas pour autant la conception inverse, selon laquelle le jeu théâtral se réduirait à une évasion hors des contraintes de la vie policée, à un pur divertissement. Ce qui caractérise le théâtre, c'est d'imposer l'existence, non de la vie rêvée, mais de la vie vraiment vécue, de la vraie vie qui, elle, se rapporte à une réalité tout autre : la représentation théâtrale actualise « un acte vrai, donc vivant, donc magique». (Le Théâtre et son double, « 3e lettre sur le langage »).
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« passé, à savoir les forces magiques, la métaphysique agissante d'un drame originel que racontent les mythes desgrands tragiques anciens :« Avec cette manie de tout rabaisser qui nous appartient aujourd'hui à tous, 'cruauté', quand j'ai prononcé ce mot,a tout de suite voulu dire 'sang' pour tout le monde.

Mais 'théâtre de la cruauté' veut dire théâtre difficile et cruelpour moi-même.

Et, sur le plan de la représentation, il ne s'agit pas de cette cruauté que nous pouvons exercer lesuns contre les autres en nous dépeçant mutuellement les corps, en sciant nos anatomies personnelles, ou, tels desempereurs assyriens, eu nous adressant par la poste des sacs d'oreilles humaines, de nez ou de narines biendécoupés, mais de celle beaucoup plus terrible et nécessaire que les choses peuvent exercer contre nous.

Nous nesommes pas libres.

Et le ciel peut encore nous tomber sur la tête.

Et le théâtre est fait pour nous apprendre d'abordcela.Ou nous serons capables d'en revenir par des moyens modernes et actuels à cette idée supérieure de la poésie etde la poésie par le théâtre qui est derrière les Mythes racontés par les grands tragiques anciens, et capables encoreune fois de supporter une idée religieuse du théâtre, c'est-à-dire, sans méditation, sans contemplation inutile, sansrêve épars, d'arriver à une prise de conscience et aussi de possession de certaines forces dominantes, de certainesnotions qui dirigent tout; et comme les notions quand elles sont effectives portent avec elles leur énergie, deretrouver en nous ces énergies qui en fin de compte créent l'ordre et font remonter le taux de la vie, ou nousn'avons plus qu'à nous abandonner sans réactions et tout de suite, et à reconnaître que nous ne sommes plus bonsque pour le désordre, la famine, le sang, la guerre et les épidémies.

»L'effet thérapeutique du théâtre apparaît avec évidence : ou bien l'homme s'abandonne à la fascination de sa propreviolence, ce qui dénoue le drame par la mort; ou bien, à l'inverse, l'homme se montre capable de se retremper à lasource de ses conflits en redécouvrant les principes originels qui président à toute violence.

La prise de conscienceconduit à la « possession» des énergies sans lesquelles il nous est interdit de faire triompher l'ordre et la vie.

Artaudnous engage à «supporter une idée religieuse du théâtre», en suggérant que la religion, dans son acceptionpremière, est ce qui rassemble, unit.

En d'autres termes, c'est la survie de la communauté humaine qui est ici miseen cause, sa capacité de vivre.La crise violente ne peut donc trouver sa résolution que dans la guérison.

Encore faut-il que le chaos, devenu«conscient», puisse être rigoureusement contrôlé.

Le spectacle qu'il offre porte la violence à son paroxysme maisc'est afin de la dominer : « Un bouillonnement chaotique, plein de repères, et par moments étrangement ordonné,crépite dans cette effervescence de rythmes peints, où le point d'orgue joue sans cesse et intervient comme unsilence bien calculé.

» («Sur le théâtre balinais », dans Le Théâtre et son double) Artaud précise encore : « Tout eneffet dans ce théâtre est calculé avec une adorable et mathématique minutie.

» Il est significatif qu'Artaud voie enlui un rite religieux :« Ses réalisations sont taillées en pleine matière, en pleine vie, en pleine réalité.

Il y a en elles quelque chose ducérémonial d'un rite religieux, en ce sens qu'elles extirpent de l'esprit de qui les regarde toute idée de simulation,d'imitation dérisoire de la réalité.

»Le théâtre, pour Artaud, n'est-il pas une cérémonie rituelle dont la fonction consiste à libérer, comme la peste, «tous les conflits qui dorment en nous», quitte à nous les restituer (« il nous les restitue avec leurs forces»), une foisatteint le chaos originel? Grâce au théâtre, la vie retrouve un sens : « Il faut croire à un sens de la vie renouvelépar le théâtre, et où l'homme impavidement se rend le maître de ce qui n'est pas encore, et le fait naître.» A la finde sa vie, Artaud n'hésitera pas à soutenir que la vraie vie se confond entièrement avec le théâtre : « Le théâtre,c'est en réalité la genèse de la création.» («Pour en finir avec le jugement de Dieu »).Ce théâtre qu'il voulait «cruel » d'abord pour lui-même,Artaud en attendait une régénération, lui qui estimait que son corps souffrant était a reconstruire.

Projetirréalisable? Sauf à considérer que le théâtre est le lieu de tous les possibles.

Du « chaos » doit surgir la «genèse ».Bien qu'Artaud n'ait pu réaliser ses projets d'homme de théâtre, de son vivant (il abandonne, dès 1924, la carrièred'acteur de théâtre et ne réussira à monter qu'une seule pièce, Les Cenci), son œuvre a considérablement influencéle théâtre d'aujourd'hui.

Il n'est guère d'homme de théâtre qui ne se soit senti directement impliqué ou inspiré par cenovateur.

Barrault, Vilar, Blin, G.

Tarrab et le « happening » Brook, Grotowski, Julian Beck et le Living Theatre, LeThéâtre du Soleil, d'Ariane Mnouchkine, sans oublier un Ionesco, un Beckett, un Genet (et la liste n'est pas close),autant d'acteurs, de metteurs en scène ou d'auteurs qui, à des degrés divers, ont été sensibles aux vues radicaleset totalitaires exprimées sur le théâtre par Artaud, qu'il s'agisse des pouvoirs que se confère l'acteur ou le metteuren scène, du statut fixé au langage, de l'idéal libertaire ou de la cérémonie sacrificielle.Dans la mesure où, pour Artaud, le théâtre se confond avec la vraie vie, il n'est pas surprenant que son engagementpassionné dans l'aventure théâtrale ait valeur d'exemple.. »

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