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Lecture analytique - Britannicus, Racine : ACTE1 SCENE 1

Publié le 18/06/2012

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Ensuite, comme nous l’avons montré dans le 1°axe, le discours d’Agrippine révèle au spectateur toute une gamme de traits de caractère ou de sentiments. Elle menace : « Mais crains que l’avenir … « (v.33) ; elle ironise : « et ce même Néron, que la vertu conduit (sous-entendu : d’après toi ! «) ; elle exprime ses interrogations, ses angoisses : « Que veut-il ? Est-ce haine ? Est-ce amour qui l’inspire ? « (v55) ; elle prophétise : « je lis sur son visage / des fiers Domitius l’humeur triste et sauvage « (v.35-36).  Surtout, en une extraordinaire volte-face, au vers 43, elle change brusquement son argumentation face à Albine et, arrêtant de reprocher à Néron d’être un mauvais prince, elle l’accuse surtout de vouloir échapper à son emprise, prenant le risque de laisser apparaître l’ambition démesurée qui l’anime (voir1° axe). Bref, elle révèle le fond de son caractère. Son discours passionné, véhément, que le rythme de l’alexandrin permet à Racine de développer de façon oratoire (cf. notamment la métaphore du « timon «, les parallélismes des vers 47-48), n’a pas seulement une portée informative, il a une valeur psychologique et dramatique.

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« gouverne démocratiquement.

Mais alors, pourquoi est-elle si mécontente ? Ah ! que de la patrie il soit, s'il veut, le père ;Mais qu'il songe un peu plus qu'Agrippine est sa mère.

Autrement dit, qu'il soit un tyran ou un bon prince, elle s'en moque ...

Ce qu'elle veut c'est qu'il lui obéisse! Ce cynisme politique, cet appétit de pouvoir, et cet orgueil blessé de mère autoritaire qui voit son fils lui échapper, c'est tout le caractère d'Agrippine qui sedévoile au détour du texte.

Finalement, Agrippine n'apparaît pas beaucoup moins monstrueuse que son fils.

Conclusion partielle / Transition Dés ce début de pièce, les éléments d'une action tragique sont donc en place : prédiction de la "fureur" (la folie) de Néron, indication du destin familial qui leprédestine à la tyrannie et à la folie.

Annonce d'un double conflit : Néron-Britannicus, Néron-Agrippine.

La seule interrogation concerne le rôle de Julie (amourde Néron pour Junie ou pas?).

Nous avons démontré que le spectateur reçoit en très peu de temps une information très dense.

Mais ce souci d'une information rapide pourrait paraîtreartificiel et ennuyer le spectateur.

Conscient de ce risque, Racine utilise divers moyens pour apporter à la scène d'exposition naturel, vraisemblance et efficacitédramatique.

2ème AXE : LA RECHERCHE DE LA VRAISEMBLANCE ET DE L'INTERET DRAMATIQUE : Idée directrice de l'axe : Ce début de pièce permet d'observer diverses techniques utilisées dans le théâtre classique pour assurer la vraisemblance et l'efficacitédramatique : l'utilisation des « confidents », l'invention d'une situation propice à l'information du spectateur, un début en action.

Une invention commode : la confidente.

Le personnage d'Albine est ce qu'on appelle une confidente, c'est ainsi que la caractérise la liste des personnages.

Le confident (ou la confidente) est unpersonnage au statut social mal défini (domestique, ami, page, demoiselle de compagnie) qui accompagne en toute occasion le héros d'une tragédie et quirecueille ses confidences.Le caractère d'Albine ne se révèle guère dans ce début de scène : le confident n'est pas un « personnage » véritablement doté d'une psychologie propre.

Parcontre, le texte montre la familiarité dans laquelle se trouve Albine avec sa maîtresse.

Elle ne craint pas de la contredire, de lui donner assez brusquement leconseil de retourner dans son appartement.

Elle connaît les secrets de la reine, elle est au courant de ses intrigues passées pour favoriser Néron au détriment deBritannicus.

Agrippine parle à cœur ouvert devant Albine : elle fait allusion devant elle à des prédictions qu'elle a formulées sur le destin de Néron (vers 9),preuve qu'elle lui en avait parlée auparavant; elle lui livre sans retenue ses craintes concernant la nouvelle attitude de Néron à son égard.Le personnage de la confidente est donc une invention commode pour transmettre au spectateur les sentiments les plus secrets du héros, sans que cela paraissetrop artificiel (C'est ce qu'on appelle la double énonciation théâtrale).

Ce personnage est particulièrement utile dans les scènes d'exposition où il apparaît avecrégularité au XVII° siècle.

Une situation commode pour justifier l'apport d'informations.

Ce début de scène est bâti autour d'une dispute entre Agrippine et sa confidente.

Albine n'est pas contente de voir sa maîtresse « sans suite et sans escorte »,donc dans une position non protocolaire, dangereuse peut-être.

Elle lui suggère en outre que ce n'est ni une occupation ni une heure décente de faire les centpas (« errant ») à la porte de Néron de si bon matin.

Elle est surtout étonnée de la trouver là car elle ne sait pas ce qui s'est passé pendant la nuit.Cette situation, habilement inventée par l'auteur, va justifier des explications de la part d'Agrippine.

Mais ces explications provoquent à nouveaul'incompréhension d'Albine qui répond par une salve de questions : « Quoi ? vous à qui Néron doit le jour qu'il respire, / Qui l'avez appelé de si loin à l'empire ?etc… » Il n'y a pas moins de huit points d'interrogation dans la quinzaine de vers accordés à Albine dans ce début de scène.

Cette rébellion d'Albine prenant ladéfense de Néron justifie de sa part une série d'informations sur le passé de la relation Néron/Agrippine, puis sur le bilan des premières années de règne, dontAgrippine n'a nul besoin puisqu'elle connaît fort bien tout ça.

Mais la nécessité d'argumenter pour convaincre Agrippine donne une certaine vraisemblance à celong rappel historique qui occupe les deux tirades d'Albine vers 15-20 et 23-30.

De la même façon, les besoins de l'argumentation justifient auprès duspectateur la réponse d'Agrippine, qui expose par le menu l'arbre généalogique de Néron.Voici donc un second procédé utilisé par Racine pour conférer naturel et vraisemblance à la scène d'exposition : il s'agit d'abord d'inventer une situation decommunication mettant en présence un personnage qui sait et un personnage qui ne sait pas ; en outre, le désaccord entre ces deux personnages justifie deleur part un effort argumentatif qui rend vraisemblable l'apport d'informations.

Un début en action Mais l'intérêt de la scène repose encore sur un troisième procédé qui consiste à démarrer l'action de la pièce dés le lever de rideau.

Racine ne s'est pas contentéd'une discussion statique ayant pour seul souci d'apporter des informations au spectateur.

Dés ces premiers vers de la pièce, il se passe quelque chose, l'intérêtdramatique est déjà présent, l'intérêt psychologique est assuré.Notons d'abord que nous avons à faire à un début « in medias res ».

Quand le rideau se lève, Agrippine est déjà là dans un état d'agitation inaccoutumé.Comme on va l'apprendre, Junie a été enlevée pendant la nuit : l'élément perturbateur de l'intrigue a déjà eu lieu.Ensuite, comme nous l'avons montré dans le 1°axe, le discours d'Agrippine révèle au spectateur toute une gamme de traits de caractère ou de sentiments.

Ellemenace : « Mais crains que l'avenir … » (v.33) ; elle ironise : « et ce même Néron, que la vertu conduit (sous-entendu : d'après toi ! ») ; elle exprime sesinterrogations, ses angoisses : « Que veut-il ? Est-ce haine ? Est-ce amour qui l'inspire ? » (v55) ; elle prophétise : « je lis sur son visage / des fiers Domitiusl'humeur triste et sauvage » (v.35-36).Surtout, en une extraordinaire volte-face, au vers 43, elle change brusquement son argumentation face à Albine et, arrêtant de reprocher à Néron d'être unmauvais prince, elle l'accuse surtout de vouloir échapper à son emprise, prenant le risque de laisser apparaître l'ambition démesurée qui l'anime (voir1° axe).Bref, elle révèle le fond de son caractère.

Son discours passionné, véhément, que le rythme de l'alexandrin permet à Racine de développer de façon oratoire (cf.notamment la métaphore du « timon », les parallélismes des vers 47-48), n'a pas seulement une portée informative, il a une valeur psychologique etdramatique.

Il nous annonce un fameux bras de fer entre le « monstre naissant » Néron et cette femme qui n'apparaît pas beaucoup moins terrifiante que sonfils.

Cette brusque révélation prend l'allure d'un coup de théâtre : au moment où le spectateur s'apprêtait déjà à voir en Agrippine une bonne mère anxieuse del'avenir de Néron, soucieuse de sa vertu, inquiète pour le sort de Junie et de Britannicus, il découvre soudain en elle un monstre de cynisme et d'ambitionpolitique.

Cette habileté d'écriture dramatique suffit à assurer l'intérêt de ce début de pièce.

CONCLUSION : Cette scène est donc caractéristique d'un « art de commencer » qui cherche à combiner information et vraisemblance, information et action.

Le spectateur reçoitrapidement une information très dense qui lui permet d'imaginer la suite de l'action : il voit se dessiner les principaux affrontements en perspective(l'affrontement entre Néron et Britannicus, entre Néron et Agrippine), il peut faire des hypothèses sur l'issue de la tragédie.

Bien sûr, cette technique de la« scène d'exposition » suppose une bonne part d'artifice mais la « situation de communication » imaginée par l'auteur rend vraisemblable cet apportd'information.

En outre, le spectateur est directement plongé dans l'intrigue, il surprend en plein drame un des personnages principaux de la pièce.

La scène estvivante. Britannicus 1:Argument « Ma tragédie, écrit Racine, n'est pas moins la disgrâce d'Agrippine que la mort de Britannicus », deux circonstances dramatiques où se révèle un monstrenaissant, Néron.. »

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