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L'Égout de Rome - Les Châtiments - Victor Hugo (Livre 7 - Les sauveurs se sauveront)

Publié le 17/01/2022

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Le hideux souterrain s'étend dans tous les sens ;  Il ouvre par endroits sous les pieds des passants  Ses soupiraux infects et flairés par les truies ;  Cette cave se change en fleuve au temps des pluies  Vers midi, tout au bord du soupirail vermeil,  Les durs barreaux de fer découpent le soleil,  Et le mur apparaît semblable au dos des zèbres  Tout le reste est miasme, obscurité, ténèbres  Par places le pavé, comme chez les tueurs,  Paraît sanglant ; la pierre a d'affreuses sueurs  Ici l'oubli, la peste et la nuit font leurs oeuvres  Le rat heurte en courant la taupe ; les couleuvres  Serpentent sur le mur comme de noirs éclairs ;  Les tessons, les haillons, les piliers aux pieds verts,  Les reptiles laissant des traces de salives,  La toile d'araignée accrochée aux solives,  Des mares dans les coins, effroyables miroirs,  Où nagent on ne sait quels êtres lents et noirs,  Font un fourmillement horrible dans ces ombres.  La vieille hydre chaos rampe sous ces décombres.  On voit des animaux accroupis et mangeant ;  La moisissure rose aux écailles d'argent  Fait sur l'obscur bourbier luire ses mosaïques  L'odeur du lieu mettrait en fuite des stoïques  Le sol partout se creuse en gouffres empestés  Et les chauves-souris volent de tous côtés  Comme au milieu des fleurs s'ébattent les colombes.  On croit, dans cette brume et dans ces catacombes,  Entendre bougonner la mégère Atropos ;  Le pied sent dans la nuit le dos mou des crapauds ;  L'eau pleure ; par moments quelque escalier livide  Plonge lugubrement ses marches dans le vide.  Tout est fétide, informe, abject, terrible à voir.

Les espaces infernaux. Bien des notations évoquent les Enfers grecs. Ce lieu « souterrain«, qui communique avec le monde par certaines entrées (« soupiraux«), est consacré aux « ténèbres«, et possède son «fleuve« à traverser, tel l'Achéron ; plus loin, « l'oubli« évoque le Léthé ; son peuple « d'ombres« est occupé à « mang[er]«, comme dans l'évocation des morts de l'Odyssée d'Homère. Au vers 35, « l'oubli, la peste et la nuit font leurs œuvres « comme le feraient les trois Parques. Ces trois allégories annoncent la présence de « la mégère Atropos«, dans laquelle Hur concentre la figure de la vengeance (Mégère est le nom d'une des Erinyes) et celle du destin (Atropos désigne une des trois Parques).

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« soulignent le caractère répulsif de l'égout. Un repaire immonde.

Les animaux rencontrés dans l'égout suscitent eux aussi la répulsion (« Truies», «rat», « taupe», « couleuvres», «reptiles», « araignées», « chauves-souris» ou « crapauds») ; l'usage quasi systématique du pluriel pour les désigner suggère leur pullulement.

Ce sont d'ailleurs les « reptiles» qui dominent: le bruit de leurs déplacements est rendu omniprésent grâce aux nombreuses allitérations en s (« souterrain s'étend dans tous les sens», « sous les pieds des passants», « le reste est miasme, obscurité», «serpentent sur le mur»).

En arrière- plan, dans les profondeurs, on pressent un autre «fourmillement» plus menaçant encore de demeurer dans l'ombre, indistinct: « on ne sait quels êtres», des « écailles». La destination de l'Empire L'égout est également ce gouffre béant, dans lequel le « monde » videra «l'Empire», comme la vieille y vide son panier (v.

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Il n'est donc rien d'autre que le lieu des Enfers.

Hugo le décrit au moyen d'allusions à la littératuregréco-latine. Les espaces infernaux.

Bien des notations évoquent les Enfers grecs.

Ce lieu « souterrain», qui communique avec le monde par certaines entrées (« soupiraux»), est consacré aux « ténèbres», et possède son «fleuve» à traverser, tel l'Achéron ; plus loin, « l'oubli» évoque le Léthé ; son peuple « d'ombres» est occupé à « mang[er]», comme dans l'évocation des morts de l'Odyssée d'Homère.

Au vers 35, « l'oubli, la peste et la nuit font leurs œuvres » comme le feraient les trois Parques.

Ces trois allégories annoncent la présence de « la mégère Atropos», dans laquelle Hur concentre la figure de la vengeance (Mégère est le nom d'une des Erinyes) et celle du destin (Atropos désigne unedes trois Parques). L'évocation de l'égout s'achève d'ailleurs par la traduction même de l'expression de Virgile au livre VI de L'Énéide, où le héros visite les Enfers : « Terribile visu», « terrible à voir». Le règne du chaos.

Au centre de l'égout vit la « vieille hydre Chaos».

Sa présence interdit l'instauration d'un ordre quelconque, l'apparition de formes stables.

Et en effet, ce labyrinthe, dont « la toile d'araignée» représente la métonymie, « accrochée» à la manière d'un emblème, déjoue toute tentative pour s'orienter dans l'espace (« dans tous les sens», « de tous côtés», «partout»).

La discontinuité y règne («par endroits», «par places», « dans les coins»). En outre, ce Inonde vit une métamorphose incessante qui interdit toute classification des êtres.

Les pierres s'yaniment (« Le souterrain s'étend», la « cave se change», « les barreaux[...] découpent», «le sol [...] se creuse», un «plonge», « la pierre a d'affreuses sueurs»).

Le minéral devient animal (« le mur» est comme un « dos de zèbre»), ou végétal (« les piliers aux pieds verts»). Le poète figure ces transformations par un usage régulier des enjambements.

Quand la césure se trouve placée àl'hémistiche, elle correspond souvent à un e muet qui assure une continuité dans la métamorphose (« se change en fleuve», « le reste est miasme obscurité», « la peste et la nuit», «la moisissure rose aux écailles», « se creuse engouffres»). (CONCLUSION) Par cette évocation de l'égout, le poète rappelle l'état d'abaissement dans lequel se trouve la France soumise àl'Empire.

Mais une telle situation, à laquelle il faisait déjà allusion dans le poème intitulé «Applaudissement», est legage d'un envol à venir: «De cet empire abject, bourbier, cloaque, égout / Tu sortiras splendide et ton aile profonde / En secouant la fange éblouira le monde.» (VI, 17). Cette issue vers la lumière, déjà présente en filigrane dans la visite de «L'Égout de Rome », à travers l'allusion aux «colombes » qui s'ébattent au milieu des fleurs (v.

51), est désormais proche : le livre VII précède immédiatement « Lux », la révélation prophétique qui conclut le recueil.. »

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