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L'Episode de la fessée dans Les Confessions , de Rousseau (commentaire de texte)

Publié le 05/03/2012

Extrait du document

rousseau

Plan à partir duquel l'exercice doit être rédigé:

 

I/ Une cristallisation pervertie

A/ Présence dominante de la femme

B/ Un temps suspendu

C/ Une vision dynamique

 

II/ La confusion

A/Difficulté de l'aveu

B/ Les éléments d'une image de moi

C/ Un monologue à plusieurs voix

 

III/ L'éducation d'une sensualité instinctive

A/ La découverte d'une sensualité directe du corps

B/ Les ambiguités de la relation entre Rousseau et Melle Lambercier

C/ Une séparation tragique: L'évolution de Rousseau.

 

INTRODUCTION

 

L'extrait que nous nous proposons d'étudier est situé au début des Confessions de Rousseau, et nous révèle un souvenir d'enfance de l'autobiographe, souvenir non fardé. Cette scène constitue la première confession de Rousseau et est à l'origine de toutes les autres: notamment par sa situation d'ouverture dans le livre, mais aussi par l'aspect honteux dont elle semble entourée et qui inscrit de cette façon l'auteur dans une volonté de sincérité et de transparence inaltérables.

Nous nous demanderons si le passage étudié ne laisse pas apparaître une seconde dimension qui orienterait le souvenir et réfléchirait par un effet de miroir ou d'analogie les sentiments de l'auteur.

Nous verrons donc en premier lieu en quoi il y a cristallisation de la confrontation de Melle Lambercier et de Rousseau et en quoi elle va être pervertie. Puis, dans un second temps, nous observerons que le texte est caractérisé par la confusion et nous tâcherons enfin d'étudier cette scène en tant qu'éducation d'une sensualité instinctive.

rousseau

« La forme même du récit soutient sa supériorité puisque la forme du monologue intérieur de l'auteur, extériorisé pour le lecteur, donne à Rousseau la figure de l'être seul, isolé, exclu, dans une position d'infériorité par rapport à elle, qui est seule détentrice de la parole. Enfin l'évènement marquant qu'est la fessée fait de Melle L.

une femme remarquable que Rousseau démultipliera comme il l'indique lui même: " Je dévorais d'un oeil ardent les belles personnes [...]pour les mettre à ma mode et en faire autant de Melle L." Cependant, ce premier élément de cristallisation va être perverti par Rousseau.

On peut peut être voir une analogie entre l'acte même de la fessée qui implique par définition que l'un des personnages tourne le dos à l'autre, et les sensations de l'auteur qui ne vont pas dans le sens escompté: le rapport de force va faire naître le désir et la fessée ne plus être un simple coup, mais un coup de foudre pour la femme qui passe du même coup de la prédominance à la domination.

Et c'est justement sur ce point que la définition de Stendhal se place en parallèle avec cette scène car il utilise un vocabulaire du corps, un lexique de la perception lié à l'amour et au plaisir.

La définition s'applique donc tout à fait ici puisque le contact entre les deux personnes fait naître le plaisir chez Rousseau.

Le contact pourrait très bien être charnel si l'on envisageune fessée déculottée, ce que ne précise pas le texte, et donne vie au désir grâce au "toucher", au "sentir" qui sont réalisés ici "le plus près possible" par l'acte même du châtiment. Un autre élément participant de cette cristallisation va être le phénomène d'attente suscité par la menace du châtiment qui fait de ce passage un moment en suspens.

La focalisation externe sur une partie de Melle L, à savoir sa main, atteste d'un arrêt sur image.

Le souvenir se focalise sur cette main et sur l'attente qui précède le coup qu'elle va donner.

Le lecteur, à travers les yeux de Roussseau, va lui aussi s'arrêter sur cette image.

La focalisation cristallise le face à face des 2 personnes.

La mémoire se condense grâce aux notations temporelles.

Rousseau donne vie à cette impression de temps suspendu par l'utilisation d'un imparfait de durée (" avait, avions, semblait; mélait..." )b Ainsi, le temps structure le texte et le souvenir comme l'attente structure le châtiment.

Les notations temporelles mettent en valeur l'attente, également par l'utilisation de l'adverbe de temps " longtemps" , précédé du quantitatif " assez" qui l'hyperbolise.( "assez longtemps elle s'en tint à la menace" ). Par ailleurs, on peut voir la supériorité de l'attente sur le châtiment, notamment par le fait qu'elle soit doublement vécue par Rousseau: dans son enfance et par l'écriture du souvenir.

Mais elle est également renforcée par l'attente du lecteur qui est la même que celle de Rousseau puisqu'il nous transmet ses émotions.

Cette attente renvoie à un fait antérieur où elle a sa place dans l'événement, c'est à dire au moment où Rousseau parle de la passion de ses parents, qui, par obligation est suspendue durant de longues attentes pendant lesquelles ils sont séparés.

Dans ce cas, la passion entretenait l'attente et l'attente entretenait la passion.

Or, ici, elle est pervertie car elle entretient la crainte puis le désir.

Ainsi, l'attente s'inscrit ici dans une certaine différence.

L'impression de suspension est donc créee par l'attente qui connaît son point culminant et final avec le châtiment, châtiment qui prend de l'importance de cette façon et qui endigue la cristallisation d'un seul côté: celui de Rousseau et qui ainsi le détourne de sa définition première et de son objectif qui est l'amour, pour la concentrer sur le plaisir. Il n'y a donc pas la réciprocité définie par Stendhal.

Nous avons vu que les indices de temps structuraient ce passage ralenti que constitue l'attente, mais ils servent aussi à l'anéantir en dynamisant cette vision. Le mouvement du texte va dynamiter la suspension du temps et créer un paradoxe.

On va en effet passer de l'arrêt sur image à l'action qui tient au fait de "châtier".

Le tableau va tout d'abord se mettre en mouvement avec l'expression des sentiments de Rousseau puisqu'il nous dit: " la menace me semblait très effrayante, mais après l'exécution, je la trouvai moins terrible à l'épreuve que l'attente ne l'avait été." On remarque ici la rupture de la durée par l'emploi du passé simple, et cette alternance va donner le mouvement au texte.

Ainsi, l'imparfait, le plus que parfait et le passé antérieur que l'on trouve dans le texte (" j'avais trouvé...me semblait...m'eût paru... ") prolongent le temps ralenti lié à l'attente, tandis que le passé simple, le présent et le passé composé rompent cette atmosphère.

(" ce qu'il y a de bizzarre est que...les sens ont fait naître..." ). D'autre part, l'emploi du présent peut indiquer que cet événement a un impact toujours vivace sur Rousseau au moment même où il écrit les Confessions , quelques quarante années plus tard.

Les temps confrontent ainsi le présent et le passé, la jeunesse et la mâturité qui sont à la fois la jeunesse de Rousseau et la mâturité de Melle L et la jeunesse de Rousseau enfant et sa mâturité une fois en âge d'écrire son autobiographie.

Tout cela contribue à créer un dynamisme qui dévoile l'impossibilité de la relation directe entre Rousseau enfant et Rousseau adulte.

Cependant, le texte est tout de même animé par la sorte de lien qui unit l'enfant et la soeur du pasteur dans cette scène et qui se décompose en trois temps et donc trois mouvements: la naissance qui rassemble tout ce qui survient avant le châtiment; la vie qui commence avec le châtiment et qui se termina avec sa conséquence; et enfin, la rupture, qui survient deux jours après la première fessée et qui est donc très rapide: " deux jours après on nous fit coucher dans une autre chambre" . De plus, la femme devient active en fessant Rousseau, ce qui déclenche le mouvement: elle rompt également la passivité de Rousseau et dynamise les pensées de celui-ci.

Ainsi cette vision dynamique met un terme à la cristallisation et nous montre qu'elle n'existe que dans le souvenir et dans la façon dont il est transmis au lecteur par l'auteur.

Elle nous dévoile ainsi que Rousseau n'est confronté à lui-même que dans le processus de l'écriture et donc par l'intermédiaire de sa seule mémoire.

La confrontation de deux personnages qu'impliquent la cristallisation se fait donc bien ici, mais elle se fait avant tout entre deux mêmes personnes: Rousseau et Rousseau, ce qui nous éloigne encore de la cristallisation pourtant mise en scène dans ce passage. Tout ceci nous plonge dans une confusion que l'auteur se plait à entretenir. Par cette confusion, l'auteur crée un rapport analogique entre son moi intime et l'exposition de son souvenir.

On peut d'ores et déjà parler de fusion, puisqu'on la retrouve dans le mot "confusion" et puisque plusieurs mots du texte en sont imprégnés.

C'est le cas de " mélange ", de " mêler ", qui par ailleurs mettent en évidence une paronomase.. »

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