Devoir de Philosophie

L'épreuve de la jalousie (Acte IV, sc. 6, v. 1225-1263) - Phèdre de Racine

Publié le 30/07/2014

Extrait du document

racine

L'épreuve de la jalousie

(Acte IV, se. 6, v. 1225-1263)

(SITUATION)

Ce texte aborde la crise la plus douloureuse pour Phèdre, celle de

la jalousie, dont il convient de rappeler les circonstances :

Apprenant le retour de Thésée, Phèdre affolée a laissé

OEnone accuser Hippolyte de son propre crime pour se sauver ellemême.

Puis, dans un instant de repentir, elle est venue implorer de

Thésée le pardon pour son fils, et peut-être le remords l'aurait-elle

poussée à reconnaître sa faute.

Mais elle vit dans un état de trouble douloureux qui lui a déjà ôté

la maîtrise de sa parole et peut l'entraîner à en dire plus, ou moins,

qu'elle ne souhaite.

Ainsi fragilisée, elle a été interrompue dans la réalisation

de son dessein de justification par l'annonce que lui fait Thésée de

l'amour d'Hippolyte : «Il soutient qu 'Aricie a son coeur, a sa foi, /Qu 'il

l'aime« (v. 1187-1188). Et voici l'héroïne désemparée, sa parole de

repentir brutalement interrompue, empêchée dans son projet par

la soudaineté de son émotion, et laissant sortir Thésée sans avoir

pu justifier l'innocence.

(TEXTE)

PHÈDRE

1225 Ah ! douleur non encore éprouvée !

À quel nouveau tourment je me suis réservée !

Tout ce que j'ai souffert, mes craintes, mes transports,

La fureur de mes feux, l'horreur de mes remords,

Et d'un refus cruel l'insupportable injure

1230 N'était qu'un faible essai du tourment que j'endure.

Ils s'aiment ! Par quel charme ont-ils trompé mes yeux ?

Comment se sont-ils vus ? Depuis quand ? En quels lieux ?

Tu le savais. Pourquoi me laissais-tu séduire ?

De leur furtive ardeur ne pouvais-tu m'instruire ?

1235 Les a-t-on vus souvent se parler, se chercher?

Dans le fond des forêts allaient-ils se cacher ?

Hélas ! Ils se voyaient avec pleine licence.

Le Ciel de leurs soupirs approuvait l'innocence ;

Ils suivaient sans remords leur penchant amoureux ;

1240 Tous les jours se levaient clairs et sereins pour eux.

Et moi, triste rebut de la nature entière,

Je me cachais au jour, je fuyais la lumière ;

La mort est le seul Dieu que j'osais implorer.

J'attendais le moment où j'allais expirer;

1245 Me nourrissant de fiel, de larmes abreuvée,

Encor dans mon malheur de trop près observée,

Je n'osais dans mes pleurs me noyer à loisir;

Je goûtais en tremblant ce funeste plaisir ;

Et sous un front serein déguisant mes alarmes,

1250 Il fallait bien souvent me priver de mes larmes.

OENONE

Quel fruit recevront-ils de leurs vaines amours ?

Ils ne se verront plus.

PHÈDRE

Ils s'aimeront toujours.

Au moment que je parle, ah ! mortelle pensée !

Ils bravent la fureur d'une amante insensée.

1255 Malgré ce même exil qui va les écarter,

Ils font mille serments de ne se point quitter.

Non, je ne puis souffrir un bonheur qui m'outrage,

OEnone. Prends pitié de majalouse rage.

Il faut perdre Aricie. Il faut de mon époux

1260 Contre un sang odieux réveiller le courroux.

Qu'il ne se borne pas à des peines légères :

Le crime de la soeur passe celui des frères.

Dans mes jaloux transports je le veux implorer.

(THÈMES DE COMMENTAIRE)

L'enjeu du texte

On analysera ce texte dans la perspective de Phèdre héroïne tragique

et dans le prolongement de la Préface où Racine écrit que

son personnage réunit «toutes les qualités qu'Aristote demande dans le

héros de la tragédie, et qui sont propres à exciter la compassion et la terreur.

« Le commentaire sera articulé autour de ces deux notions, la

compassion et la terreur.

On se souviendra aussi que la jalo

racine

« Et d'un refus cruel l'insupportable injure 1230 N'était qu'un faible essai du tourment que j'endure.

Ils s'aiment ! Par quel charme ont-ils trompé mes yeux ? Comment se sont-ils vus ? Depuis quand ? En quels lieux ? Tu le savais.

Pourquoi me laissais-tu séduire ? De leur furtive ardeur ne pouvais-tu m'instruire ? 1235 Les a-t-on vus souvent se parler, se chercher? Dans le fond des forêts allaient-ils se cacher ? Hélas ! Ils se voyaient avec pleine licence.

Le Ciel de leurs soupirs approuvait l'innocence ; Ils suivaient sans remords leur penchant amoureux ; 1240 Tous les jours se levaient clairs et sereins pour eux.

Et moi, triste rebut de la nature entière, Je me cachais au jour, je fuyais la lumière ; La mort est le seul Dieu que j'osais implorer.

J'attendais le moment où j'allais expirer; 1245 Me nourrissant de fiel, de larmes abreuvée, Encor dans mon malheur de trop près observée, Je n'osais dans mes pleurs me noyer à loisir; Je goûtais en tremblant ce funeste plaisir ; Et sous un front serein déguisant mes alarmes, 1250 Il fallait bien souvent me priver de mes larmes.

ŒNONE Quel fruit recevront-ils de leurs vaines amours ? Ils ne se verront plus.

PHÈDRE Ils s'aimeront toujours.

Au moment que je parle, ah ! mortelle pensée ! Ils bravent la fureur d'une amante insensée.

1255 Malgré ce même exil qui va les écarter, Ils font mille serments de ne se point quitter.

Non, je ne puis souffrir un bonheur qui m'outrage, Œnone.

Prends pitié de majalouse rage.

Il faut perdre Aricie.

Il faut de mon époux 1260 Contre un sang odieux réveiller le courroux.

Qu'il ne se borne pas à des peines légères : Le crime de la sœur passe celui des frères.

Dans mes jaloux transports je le veux implorer.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles