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Les adieux du vieillard

Publié le 21/04/2020

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Extrait du Supplément au voyage de Bougainville de Diderot (1772) Discours du Tahitien Lorsque le Voyage de Bougainville paraît en 1771, le public concentre son intérêt sur un seul aspect du voyage : l’apparente confirmation du mythe du « bon sauvage » fourni par les habitants de Tahiti et tout particulièrement par leurs mœurs sexuelles. Diderot s’est montré fasciné par le monde idéal de Tahiti, c’est pourquoi il dira : « Voici le seul voyage dont la lecture m’ait inspiré du goût pour une autre contrée que la mienne. » Le Supplément au voyage de Bougainville est le 3ème volet d’un triptyque composé par Diderot en 1772, publié en 1776 et retravaillé en 1778. L’utilisation du genre du DIALOGUE manifeste le refus de Diderot de toute conviction ferme et définitive, la confrontation lui semblant préférable à l’assertion (affirmation non discutable). Une complicité s’établit avec le lecteur invité à formuler ses propres conclusions sur le texte. Dans ce passage, c'est un vieillard qui parle, symbole de la sagesse tahitienne, père d'une famille nombreuse et qui méprisa les Européens à leur arrivée. Chapitre II : Les adieux du vieillard 1« Pleurez, malheureux Tahitiens ! Pleurez ; mais que ce soit de l’arrivée, et non du départ de ces hommes ambitieux et 2méchants : un jour, vous les connaîtrez mieux. Un jour, ils reviendront, le morceau de bois (1) que vous voyez attaché 3à la ceinture de celui-ci, dans une main, et le fer (2) qui pend au côté de celui-là, dans l’autre, vous enchainer, vous 4égorger, ou vous assujettir à leurs extravagances et à leurs vices ; un jour, vous servirez sous eux, aussi corrompus, 5aussi vifs, aussi malheureux qu’eux. Mais je me console ; je touche à la fin de ma carrière (3) ; et la calamité que je 6vous annonce, je ne la verrai point. Ô Tahitiens ! Ô mes amis ! vous auriez un moyen d’échapper à un funeste avenir ; 7mais j’aimerais mieux mourir que de vous en donner conseil. Qu’ils s’éloignent et qu’ils vivent. » 8 Puis, s’adressant à Bougainville, il ajouta : « Et toi, chef des brigands qui t’obéissent, écarte promptement ton 9vaisseau de notre rive : nous sommes innocents, nous sommes heureux ; et tu ne peux que nuire à notre bonheur. Nous 10suivons le pur instinct de la nature ; et tu as tenté d’effacer de nos âmes son caractère. Ici, tout est à tous ; et tu nous 11as prêché je ne sais quelle distinction du tien et du mien. Nos filles et nos femmes nous sont communes ; tu as partagé 12ce privilège avec nous ; et tu es venu allumer en elles des fureurs inconnues. Elles sont devenues folles dans tes bras ; 13tu es devenu féroce entre les leurs. Elles ont commencé à se haïr ; vous vous êtes égorgés pour elles ; et elles nous 14sont revenues teintes de votre sang. Nous sommes libres ; et voilà que tu as enfoui dans notre terre le titre de notre 15futur esclavage (4). Tu n’es ni un dieu, ni un démon : qui es-tu donc pour faire des esclaves ? Orou (5) ! toi qui 16entends la langue de ces hommes-là, dis-nous à tous, comme tu me l’as dit à moi-même, ce qu’ils ont écrit sur cette 17lame de métal : Ce pays est à nous. Ce pays est à toi ! et pourquoi ? parce que tu y as mis le pied ? Si un Tahitien 18débarquait un jour sur vos côtes, et qu’il gravât sur une de vos pierres ou sur l’écorce d’un de vos arbres : Ce pays est 19aux habitants de Tahiti, qu’en penserais-tu ? Tu es le plus fort. Et qu’est-ce que cela fait ? […]. Laisse-nous nos 20mœurs ; elles sont plus sages et plus honnêtes que les tiennes ; nous ne voulons point troquer ce que tu appelles notre 21ignorance, contre tes inutiles lumières. Tout ce qui est nécessaire et bon, nous le possédons...

« Recherches préalables : 1-Qui est Diderot ? C'est un philosophe des Lumières, qui a vécu au XVIIIème siècle et qui a participé à la rédaction de L'Encyclopédie (il en rédige presque le quart).

Tonsuré en 1726 après de brillantes études chez les Jésuites, il est lui-même convaincu de sa vocation religieuse, mais renonce pourtant à la carrière de chanoine et s'enduit à Paris pour y poursuivre des études.

Il est tour à tour ensuite traducteur, précepteur et vit dans la misère. Cette rude insertion dans le monde réel développe les bases de sa révolte intellectuelle.

Il devient l'ami de Rousseau, épouse clandestinement une lingère en 1743 et se fait connaître par ses Pensées philosophiques et sa Lettre sur les aveugles, véritables brûlots antireligieux qui subordonne le divin à l'Histoire et fondent son matérialisme athée. 2-En quoi consiste le voyage de l'explorateur Bougainville ? Ce voyage s'effectue d'avril 1767 à mars 1769 .

D'un point de vue ethnologique, ce voyage est une réussite : il livre bon nombre d'informations sur les mœurs, les croyances, l'artisanat, la langue des Patagons (peuple amérindien qui vivait en Patagonie jusqu'au XIXème siècle.

La Patagonie est une région du sud de l'Argentine.) et des Tahitiens . Aotoutou, le Tahitien embarqué à bord est reçu par le roi et devient vite la coquluche des salons parisiens, où savants, intellectuels et mondains glosent gaiement sur sa liberté sexuelle et son désir effrené de séduire la gent féminine.

Ensuite, paraît l'ouvrage de Bougainville Voyage autour du monde.

Dans ce livre, exotisme et réflexions scientifiques y nourrisent la réflexion sur le monde « sauvage », si centrale au siècle des Lumières. Si la vie sauvage fascine tant ce siècle qui souhaite assurer le bonheur de l'homme, c'est parce qu'elle s'oppose, de façon toute idéale, à la corruption généralisée qui règnerait sous le vernis lisse des sociétés civilisées.

C'est Rousseau qui donne son plein essor au mythe du bon sauvage avec la publication du Discours sur l'origine et l'inégalité. 3-En quoi consiste le mythe du bon sauvage véhiculé par les habitants de Tahiti ? L'île apparaît comme un jardin d'Eden.

Nulle passion ne vient troubler les relations libres qui unissent les individus, où les travaux et les loisirs se font en collectivité et où la propriété privée est inconnue. 4-Que peut-on dire du Supplément au voyage de Bougainville ? C'est le 3ème volet d'un triptyque composé par Diderot en 1772, publié en 1776 et retravaillé vers 1778.

Il fait suite à Ceci n'est pas un conte et Sur l'inconséquence du jugement public de nos actions particulières (connu également sous le titre de Madame de la Carlière ). Le Supplément au voyage de Bougainville est conçu comme une série de dialogues intercalés , « les adieux du vieillard » pouvant être considéré comme tel en raison de son aspect fortement théâtral où dominent les interrogations sur la liberté personnelle dans un cadre de contraintes morales et sociales. Diderot critique les mœurs et les mentalités de l'Europe policée et veut que l'Europe tire des leçons de l'utopie tahitienne. L'importance des dialogues reflète la démarche intellectuelle de Diderot qui se refuse à asséner une vérité figée : « Je ne prononce pas, j'interroge », expliquera-t-il dans la Réfutation d'Helvétius.

La dialogue relève bien ici du genre délibératif , dans la mesure où il pèse le pour et le contre et met en débat des questions, sans livrer le dernier mot : il invite ainsi le lecteur à jouer avec les différentes pensées exprimées et à se forger sa propre vérité. INTRODUCTION a)Contexte historique et littéraire : Ce texte fut composé par Diderot en 1772, publié en 1776 et retravaillé en 1778.

Il offre une vision utopique du bon sauvage, à travers la description de la culture tahitienne qui semble bien meilleure que celle de l'ancien monde, de l'Europe. b)Présentation du texte : Dans ce passage, c'est un vieillard qui parle aux Tahitiens pour leur dire de se méfier de l'arrivée des Européens qui ne peut que corrompre leurs mœurs.

Ils donnent plusieurs arguments et exemples pour mettre en lumière les failles des Européens et leur influence négative sur les Tahitiens.

Cet homme peut être considéré comme le symbole de la sagesse tahitienne de par son âge et sa perspicacité. c)Mouvements : Le premier mouvement, constitué du premier paragraphe contient une critique virulente des Européens dont les Tahitiens sont invités à se méfier (l.

1 à 7).

Le second mouvement confronte la culture tahitienne considérée comme pure, corrompue par l'arrivée des Européens (l.8 à 15).

Le 3ème mouvement commence par une adresse à Orou et par la dénonciation de la prise de possession des Européens de la terre tahitienne (l.

16 à 21). »

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