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Les masques de Jean-Baptiste Clamence - Camus, La Chute

Publié le 09/08/2014

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Dans l'oeuvre de Camus, La Chute est indéniable­ment un texte à part : objet étrange qui fascine autant qu'il dérange; livre atypique qui semble ne correspon­dre en rien à ce que l'on se croyait en droit d'attendre. Parmi les personnages nés de l'imagination de Camus, Jean-Baptiste Clamence est incontestablement un être en marge : à l'inverse des Meursault et des Rieux, il se grise jusqu'à l'extase et à la déchéance de sa propre parole, fuyant le lecteur et se fuyant lui-même dans une sorte de labyrinthe de mots et de miroirs qui disperse son image à l'infini. Dans la série rectiligne et calculée de ses livres, Camus a choisi d'ouvrir, avec La Chute, comme un précipice sombre et énigmatique. Dans la galerie lumineuse de ses personnages, il a décidé d'introduire, avec Clamence, un être d'ombre dont la vérité nous échappe et la présence nous obsède.

Clamence, il ne cesse de le répéter, est un être dou­ble. S'il lui fallait choisir dans la mythologie un patron, il opterait sans hésitation pour Janus, le dieu aux deux visages. Sa descente au fond des apparences lui a appris que celles-ci ne sont qu'un leurre : la vérité des êtres inexorablement se dérobe, le mensonge contamine toute valeur, la fausseté règne. Puisque le plus géné­reux des hommes peut être le plus égoïste des êtres, puisque la vertu ne sert qu'à dissimuler le vice, comment saisir la vérité d'un individu? Dans le portrait de lui-même qu'il trace à notre intention, Clamence prétend exposer la nature même de ce que nous sommes sans oser nous l'avouer. On ne s'étonnera donc pas qu'il se présente à nous comme un être multi­ple. Plus qu'un personnage, il se veut une collection, subtilement agencée, de masques qui, sans fin, se lèvent et se posent sur le visage inexistant d'un inconnu.

« Un héros de notre temps «

Qui est Clamence? Quel est le premier des masques qu'il propose à notre regard? A de nombreuses repri­ses, la critique a insisté sur ce point : l'ambition pre­mière de Camus fut d'écrire un pamphlet et le visage excessif de Clamence fut conçu d'abord comme une impitoyable et féroce caricature.

La Chute, en effet, est née directement de la querelle de L'Homme révolté. Camus, on l'a vu, avait été pro­fondément meurtri par la violence avec laquelle Les Temps Modernes avaient condamné son livre. Il n'avait pas supporté qu'on lui fasse la leçon avec hauteur et condescendance. Il avait donc contre-attaqué et, dans sa réponse à Sartre, il analysait la contradiction qui lui semblait au coeur de l'existentialisme.

Pour Camus, la philosophie sartrienne se trouvait inexorablement habitée par deux tensions contradictoi­res et inconciliables : la fidélité, d'une part, à une vision de l'homme qui affirme la liberté absolue de l'individu; l'adhésion implicite, d'autre part, au dogme marxiste dont le déterminisme historique est, aux yeux de Camus, la négation même de toute liberté.

Cette contradiction logique se paye pour ceux qui la soutiennent d'un déchirement intérieur : les existentia­listes sont à la fois des bourgeois et des révolutionnai­res. S'en prenant directement à Jeanson, Camus écrit à son propos :

 

« Il semble dire qu'on ne peut être que communiste ou bourgeois et dans le même temps, sans doute pour ne rien perdre de l'histoire de son temps, il choisit d'être les deux. H condamne, comme communiste, mais il travestit, comme bourgeois. Mais on ne peut être communiste sans avoir honte d'être bourgeois, et inver­sement; à tenter d'être les deux, on cumule seulement deux sortes de gêne. C'est ainsi que l'auteur de votre article fait état d'un double embarras, l'un que lui

camus

« « Un héros de notre temps » Qui est Clamence? Quel est le premier des masques qu'il propose à notre regard? A de nombreuses repri­ ses, la critique a insisté sur ce point: l'ambition pre­ mière de Camus fut d'écrire un pamphlet et le visage excessif de Clamence fut conçu d'abord comme une impitoyable et féroce caricature.

La Chute, en effet, est née directement de la querelle de L'Homme révolté.

Camus, on l'a vu, avait été pro­ fondément meurtri par la violence avec laquelle Les Temps Modernes avaient condamné son livre.

Il n'avait pas supporté qu'on lui fasse la leçon avec hauteur et condescendance.

Il avait donc contre-attaqué et, dans sa réponse à Sartre, il analysait la contradiction qui lui semblait au cœur de l'existentialisme.

Pour Camus, la philosophie sartrienne se trouvait inexorablement habitée par deux tensions contradictoi­ res et inconciliables: la fidélité, d'une part, à une vision de l'homme qui affirme la liberté absolue de l'individu; l'adhésion implicite, d'autre part, au dogme marxiste dont le déterminisme historique est, aux yeux de Camus, la négation même de toute liberté.

Cette contradiction logique se paye pour ceux qui la soutiennent d'un déchirement intérieur: les existentia­ listes sont à la fois des bourgeois et des révolutionnai­ res.

S'en prenant directement à Jeanson, Camus écrit à son propos: «Il semble dire qu'on ne peut être que communiste ou bourgeois et dans le même temps, sans doute pour ne rien perdre de l'histoire de son temps, il choisit d'être les deux.

Il condamne, comme communiste, mais il travestit, comme bourgeois.

Mais on ne peut être communiste sans avoir honte d'être bourgeois, et inver­ sement; à tenter d'être les deux, on cumule seulement deux sortes de gêne.

C'est ainsi que l'auteur de votre article fait état d'un double embarras, l'un que lui. »

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