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LES MORALISTES: LA ROCHEFOUCAULD. LA BRUYÈRE

Publié le 20/05/2011

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Tous les écrivains du grand siècle, quelque genre qu'ils traitent, y enferment une morale. Pourquoi donc réserve-t-on à quelques-uns d'entre eux le nom de Moralistes? — On appelle ainsi ceux qui « traitent des mœurs, non parmi d'autres choses, mais à part, et comme sujet unique «. (Nisard.)

I. — La Rochefoucauld (1613-1680).

Vie. — Il faut distinguer deux périodes dans la vie de La Rochefoucauld : la première, pendant laquelle il veut être et croit être un politique d'action; la seconde, où, déçu de ses ambitions, il écrit d'abord ses Mémoires, puis ses Maximes. François VI, prince de Marcillac, puis, à la mort de son père, duc de La Rochefoucauld, appartenait à l'une des plus grandes familles de France. Élevé probablement à la campagne, François de La Rochefoucauld ne fit pas de fortes études. A seize ans, il prend les armes; il devient mestre de camp du régiment d'Auvergne; de 1635 à 164z, il se bat bravement et il est blessé. Vers la fin du ministère de Richelieu, il sert, en galant chevalier, Anne d'Autriche alors en disgrâce. De 1642 à 1648, il vit dans son château de Verteuil, où il est exilé. La Fronde séduit son humeur romanesque.

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« »Et voilà le grand service que peut nous rendre La Rochefoucauld.

Il nous oblige à être sincères avec nous-mêmes; àfaire un examen de conscience scrupuleux, et à rougir de nos vices déguisés.

Il combat notre hypocrisie intérieure.C'est par là qu'il est chrétien et janséniste.

On ne songe peut-être pas assez que le salon de Mme de Sablé avaitune entrée sur Port-Royal, et que cette excessive sévérité de la marquise et de ses amis ressemble beaucoup àcelle d'un Saint-Cyran ou d'un Pascal.L'art dans La Rochefoucauld.

— Il était né grand écrivain.

Rien ne le prouve mieux que les rédactions successivesdes mêmes maximes; il n'atteint parfois que dans la cinquième édition à cette forme exquise et concise qui seuledevait le satisfaire.

Sa préoccupation, peut-être parfois trop visible, est de balancer exactement sa maxime, de luidonner la force d'une antithèse, ou l'attrait d'un paradoxe.

Être clair, et en même temps obliger à réfléchir, tel estson idéal. II.

— La Bruyère (1645-1696). Vie.

— La Bruyère ce né à Paris, en 1645, dans la Cité.

Fils d'un contrôleur général des rentes de la ville, il devint,après avoir fait son droit à l'Université d'Orléans, avocat au Parlement de Paris.

Puis, il acheta, en 1673, un office detrésorier des finances dans la généralité de Caen.

Il continua de vivre à Paris, en philosophe, tout en restanttitulaire de sa charge jusqu'en 1686.Mais, en 1684, le philosophe, qui était ami de Bossuet, fut par lui présenté chez les Condé, pour y devenirprécepteur du jeune duc de Bourbon, petit-fils du Grand Condé.

C'était un jeune homme de seize ans, d'uncaractère hautain et brutal.

La Bruyère ne lui enseigna l'histoire, la géographie et les institutions de la France quependant deux ans et quelques mois.Vite libéré de cette tâche ingrate, qu'il remplit d'ailleurs à la satisfaction de la famille et de Bossuet, La Bruyèrereste à Chantilly comme gentilhomme de M.

le duc...

Alors, il a des loisirs, et il les emploie à observer et à écrire.

Ilallait souvent à Paris, chez le libraire Michallet, pour y voir les nouveautés.

Un jour, il tira de sa poche un manuscrit,et dit au libraire « Voulez-vous me prendre ceci ?...

Je ne sais si vous y trouverez votre compte; mais, en cas desuccès, le produit sera pour ma petite amie.

» Cette petite amie était la fille du libraire, une enfant; et ce manuscritétait celui des Caractères.

La première édition parut en 1688; elle fut suivie de plusieurs autres; et le libraire ytrouva si bien son compte que Mile Michallet eut plus tard une belle dot et épousa M.

de Juilly.Le succès des Caractères valut à l'auteur, comme le lui avait prédit M.

de Malézieu, « beaucoup d'approbateurs etbeaucoup d'ennemis ».

La Bruyère se présenta à l'Académie française en 1691, il ne fut pas élu; il y entra deux ansplus tard, et son discours fit sensation.

Il préparait la neuvième édition de ses Caractères, et il travaillait, sousl'inspiration de Bossuet, dit-on, à des Dialogues sur le quiétisme, lorsqu'il mourut subitement à Versailles, le u mai1696. Les éditions des Caractères.

— La première édition, parue en 1688, portait pour titre : les Caractères deThéophraste, traduits du grec, avec les Caractères ou les Moeurs de ce siècle.

La même année, deux autreséditions ne furent que la réimpression de la première, dans laquelle dominaient les maximes morales, et où il y avaitpeu de portraits.

— La quatrième édition (1689) contenait un grand nombre d'additions.

— Pour ne pas entrer dansun détail infini, disons que, de la première à la huitième, le total des articles avait passé de 420 à 1.130.

— Onadopte aujourd'hui comme texte de La Bruyère, celui de la neuvième édition, qui s'imprimait au moment même oùl'auteur est mort, et qui parut en 1696.La Bruyère traducteur de Théophraste.

— Ce Théophraste, derrière lequel s'abrita d'abord si modestement LaBruyère, était un philosophe grec du ive siècle avant J.-C., disciple et continuateur d'Aristote.

La Bruyère a traduitson recueil de trente portraits ou caractères sur un texte défectueux, sans exactitude bien scrupuleuse; lescontresens n'y manquent pas; le style n'y a pas cette précision pittoresque que nous admirons dans son œuvrepersonnelle.

Mais il n'est pas douteux que ce travail ne l'ait conduit à observer lui-même les mœurs de son siècle.

Letitre de sa première édition n'est pas seulement une habileté d'auteur; il montre aussi le chemin qu'a suivi La Bruyèrepour devenir un écrivain original.La composition dans les Caractères.

— Les Caractères de La Bruyère comprennent seize chapitres : i.

Des Ouvragesde l'esprit ; ii.

Du Mérite personnel ; iii.

Des Femmes ; iv.

Du Coeur ; v.

De la Société et de la Conversation ; vi.

DesBiens de fortune ; vii.

De la Ville ; vin.

De la Cour ; ix.

Des Grands ; x.

Du Souverain ou de la République ; xi.

Del'Homme ; xii.

Des jugements ; mil.

De la Mode ; xiv.

De quelques Usages ; xv.

De la Chaire ; xvi.

Des Esprits forts.— Il est impossible, quelque bonne volonté ou quelque subtilité qu'on y apporte, de trouver une suite dans cettenomenclature, bien que La Bruyère prétende que les quinze premiers chapitres ne sont qu'une préparation auseizième et dernier, « où l'athéisme est attaqué et peut-être confondu...

».D'ailleurs La Bruyère ne compose pas davantage chaque chapitre.

Mais s'il n'établit pas une gradation entre lesparagraphes, s'il se dispense des transitions, il ne renferme du moins sous le titre général de son chapitre que ce quipeut logiquement y entrer.Cette absence d'ordre est l'effet d'un art très calculé.

L'auteur sait ce qu'il peut y avoir de dédain pour un ouvrageennuyeux, chez ces « honnêtes gens » qu'il a entendus causer à Chantilly, « l'écueil des mauvais livres ».

Moraliste,il saura se faire lire, en évitant le tour didactique et le ton doctoral.

Ses Caractères seront de ces livres que l'onpeut ouvrir à la première page venue, qui commencent partout et ne finissent nulle part.La Bruyère peintre de portraits.

— La Bruyère a surtout excellé dans le portrait.

— « Je rends au public ce qu'il m'aprêté », dit-il...

Il a observé, il a noté : il a ensuite combiné ces traits épars, pour en faire des caractères.

Il fautadmirer la variété de ses procédés.

Tantôt c'est le caractère, fait d'observations minutieuses, suivies de réflexions. »

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